[Ruby] Son arrivée à Clémence

Ruby s’étira longuement avant de mettre les pieds sur le sol en bois de sa cabine. Sa tête la lançait un peu, mais en ingérant beaucoup d’eau dans la journée cela passerait. Ils avaient bien bu hier soir sur le Flamboyant, mais elle faisait confiance à son équipage pour être déjà actif – contrairement à leur Capitaine.

Le coup frappé à la porte et la tête passée par l’ouverture lui confirma sa pensée.
« Alors Cap’taine, on s’remue ou faut qu’j’demande à une dizaine de mat’lots de v’nir m’aider à vous tirer d’là ? »
Ruby lui fit signe d’entrer tout en se servant de l’eau fraîche.
« Ça ira Caessa, je me bouge. Et je t’ai déjà dit de ne me vouvoyer qu’en public, tu t’rappelle ? Et puis quelle heure est-il ? »
Elle bailla à s’en décrocher la mâchoire.
« Plus tard que tôt ! Mais Sieben s’est déjà occupé de l’équipage, z’inquiétez pas. »

La jeune fille qui lui parlait ne devait pas avoir plus de 23 ans. C’était un de ses deux seconds et si Zamira Drakasha était comme une mère de substitution pour Ruby, Caessa était sans conteste sa sœur. Elle avait de grands cheveux bruns bouclés qu’elle remontait en queue de cheval, une bouche fine qui souriait tout le temps et de grands yeux noisettes.
Certains auraient dit des yeux de biche, mais ceux qui la connaissait ne s’y trompaient pas : c’était des yeux d’aigle. Armée de ses 2 pistolets, c’était la meilleure tireuse de la flotte - et surement de tout Néolim avait souvent pensé Ruby. C’était elle qui lui avait appris à tirer lorsqu’elle avait rejoint la flotte de Zamira. Elles s’étaient tout de suite bien entendu.

« Les mathurins se demandent quand on largue les amarres. »
« Si je le savais. Passe-moi cette chemise… De quoi j’ai l’air ? »
« De tout, sauf d’un terrible Cap’tain pirate ! »
Elles éclatèrent toutes les deux de rire.
C’était plus fort qu’elle, mais Ruby ne supportait pas d’être mal fagotée. Un tricorne de cuir noir orné d’un magnifique panache de plumes rouges vint parfaire sa tenue.
« Bien. »




Le temps était au beau fixe et le soleil se reflétait sur l’eau calme du port de Clémence. Le flamboyant était un clipper rapide et dynamique. Sa proue représentait un soleil travaillé dans le bois, dont les rayons venaient onduler jusque sur la coque. Ruby avait donné ses directives à l’équipage : à quais jusqu’à nouvel ordre et personne d’extérieur à la flotte ne mettait les pieds sur le navire sans son autorisation. Permission de quitter le bateau, mais pas plus de 12 matelots à la fois. Les salaires venaient d’être distribués, les hommes seraient donc tranquilles pour plusieurs jours.

Sieben s’approcha d’elle. C’était un homme qui ne devait pas avoir passé la trentaine, mais les rides creusées dans son visage lui en donnaient bien 10 de plus. Il avait une carrure impressionnante : 1m80 de muscles et des poings qui étaient des armes implacables. Contrairement aux brutes de son gabarit qu’elle avait bien souvent pu croiser, Siben avait aussi une cervelle. C’est ce qui faisait de lui un merveilleux second. Il avait le respect des hommes, savait s’en faire obéir et il ne ferait jamais défaut à son Capitaine. Comme pour Caessa et Ruby, Zhamira et sa flotte était son foyer, sa famille. Ils n’avaient rien d’autre.

