[Ruby] Clémence dans tous ses états !

Hrp : C'est vraiment trop triste!

(on continue avec de la musique qui va bien)



Lorsque Ruby se réveilla, elle était nauséeuse, elle avait des frissons et son corps en entier lui faisait mal. Mais pas assez pour surpasser la douleur dans son cœur. Elle était dans son lit, portait toujours ses vêtements tachés de sang, mais quelqu’un lui avait essuyé le visage et les mains.

Elle se recroquevilla dans une couverture, et regarda à travers le hublot du bateau, laissant son esprit s’envoler dans le bout de ciel bleu qui était visible. Elle n’entendit pas le petit ‘toc-toc’ à sa porte, ni celle-ci s’ouvrir pour laisser Caessa rentrer.

La jeune seconde ne comprenait pas. Elle avait laissé Ruby le jour précédent chez Antoine Lepras pleine de vie et de volonté et elle la retrouvait… anéantie.
Elle s’approcha en silence et s’assit sur le lit. Ruby ne lui prêta aucune attention, aussi dit-elle d’un ton bas et hésitant :
« Sieben t’as couché dans ton lit. Après que tu sois rentrée on s’est inquiété tu sais… tu t'étais évanouie sur le sol...»

Pour toute réponse Ruby cligna des paupières, mais ses lèvres restaient closes.
« Est-ce que… Tu… »
Un silence pesant s’installa.
« Cet homme hier, il a dit que tu risquais de découvre des choses. Sur toi. Ca… ca a un rapport ? Je peux… t’aider ? »

La jeune capitaine tourna alors vers elle un regard empli de tristesse et fondit en larme dans ses bras. Caessa la serra contre elle tout le temps que les sanglots continuèrent, ce qui dura plusieurs minutes. Ruby pleura, encore et encore.
Entre deux sanglots, Caessa réussit à comprendre :
« …jamais imaginer… horrible… préférais pas savoir… inhumains… »

Puis lorsque le flot des larmes se fut tari et que le souffle de Ruby se fut un peu calmé, elle se détacha un peu de l’étreinte de Caessa.
Son regard avait repris un peu de son éclat habituel, et elle murmura :
« C’est toi, ma sœur. Personne d’autre.»

Suite à quoi elle se précipita hors du lit pour aller vomir ses tripes.

La jeune femme mit du temps à répondre.

Dans la paume de sa main se trouvait une plume.
Elle était d’un blanc immaculé à l’origine, mais désormais du sang avait séché dessus et ne partirait jamais.
Et malgré cela, elle était toujours si douce…
Samuel…
Elle voulait courir chez Antoine Lepras pour lui demander si lui aussi était en vie.
Si elle avait perdu la mémoire, peut-être que lui aussi, qu’il était perdu quelque part sans savoir…
Mais ses jambes se mirent à trembler et les larmes affluèrent alors. Si un tenebrosi ne pouvait vivre sans son ombre, alors un ange sans ses ailes ?
Le visage de son ange se matérialisa quelques instant devant ses yeux, et elle reflua les larmes qui montaient de nouveau.




Une image s'interposa, la dernière fois qu’il lui avait murmuré son amour.
Cette fois les larmes s’écoulaient toutes seules, en silence.

Aurait-il aimé la femme qu’elle était devenue ? Éprise de liberté, courageuse et téméraire…
Oui, il l’aurait très certainement aimé, encore plus. Et il aurait voulut qu’elle vive et qu’elle soit forte.

Elle essuya ses larmes du revers de sa manche.
Et lorsqu’elle releva le visage sa tristesse s’était muée en haine et en colère.



Elle répondit alors :
« J’ai été Clémence, mais tout ce qui faisait de cette personne un être humain a été noyé dans une marre de sang et d’horreur.
Aujourd’hui, je me nomme Ruby, et j’ai promis de me venger de tous ceux qui m’ont fait souffrir. Et je te jure qu’ils vont regretter que je ne sois pas morte. »

Ruby s'approcha du mur sur lequel apparaissait son ombre. Elle posa ses deux mains contre les siennes et déposa le haut de sa tête contre le bois de la cabine.
Comme si elle enlaçait son ombre.

"J'entends tout ce que tu me dis, Roland. Et crois-moi, je ne compte pas gâcher cette vie, même si elle aura à jamais un goût... amer.
Tu sais, si je m'écoutais, à l'heure actuelle, j'aurais déjà fait couler un torrent de sang - et le mien y serait très certainement mélangé."