Caessa était orpheline. Elle avait connu la rue, la mendicité, les coups. Zamira l’avait recueilli, l’avait sauvé de la faim et des bas désirs que les hommes peuvent avoir pour une fillette. Elle lui avait apporté une certaine forme d’amour, tout au moins de l’affection, de l’aventure, des compagnons… ce qu’il faut de chaleur pour rendre une âme heureuse.
Pour Sieben, c’était différent. Elle l’avait trouvé captif d’un navire qu’elle avait abordé. L’équipage avait résisté et les pirates, impitoyables, en avaient tué plus de la moitié. L’autre s’était jetée à la mer. Il était resté muet quand on l’avait interrogé et défait ses liens, aussi Zhamira l'avait-elle gardé par curiosité, sous bonne surveillance. Les jours passant,
sa langue finit par se délier. Il raconta alors que son village avait été pillé et détruit plusieurs semaines auparavant. Beaucoup d’enfants et de vieillards, d’hommes et de femmes avaient périt, dont la sienne. Mais les pilleurs avaient visiblement réussit à passer un accord avec le Seigneur des terres et justice n’avait pas été rendu. Il avait donc décidé de rendre sang pour sang, œil pour œil lui-même. Et il avait atteint son but. Mais cela avait fait de lui un hors-la-loi, et le bateau l’emmenait vers son jugement, vers une mort certaine.
Zamira lui avait alors dit qu’il pourrait débarquer au prochain port et reconstruire sa vie, qu’elle lui présenterait des contacts et qu’il pourrait repartir de zéro. Mais il avait demandé à rester à ses côtés et à devenir un membre de sa flotte. Car il croyait au destin capricieux qui lui avait prit sa femme, mais qui l’avait également conduit à elle.


« Et toi ? » interrogea l’ombre.
3 ans en arrière, c’était le trou noir.
Les premiers jours de son réveil obscur étaient toujours flous, même aujourd’hui. Elle se souvenait être passée des mains d’Antoine Lepras à celles de Zhamira, des questions répétitives qu’elle lui avait posé sans succès, des heures à essayer de se rappeler, jusqu’à en avoir la migraine.
« Même toi, tu restes muette, pour une fois, ça te change. » avait pesté Ruby contre son ombre.
Et puis Zhamira lui avait dit : « Je pense qu’il faut courir après quelque chose pour se sentir en vie, mais pas après son passé. Le moment le plus important c’est le présent, car si on ne s’occupe pas de son présent, on manque son futur. »

Après ça, Ruby avait décidé qu’elle avait dû mourir, et qu’elle était née de nouveau.
Elle apprit ce qu’il fallait pour être un bon marin, se découvrit des talents d’escrimeuse et même à manier une arme à feu. Elle avait des amis qui tenaient à elle et pour qui elle était prête à se sacrifier. Elle ne pu plus se passer du goût du sel sur ses lèvres et de l’air marin dans sa chevelure rousse.
Elle était fière d’être « Ruby l’écarlate », heureuse de naviguer à bord du Flamboyant et d’en être à présent le Capitaine. Au départ, il avait fallu s’imposer, prouver qu’elle méritait sa place, fai re accepter ses choix. Mais de ça aussi, elle en avait été capable et aujourd’hui, ses hommes la respectaient et son équipage était soudé.

Seuls ses cicatrices la rattachaient à une vie antérieure. Son corps avait encore des marques, mais c’était surtout lorsqu’elle se regardait dans un miroir que son passé la rattrapait. Elle faisait courir son doigt sur la chair plus clair qui courait de son front à son menton, tandis que son ombre lui murmurait : « Quelques centimètres plus à gauche, et tu aurais surement perdu ton œil… »
Pour autant, elle n’était pas défigurée. Au contraire, la cicatrice la rendait même plus belle, plus mature, plus désirable. Des hommes avaient tenté de lui faire la cour. Elle avait laissé certains la toucher, mais à chaque fois qu’ils l’interrogeaient sur ces cicatrices, tous désirs naissants la quittait, et elle les congédiait la queue entre les jambes.
« Tu n’as qu’à dire que c’est les restes d’une terrible bagarre que tu as remporté. » lui avait un jour suggéré Caessa. « Tu n’vas pas rester… enfin, tu vois quoi !!!! »
« Est-ce que ça serait si terrible ? » lui répondait Ruby.
Et puis elle chuchottait : « Peut-être qu’avant, j’étais une intrigante qui baisait sans discontinuer et que j’ai eu ma dose pour les prochaines années ? »
Elles éclataient alors de rire et n’y pensaient plus. Mais à force Ruby avait laissé les frivolités de côté et s’était plutôt intéressée au rhum et à ses dérivés.
Au début, ne connaissant pas ses limites, il était souvent arrivé que Sieben la porte jusqu’à son lit, mais elle avait appris à faire en sorte que ces fois-là se fassent rare.