Elle déglutit en refoulant ses larmes. Sa volonté serait plus forte que la douleur.
"Mais je n'aurais de répits si je m’enfuie. Je veux être la petite épine plantée dans la chair de Thémésia et qui démange, je veux pourrir le moindre de leur plan en place, je veux devenir un vrai cauchemars pour la lumière, que la femme qui était autrefois ma sœur devienne folle, de rage, de haine, de remords, je m'en fiche, mais je... Je n'aurais aucune pitié."

Elle détacha sa tête du mur et fixa son ombre. Une question lui brûlait les lèvres, mais elle devait la poser. Sa voix était tel un murmure à peine audible lorsqu'elle parla.
"Dis-moi, Roland... Tu te souviens...
Lorsqu'on m'a emmené loin de cette cave... Est-ce que Samuel était encore en vie ?"

La jeune femme écoutait son ombre attentivement. Les images qui défilaient devant ses yeux lui soulevaient le cœur, mais elle resta silencieuse.
Lorsque son ombre se fut tu, elle posa la main une nouvel fois sur le mur où celle-ci se trouvait, en lui souriant tristement.
« Toi aussi tu as souffert. Pardonne-moi. La jeune fille que j’étais n’aurait pu imaginer… »
Elle ne finit pas sa phrase car les mots refusaient de sortir, mais elle eut l’impression que Roland hochait la tête en signe de compréhension.

« Je dois retourner voir Leprat. Il n’y avait pas de… corps, hier, pas d’ossements. Peut-être que les anges disparaissent dans une poussière d’étoiles scintillante, qui sait. J’aimerais savoir si au moins il a pu… trouver le repos, dignement… dans la mort… »
Elle eut un vertige et s’assit sur son lit.
« Je... je crois que je vais pleurer… une dernière fois, et ensuite… plus jamais. »



Ruby s’habilla avec soin, harnacha bien toutes ses armes, prit avec elle certaines des cartes qu’elle avait de Clémence et ses environs, puis choisit la plus grande et belle des plumes qu’elle avait, de Samuel.
« Viens Roland, il est l’heure. Allons embrasser notre destin. »


Elle ouvrit à la volée la porte de sa cabine et tomba sur un matelot qui la regarda les yeux ronds.
Elle lui ordonna, d’un ton ferme mais sans agressivité :
« Le sol de ma cabine a besoin d’un bon seau d’eau fraîche, je compte sur toi ! »
L’homme acquiesça de la tête et partit se mettre à la tâche immédiatement. Elle en croisa un deuxième :
« Toi, prends mon tricorne et couds-moi cette plume avec le panache. » Elle le regarda bien dans les yeux. « Et fais-ça bien. »
Puis tout en remontant sur le pont, elle en choppa un troisième.
« Va me chercher Caessa et Sieben, je veux les voir à la barre, sur le champ ! »
« OUI CAP'TAINE ! ! »


*

Les hommes sur le pont jetaient sans cesse des regards vers le trio à la barre.
Leur Capitaine avait l’air d’aller bien, elle avait retrouvé sa prestance et une détermination inconnue pouvait se lire sur son visage.
Cela faisait plusieurs dizaines de minutes que la discussion avait lieu et ils se demandaient bien ce qui pouvait se dire.

Ruby avait tout raconté à ses deux seconds, ses amis.
Caessa avait les yeux gonflés et Sieben serrait les poings si forts que ses jointures étaient devenues rouges
« Voilà donc mes ordres : si ma nouvelle identité est découverte, ils n’hésiteront surement pas à vous tomber dessus. Je veux que vous fassiez le plein de poudre, de nourriture, et qu’au moindre mouvement louche, vous mettiez les voiles. Aller rejoindre Zhamira. Le Flamboyant est rapide, vous n’aurez aucun mal à les semer s’ils sont assez fou pour vous poursuivre par la mer. Sieben tu seras le Capitaine intérimaire et Caessa sera là pour te seconder. Je sais que je peux avoir confiance en vous. Vous êtes ce qui me reste de plus cher à ce jour, et savoir que vous serez à l’abri en cas de pépin me permettra d’être concentrée sur… ce que j’ai à faire.»

Caessa protesta aussitôt.
« C’est hors de question ! On va t’aider à massacrer ces ordures, tu ne… »
Sieben la fit taire d’un signe de la main.

Il fixa Ruby dans les yeux.
« Lorsque ma femme a été violée puis massacrée, je suis rentré dans une rage folle. Je comprends ce que tu ressens, la soif de vengeance et l’appel du sang. Je les ai massacré, tous. Et lorsque ça a été fait, la douleur de la perte était toujours présente, mais je savais que justice avait été rendu et quelque part cela m’a permis de soigner la blessure. »
Il marqua une pause, et il prit soin de détacher chaque mot de la phrase qu’il prononça ensuite :
« Mais j’ai eu de la chance, Ruby. La chance de survivre à ça. La chance d’avoir une nouvelle vie, de vous rencontrer, de pouvoir respirer un air pur chaque matin et admirer le soleil se coucher chaque jour à vos côtés. »
Il soupira.
« Mais si c’était à refaire, je le referais. »
Il posa une main sur l’épaule de sa Capitaine, comme s’il voulait lui transmettre un peu de sa force.
« Fais ce que tu dois faire. C’est ainsi que tu es, nous ne te changerons pas. Je n’irais pas contre tes ordres, ni contre ta volonté. »

Ruby lui sourit, un sourire à la fois triste et chaleureux, qui voulait dire qu’ils se comprenaient, qu’ils respectaient tout deux la douleur de l’autre.
Puis elle regarda Caessa. « Et toi ? »
Cette dernière tritura ses doigts en baissant les yeux. Visiblement elle menait un combat psychologique entre le fait de partir aider son amie malgré sa demande et contre les ordres de son Capitaine, et celui de lui obéir malgré tout.
« Je… Si ça peut t’aider de te dire que Sieben et moi prendrons soin du navire et de l’équipage, alors… d’accord… »
Ruby glissa un doigt sous le menton de la jeune femme pour l’obliger à la regarder dans les yeux.
« Caessa, ce n’est pas le navire, ce n’est pas que l’équipage… Si je vous perdais, Sieb', toi… Je ne pourrais jamais m’en remettre. Je n’aurais plus de raison de me battre. Pas là, pas maintenant… Tu comprends ? »
- « Mais si nous, nous te perdons ? »
Ruby sourit, un sourire franc et lumineux.
« Je ferais tout pour que ça n’arrive pas. »


*

Ruby galopait à vive allure vers la demeure de Leprat. Elle revoyait son équipage qu’elle avait quitté peu de temps auparavant, leur expliquant que des affaires d’ordres personnels et graves allaient la retenir un temps indéterminé à Clémence. Et que si elle ne les réglait pas, elle ne serait plus en mesure de se regarder en face et de rester leur Capitaine.
Elle entendait de nouveau ses hommes protestaient comme l’avait fait Caessa, lui disant – alors qu’à eux elle n’avait rien dit des détails de l’affaire – qu’ils étaient prêts à la suivre où qu’elle déciderait d’aller et qu'importe ce qu'elle déciderait de faire.
Elle s’entendait leur répondre :
« Je suis certes votre Capitaine, mais j’ai de l’affection, et du respect pour chacun de vous. Autant que vous en avez pour moi. Et c’est pourquoi je vous promets de faire mon maximum pour être de retour le plus rapidement possible, pour vous faire encore trimer comme des bêtes, vous donner de bons coups de pieds au cul et surtout… trinquer encore et encore à not’ santé ! »
L’équipage avait salué ses mots avec force clameur, puis elle les avait fait taire pour leur dire :
« Je vous ordonne d’obéir en tout à Sieben et Caessa durant mon absence. Quelque soit leurs ordres. Ils ont toute ma confiance et… ils savent ce qu’ils ont à faire. »

Et elle avait laissé derrière elle Le Flamboyant, et ses amis.





Lorsqu’elle arriva devant les grilles du chevalier d’Orgueil, elle remit son tricorne sur sa tête. Une magnifique plume blanche l'ornait désormais.

Ruby se leva pour saluer l’ombre lorsqu'elle entra dans la pièce et se rassit.
Elle avait peu dormir et se poser dans un siège confortable lui avait fait se rendre compte qu’elle était épuisée.

Elle accueillit avec plaisir la bouteille mise à sa disposition et n’hésita pas à s’envoyer une bonne rasade de rhum.
Le liquide lui brûla la gorge mais lui redonna un peu d’énergie.

« Oui, vous pourrez surement me répondre en effet. »
Elle chercha comment dire les choses le plus simplement.
« Je me rappelle de tout… Ma famille, ma vie à Clémence, cette nuit où Antoine est venu me secourir… »
Elle fixait l’ombre, mais son regard allait au-delà.
Sa voix était légèrement enrouée mais c’était à cause de la fatigue et d’avoir trop pleuré.
« Je voulais savoir comment il avait su où nous trouver... J’aurais voulu le remercier également…
Et j’aurais aimé savoir s’il savait ce qui était advenu de l’ange qui était prisonnier avec moi. »

Ruby ferma les yeux un instant.
Le ventre entièrement vide, le rhum lui faisait légèrement tourner la tête.