Ses devoirs de Capitaine passaient avant tout désormais. Elle avait à cœur de faire au mieux pour son équipage et son navire. Et ce qu’il se tramait ne sentait vraiment pas bon pour eux. Zamira partit de son côté, elle allait voir ce que Clémence lui offrait comme possibilités de mettre à mal l’union qui menaçait leur vie tranquille.

Tout d’abord, elle irait prendre la température dans la ville elle-même. Les tavernes et les marchés étaient de vraies mines d’informations quand on savait écouter.
Ensuite, elle irait voir Lepras. Lui aussi aurait surement des pistes à lui donner, ou du moins, des conseils pour ne pas mettre les pieds dans le plat...

HRP : merkkkiii ! j'ai encore 10 pages de RP mais je sais pas si le meujeu est d'accord pour que je les poste :p

Hrp : tu peux poster sans soucis

Les bars, tavernes et marchés de la ville avaient apportés leur lot de rumeurs et de «on dit».
Le jour se couchait sur cette première journée tandis que les mathurins allumaient quelques lanternes sur le pont du navire.
«Morbleu, ce couvre-feu est une belle connerie !» lâcha Ruby.
Sieben acquiesça silencieusement de la tête tout en buvant une gorgée de son verre, tandis que Caessa soupirait, visiblement dépitée.
«Moi qui pensait me faire un peu d’argent à des jeux de dès et admirer les saltimbanques... beuuuh»
Ruby vida son verre.
«Tu es bien silencieux Sib’...»
«Mmm.» Il croisa les bras. «Cette histoire de capo et de clergé de la lumière... Ça pue.»
Caessa reprit : «Ouaip. Moi ça me parait bizarre que les deux autres caïds ne pipent pas mots.»
«En effet.» Ruby reposa avec énergie son verre désormais vide sur le bois de la table. «Je crois qu’une petite visite au Chevalier s’impose pour demain, histoire d’avoir son avis sur la question. Mais pour ce soir...»

Elle se leva d’un bond sur sa chaise, gonfla ses poumons et à l’adresse de ses hommes rassemblés sur le pont : «OUVREZ DONC UN TONNEAUX MES AMIS ! LES RUES DE CLÉMENCE PEUVENT BIEN ÊTRE SINISTRES ET SILENCIEUSES, CETTE NUIT LE FLAMBOYANT RÉSONNERA AUX SONS DE NOS RIRES ET DE NOS CHANTS !»

Une clameur de joie accueillie les mots du Capitaine. Caessa était tous sourires, Sieben secouait la tête comme pour dire «des gamins incorrigibles» et une petite voix chuchota dans la tête de Ruby : «Je connais ce navire par cœur, je vais jeter un œil un peu plus loin.»
Dans le vacarme, personne n’entendit la jeune femme chuchoter : «Sois prudente, cette ville pu, des tréfonds de ses égouts à la cime de ses palais.»

(HRP : c'est du RP écrit avec notre cher MJ ^_^)

Pour rencontrer « le Chevalier », il fallait se rendre dans le quartier du « Montefango ». Le quartier le plus mal famé et le plus dangereux de la ville. Ici, la vie d’une personne ne valait rien. Elle pouvait se négocier contre quelques clopinettes. Pour venir ici, il fallait être suicidaire ou bien armé. Sinon, on prenait le risque de ne pas sortir vivant ou alors avec des bouts en moins.
Les ruelles sinueuses du quartier étaient crades. Des narines délicates se seraient suicidées en humant l’odeur fétide qui les empestait. La plupart des maisons étaient en ruine ou rafistolées avec tout ce qui passait sous la main des habitants. Ces taudis faisaient ressembler ce quartier à un véritable bidon ville.
La jeune femme et son garde du corps connaissaient les lieux, mais mieux encore, les hommes du Chevalier les connaissaient … Sinon, ils seraient déjà au fond du canal en train de servir de nourriture aux poissons de la lagune.

Ruby et Sieben se dirigèrent vers la seule maison qui ne ressemblait pas à un tas de merde. C’était une bâtisse de plusieurs étages et sa façade était encore en parfait état. Un groupe de trois hommes se tenaient devant la porte d’entrée. Il surveillait les personnes qui entraient et qui sortaient de l’établissement, mais ils surveillaient également les catins qui travaillaient dans la rue. Inutile de dire que ces dernières étaient devenus trop abîmées pour avoir le privilège de travailler à l’intérieur du bâtiment. Ces pauvres femmes étaient de véritable chancre sur pattes.



Les deux compagnons entrèrent à l’intérieur du bordel de la « Pine Dorée ». Autre fois, cet établissement fut une auberge de renom. Ce quartier ne fut pas toujours ce qu’il est actuellement. Historiquement, c’était le cœur historique de la ville. C’est ici que furent posées les premières pierres de Clémence. Cette fameuse auberge était connue et reconnue sous l’appellation de la « Pinte Dorée ». Lorsqu’il en prit possession, le chevalier changea très légèrement le nom de l’établissement afin qu’il soit plus en accord avec sa nouvelle activité commerciale.

La pièce principale ressemblait à n’importe quelle taverne de marin. On y buvait, on y jouait, on y chantait, on y causait et bien sûr on y baisait. Ceux qui n’avaient pas assez d’argent pour se payer un peu d’intimité devait faire ça en bas à la vue de tous. La pièce était surveillée par un petit régiment de gros bras qui avaient tous juré allégeance au fameux capa. Une mort lente et violente était promise à tous ceux qui auraient l’idée de le trahir. C’était un endroit animé, mais toujours sous surveillance.

Avant de pouvoir monter à l’étage pour rencontre le capa, la jeune femme savait qu’elle devait d’abord se présenter à la vieille maquerelle qui dirigeait le bordel d’une main de fer dans un gant en fonte. Cette femme se prénommait Régina ou Gina « la baveuse » pour les intimes ou tout simplement la « vieille truie » ou la « vieille huître » pour ceux qui ne l’aimaient pas où qui aurait goûté à ses plaisirs les plus sadiques. Ils se dirigèrent donc vers la petite pièce au rez-de-chaussée qui lui servait de bureau. C’était une femme d’âge mûr … Enfin, elle flirtait quand même avec sa date de péremption. Son visage était recouvert par une épaisse couche de poudre blanche. Ses cils étaient bien trop longs et ils essayaient d’embellir un regard carnassier. De gros cernes étaient accrochés à ses petits yeux. Sa petite minuscule contrastait singulièrement avec les grosses lèvres qui la cernaient. En observant son menton avec attention, on pouvait y discerner trois ou quatre poils de barbes. Ces derniers se battaient en duel au milieu de la tartine de plâtre qu’elle avait sur le visage. Son corps était énorme et subissait de plein fouet la loi de la vieillesse et de l’apesanteur. Ses énormes mamelles reposaient sur le troisième sein qui lui servait de ventre.

En les voyant arriver, elle les salua avec un petit signe de la tête. Puis, elle tira un nouveau taf sur le mélange d’herbe qu’elle était en train de fumer. Ce fut seulement après qu’elle adressa la parole à ses deux visiteurs.
- Oui ?
Ruby et Sieben se jetèrent un regard entendu. Ils connaissaient le lieu et les usages. Mais ils savaient également qu’un mot de travers et ça pouvait très vite chauffer pour leur postérieurs.
Ruby glissa une main à sa ceinture et en défit une petite bourse qu’elle fit sauter dans sa paume. La vieille maquerelle eut un petit rictus de plaisir en le voyant, qu’elle fit disparaître aussitôt.
« Madame Gina ! » commença Ruby.
« Je suis tout aussi ravie de vous revoir que vous-même l’êtes de me voir ! »
La vieille grimaça.
« Assez de tes flagorneries, gamine ! Pour autant j’apprécie que tu ne viennes jamais les mains vides, que ça n’m’empêcherait pas d’claquer des doigts pour qu’on t’fasse une balafre symétrique à celle que t’as déjà ! »
Ruby déposa le sachet sur la table sans se départir de son sourire.
«Vos doux mots ne m’avaient pas manquer. »
La vieille Gina s’empara avec avidité de la bourse. Elle contenait des épices dont elle raffolait et qu’on ne trouvait que sur l’autre continent, et encore, en cherchant vraiment bien.
Faire rouler le sachet entre ses doigts la rendit un peu moins grincheuse, et elle coula un regard libidineux vers Sieben.
«Et toi matelot, tu as quelque chose pour moi ? Mmmm.»
Ruby lui répondit avant qu’il ne le fasse, consciente que sa réponse à lui ne serait pas du tout plaisante pour le vieux crapaud.
« Allons Madame, je ne peux vous laisser Sieben. Il pourrait y prendre goût et alors, comment mon équipage se débrouillerait sans lui, hein ! »
Elle émit un gargouillis immonde qui donna un haut-le-cœur aux deux marins, renifla bruyamment et se racla la gorge, tout en haussant les épaules.
Ruby reprit sur un ton plus sérieux. Les présentations ne devaient jamais s’éterniser, elle le savait.
« Je puis vous assurer que ces épices vous donnerons entières satisfactions. Maintenant, nous souhaiterions nous entretenir avec Le Chevalier, comme vous vous en doutez. »