"Bien sur... murmura-t-elle, pourquoi vous seriez-vous soucié de lui."

Elle regarda l'ombre avec un sourire immensément triste. Les tabous d'hier l'étaient toujours aujourd'hui, comment pourrait-elle leur expliquer ?

"Il s'appelait Samuel, et croyez-le ou non, c'était mon ami. Il comptait pour moi. J'aurais voulu... j'aurais voulu qu'il survive lui aussi."

Elle se frotta les yeux, espérant faire disparaître la fatigue qui l'accablait.

"Pardonnez-moi, j'ai eu une soirée et une matinée extrêmement éprouvantes..."

Ruby hésita. Pouvait-elle se confier à Bianca ? Elle n'en était pas certaine...
Mais elle ne pouvait pas rester sans rien dire face à de tels propos. Elle réprima l'envie de hurler que leur amour était plus doux et beau que le soleil, et d'un ton glacial répondit :

"Les liens qui.... nous unissaient Samuel et moi, n'avaient rien a voir avec le pouvoir destructeur du Shaïtar !"

La référence l'avait blessé, aussi voulu-t-elle se lever pour prendre congé, mais ses jambes avaient l'air d'être en plomb et l'effort que cela exigea d'elle lui fit tourner la tête. Elle prit appuie sur le dossier du fauteuil, en murmurant :

"Même si j'avoue qu'à l'heure actuelle il y a des personnes à qui je souhaiterais de connaître cette apocalypse..."

À l'évocation d'un repas et d'un peu de repos, les traits de Ruby se décrispèrent légèrement.

"J'avoue que ce ne serait pas de refus que j'avalerais quelque chose... Merci pour votre invitation."

Elle suivit l'ombre en poursuivant :
"J'avais prévu d'aller voir les autres à la demeure des Luccozzi après être venu mais... je crois qu'il faudra que je dorme un peu avant."

Elle baissa les yeux vers son tricorne qu'elle tenait à la main, tout en continuant de marcher, et caressa avec douceur la plume blanche.
"La vengeance est un plat qui se mange froid, comme on dit... Je dois être patiente..."

L'estomac de Ruby se tortilla dans tous les sens en plongeant dans les odeurs de la cuisine...
Elle espérait que la nourriture passerait sans mal.

"Merci encore. En effet, je verrais Ornella après son cours alors..."

Elle alla pour s'installer devant l'assiette que Rosy venait de se servir, mais s'arrêta pour poser une dernière question à Bianca :
"Et... Pendant ses trois ans, comment a évolué la famille ... Van Tassel ? Ont-ils... prospéré ?"

"Grande... prêtresse ?"

Ruby encaissa le choc comme une bonne droite dans le bide.
Elle baissa la tête et ses épaules furent prises d'un tremblement... et puis elle éclata de rire.
Genre un rire de démente qui mettait mal à l'aise.

"Grande prêtresse ,hein ! Grande prêtresse..."
Son rire s'arrêta aussi vite qu'il était venu et Ruby s'effondra presque sur sa chaise, la mine sinistre.

"Je crois que je vais en rester là pour les questions... Sinon je ne pourrais rien avaler et encore moins dormir."

Elle attendit que Bianca soit parti pour commencer à manger.
La nourriture, bien que délicieuse, avait un goût de cendres dans sa bouche...

Ruby se frotta les yeux, bailla et s'étira autant qu'elle pu.
Le lit était confortable, plus que le sien à bord du Flamboyant.
Elle s'allongea de nouveau sur le matelas confortable, contemplant le plafond de la chambre dans laquelle elle se trouvait : simple mais décorée avec goût.

Un rayon de fin de journée se glissa par les rideaux tirés et vint lui réchauffer la joue.
Elle ferma les yeux en repensant à son amour.
C'était étrange, car elle avait l'impression qu'il avait été là encore quelques minutes plus tôt.
Elle caressa ses lèvres du bout des doigts, en repensant aux baisers échangés, plein de fougue et de tendresse...

Puis rouvrit les yeux pour fixer de nouveau le plafond.
Elle resta plusieurs minutes ainsi,essayant de faire le vide dans ses pensées et ses émotions, immobile à l'extérieur mais bouillonnante intérieurement.

"Bon, ça ne sert à rien..." dit-elle en se redressant finalement.
"Je n'arriverais pas à me vider la tête, c'est inutile..."

Elle alla prendre ses bottes et se prépara à rejoindre le maître des lieux, s'il était de nouveau disponible.