Les petits yeux avides de la vieille peau s’attardèrent sur le torse musculeux de Sieben. Gina en ferait bien son quatre heures. Le bout de sa langue sortie de sa bouche pour lécher sa lèvre supérieure. Son appendice de chair rentra ensuite dans sa bouche. Puis elle se mordit la lèvre inférieure en pensant à tout ce qu’elle pourrait faire avec une marchandise de premier choix comme Sieben.
Elle focalisa ensuite son attention sur la bourse qui contenait les épices. La maquerelle était une femme vénale. Mais malgré cela, elle savait pertinemment à qui elle devait sa position confortable. Du coup, c’était une employée zélée lorsqu’il s’agissait de gérer les affaires de son patron.
Ses yeux plongèrent dans ceux de Ruby.
- Très bien … La raison de cet entretien ? Tu sais très bien qu’il n’aime pas être dérangé pour des broutilles !
Malgré tout le dégout que la vieille lui inspirait, Ruby ne cilla pas et soutint son regard. Elle se pencha même un peu plus près de son visage, à presque sentir l’haleine fétide et lourde de tabac odorant et de nourriture épicée, pour lui répondre :
« Votre patron est moi avons toujours été en bons termes et nos affaires ont toujours roulées. Je compte que ça continue ainsi. J’ai néanmoins appris que sa position parmi les trois était… menacée. Je viens donc tout naturellement lui proposer mon aide. »

La tactique était la suivante : soit le Chevalier n’était au courant de rien de ce qu’il se tramait dans son dos et alors la discussion avec lui était grande ouverte (il lui devrait même une fière chandelle) – mais elle avait des doutes sur cette supposition. Si elle, elle avait pu avoir ces informations en 1 jour à peine en ville, elle ne pouvait imaginer qu’il ne soit pas
lui aussi renseigné. Donc deux possibilités : Le Chevalier était dans la magouille et refuserait donc de la voir. Ou bien il était dans la mouise jusqu’au cou et serait plus qu’heureux d’envoyer quelqu’un essayer de lui sauver les joyeuses.

La vieille femme siffla en entendant les propos de Ruby.
- Tsssssssssssss
Des postillons arrivèrent même jusqu’au visage de la capitaine pirate. La vieille maquerelle lui lança ensuite un large sourire édenté. Un horrible spectacle qui détourna le regard de Sieben. Ce dernier tenait à ne pas faire de cauchemar ce soir.
- Très bien … Montez donc le voir, vous connaissez la maison ! Par contre je décline toutes responsabilités si jamais, par malheur, il n’était pas de bonne humeur.

Gina agita la main à plusieurs reprises afin de leur faire comprendre qu’elle ne voulait plus les voir dans son bureau. Le duo quitta son bureau et se dirigea vers l’escalier qui permettait de rejoindre les niveaux supérieurs. Au pied de celui-ci, il y avait un colosse. Un homme qui pouvait largement tenir la comparaison avec Sieben. Ce dernier les empêcha de monter, mais il leur donna quant même la permission de monter après avoir été vérifier au près de la vieille maquerelle.

Les appartements du capa se trouvaient au dernier étage. L’entrée était surveillée par un garde qui ne ressemblait absolument pas à celui du bas. Puisqu’il s’agissait d’une jeune femme à la peau mate et aux cheveux aussi noirs qu’une nuit sans lune. Ses yeux sombres avaient une forme d’amande. Son visage était gracile et ses traits délicats, presque trop pour une guerrière. Son corps longiligne et excessivement gracieux pouvaient porter à confusion quant à son véritable métier. Si elle le voulait, la jeune femme avait tous les attributs pour être une des plus belle courtisane de la ville. Par contre, la paire de sifs (cimeterres) qui pendait à sa ceinture était suffisante pour ramener sur terre, toute personne avec un minimum de connaissance. Puisqu’elle devait être une de ces fameuses « Danseuses de Sifs » de l’empire du Roi Lune. Des femmes aussi belles que mortelles avec des sifs dans la main. Sa tenue était composée d’un complexe arrangement de voiles et de taffetas de couleur sombre. Des habits légers et provocants qui avaient le mérite de mettre ses formes en valeur. Mais aussi le pouvoir de déconcentrer n’importe quel amateur de belles femmes. Soit une très large majorité de la population masculine de la ville.

La jeune femme les laissa entrer et les accompagna en silence vers la bibliothèque du chevalier. Les appartements privés du chevalier étaient décorés avec goûts. Des tableaux de maître, divers objets en or qui étaient sertis de pierres précieuses, des meubles qui furent taillés dans des bois nobles et rares. Bref, il y en avait pour une véritable fortune.

Mais le plus impressionnant, c’était son doute la pièce où ils furent conduits. Une pièce de grande taille qui était remplie de livres. Tous les pans de murs étaient recouverts par d’énormes bibliothèques pleines à craqués d’ouvrages en tout genre.
Le centre de la pièce était occupé par une table qui servait d’étude à un homme qui devait approcher de la trentaine. Un homme plutôt grand et mince qui étaient occupés à lire un énorme livre à la couverture jaune. Ses habits étaient assez simples, mais fait avec des tissus de qualités. Il portait de bottes en cuir noir qui lui arrivait juste en dessous du genou. Un pantalon noir et une chemise à jabot de couleur blanche complétaient sa tenue vestimentaire. Un chapeau à large bord était également posé sur la table. Ce dernier arborait un beau panache de plumes blanches et bleues. Son visage était loin d’être repoussant. La peau de sa figure était légèrement bronzée. Il possédait également des yeux bleu acier qui étaient peu habituels. Pour finir de brosser son portrait, ses cheveux longs et légèrement ondulés étaient blonds comme les blés. Son menton portait également une barbiche parfaitement entretenue.

En voyant la porte s’ouvrir, il leva la tête de son livre et posa son regard sur ses invités. En les reconnaissant, un sourire se mit à illuminer son visage. Puis, il déclama à haute voix.
- Ruby l’écarlate ! Qui vient dans mes pénates ! Comme c’est exquis ! J’en suis ravis !
Le capa lâcha ensuite un énorme rire avant de les inviter à prendre place devant lui.
- Que pensez-vous de mes modestes rimes ? Vous êtes venus me voir pour accepter enfin ma proposition à dîner ?

« Ah mon cher ! Les gens de Clémence dînent-ils encore le soir ? Comment font-ils donc pour voir leurs amis alors que ce couvre-feu leur rend la vie si morose. »
Elle soutient le bleu de son regard et avec malice lui répond :
« Si je dînais avec vous, je serais obligée de passer la nuit dans votre demeure, cela ne sied pas à une jeune fille de mon rang. »
Elle lui fit un clin d’œil entendu.
« Mais vous connaissez sûrement des chemins dérobés ainsi que mon âme d’aventurière, aussi pourrais-je bien accepter cette fois-ci... »

Le maître des lieux esquissa un sourire qui se voulait charmeur. En tout cas, sa dentition était impeccable pour les canons de beauté de l’époque. Visiblement, il aimait prendre soin de sa personne. Puisqu’une légère odeur de parfum vint également chatouiller les narines de Ruby.
Son regard ne lâchait plus celui de la capitaine.
- On dirait que c’est mon jour de chance ... Le couvre feu ? Un problème ?
Il explosa de rire avant de redevenir sérieux.
- Dites-moi quand vous désirez passer la nuit chez moi Et je me chargerais de vous escorter jusqu’à ma demeure. Si vous restez pour la nuit, je vous ferais même escorter par des miliciens !
Le capa marqua une courte pause avant de poursuivre.
- Nul besoin de chemins dérobés, il suffit juste de connaître les bonnes personnes. L’âme humaine est tellement cupide …

Sieben se permit de toussoter afin de faire comprendre à sa supérieure hiérarchique qu’ils n’étaient à la base pas venu pour ça. Quant au Chevalier, il attendait avec impatience la réponse de la jeune femme.

Maintenant que Ruby avait toute l'attention du Chevalier, elle enchaîna :
"En parlant de cupidité, cela me ramène à la raison principale de ma venue. Nous nous sommes toujours bien entendu, j'ai toujours été bonne acheteuse et vous avez toujours respecter vos engagements. Hors certaines rumeurs courent sur le fait que le capa Thanatos aurait tendance à prendre un peu plus d'importance en ce moment. À s'allier avec des personnes très... influentes. Je serais peinée si cela empiété sur vos affaires à vous, vous comprenez..."

Le Chevalier rit à gorge déployée. La jeune femme eut juste le temps de percevoir une légère marque d’agacement sur son visage. Ce fut vraiment léger. Cela voulait donc dire qu’il était soit un excellent acteur, soit que cela ne le touchait pas autant que ça.En tout cas, il redevint sérieux et répondit à la jeune femme.
- Je suis au courant pour Thanatos. Vous, vous imaginez bien ma chère, que nous, nous surveillons tous mutuellement.
Je sais très bien, qu’il trempe dans une sale magouille avec certaines grandes familles de la ville … Enfin, il trempe … J’ai plutôt l’impression qu’il taffe pour le clergé de Thémésia.

Un petit sourire en coin commença à se dessiner sur le visage du capa. On n’était plus dans le registre du sourire charmeur. Non, là, il avait sorti son petit sourire le plus narquois.
- Et si vous me permettez l’expression … Une expression vulgaire mais qui explique mon point de vue sur la question … On dit souvent chez nous que … Celui qui cherche à bourrer Thémésia … Avec la bite brûlée, il finira …
Acheva-t-il de dire en arborant toujours son petit sourire en coin. Puis, se sourire se mua en un rire un peu plus jovial.
- Pardonnez la syntaxe de ma dernière tirade, mais c’était pour la rime.
« Il n’y a pas lieu de vous excuser, Chevalier. Mais ne pensez-vous pas qu’attiser le feu du foyer – pour reprendre vos images- ne serait pas une bonne chose ? Je n’ai aucun griefs envers le capa Thanatos, soyons clair. Mais le clergé de Themesia et les nobles de cette ville fricotant un peu trop ensemble… non, ça n’arrange pas du tout mon commerce. »

Le ton de ses dernières phrases n’avait plus rien de joueur ou de farfelu. C’est la femme de caractère qui parle, avec tout son sérieux.
« Je pense que vous êtes un homme intelligent, et intelligence rime avec prudence. Dans ce cas précis, nos intérêts convergeant, je pourrais être un atout conséquent à votre jeu si tant est que vous m’en dévoiliez quelques cartes. »

Le visage du capa calqua la mine sérieuse de Ruby. Il passa ensuite la main sur sa barbiche. Visiblement, il prenait le temps de réfléchir aux propos de la jeune femme. Après une bonne minute de silence, il se décida enfin à prendre la parole. Ses paroles furent accompagnées par le geste suivant. Il posa ses deux coudes sur la table d’étude et entrecroisa les doigts devant son menton. Son regard bleu acier était toujours ancré dans celui de Ruby.



- Qu’on s’entende bien … Je suis loin d’être un adorateur de la lumière et encore moins de Thémésia. Cependant lorsqu’on veut attiser le feu dans le foyer, il faut être sûr de ne pas mettre le feu à toute la maison. Le clergé de la flamme cadette dispose d’un arsenal conséquent et je n’ai pas envie de me retrouver avec une pelletée d’anges en colère au cul.
Le maître des lieux marqua une petite pause avant de poursuivre.
- Cependant, si tu as un moyen de faire de l’ombre à Thanatos, cela m’intéresse fortement et je suis près à y contribuer. Alors à moi de te poser quelques questions … As-tu un plan ou quelques chose en tête ? Et quelle genre de cartes veux-tu que je te révèle ?

« Je ne suis pas depuis assez longtemps à Clémence pour avoir un plan bien dessiné en tête. Hors comme vous l’avez fait justement remarqué, il faut la jouer fine et discret avec Themesia. Prendre le clergé de front n’a jamais été une idée envisageable.»
Elle marque une pause, son cerveau carburant à cent mille, puis reprend.
« Voilà les chose dont je suis certaine : la lumière veut un pied – pour s’engouffrer toute entière ensuite - dans Clémence. Dans ce dessein, elle veut réconcilier les familles nobles de la ville et celles de Ravenie sur qui elles ont la main mise.
Comment le clergé a réussi à convaincre les nobles d’en réintégrer d’autre, alors que l’on connaît la soif de pouvoir de chacun, ça reste un grand mystère pour moi.
Après ce n’est que suppositions de ma part, mais Themesia a du trouver un moyen pour faire germer cette idée chez les familles comme Borgia, Di Campo, Da fano…
Peut-être cela a-t-il justement à voir avec les affaires du capa Thanatos ?
Vos hommes seraient tout indiqué pour se renseigner sur les marchandises que celui-ci fait passer sous le couvert de la nuit…
Comme je vous l’ai dit, je manque cruellement d’informations pour pouvoir agir.»

Elle marque une nouvelle pause, décroise et recroise ses jambes.
« Ce n’est toujours qu’une supposition, mais je pense que Themesia a promis à Thanatos qu’une fois installée dans la ville, il pourra contrôler l’intégralité des bas-fond de Clémence. Mais il doit être aveuglé par la soif de puissance pour être si naïf. La sœur cadette n’a jamais fait dans la concession. »

Le maître des lieux écouta tranquillement la jeune femme sans l’interrompre. Lorsqu’elle acheva de dire tout ce qu’elle avait à dire, il se leva et se dirigea vers un petit meuble qui se trouvait juste en dessous de la seule fenêtre de la pièce. Il ouvrit le placard et retira trois coupes et une carafe qui contenait un liquide carmin. Puis, il revint s’asseoir et posa les coupes sur la table. Il les remplit et prit une gorgée dans la foulée.
- Je ne sais pas si vous avez soif, mais moi ce genre de conversation me donne sacrément soif.
Il but une deuxième gorgée avant de reprendre.
- Bien … Vos hypothèses me semblent cohérentes … Néanmoins, ne sous estimez pas les intrigues des nobles.
Je suis au courant de ces rumeurs sur les familles ravéniennes … Moi, je vois là une excellente opportunité pour tous le monde de s’enrichir. Enfin surtout pour les riches. Faire la paix avec la Ravénie, c’est faire la paix avec l’Ostrie et donc avec la ligue méridionale. De ce fait, Clémence redeviendrait une place forte du commerce terrestre … Ce serait vraiment tout bénef pour les familles riches de la ville. Que ce soit les familles nobles, bourgeoises et même pour les guildes majeurs …
Par cet acte, ils aboliraient la guerre commercial qui fait rage entre Clémence et la ligue méridionale. En plus de toutes les escarmouches armées entre Clémence et la Ravénie.
Bah … Même s’ils réintègrent les vieilles familles de Clémence qui furent exilées en Ravenie … Le nom de ces familles serait un peu redoré … Mais, franchement … Au début, elles auraient du mal à peser à Clémence.Il ne faut pas sous estimer la perfidie des « di Campo » et des « Borgia ».

Le chevalier avala une nouvelle gorgée de ce liquide sirupeux.
- En plus … Personnellement, je n’ai rien contre l’enrichissement des nobles … Comme vous, nous aussi nous avons notre « paix secrète. On évite de gêner leurs petites affaires et ils nous fichent la paix …

Un sourire en coin se dessina sur le visage du capa. Il fit tourner la coupe de vin entre ses mains avant de reprendre.
- Par contre, je dois avouer que ça me fait chier de voir le clergé de Thémésia et Thanatos comploter ensembles.
Donc à ce niveau-là … Je veux bien vous donner un petit coup de main … A condition que ce coup de main reste … Entre nous …

Il se laissa ensuite tomber contre le dossier de sa chaise.
- Bien … Au sujet de ces fameuses marchandises … Je me suis déjà penché sur la question. Le seul problème c’est qu’elles sont excessivement bien escortées … Surtout par un assassin qui se fait appeler « le Diplomate ». Il est très connu dans la profession et nous savons tous qui travaille pour Thanatos. Il fait toujours partie de l’escorte qui garde ces marchandises. Des marchandise qui quittent toujours la ville en pleine nuit. Et quand je dis en pleine nuit … Je veux vraiment dire en plein milieu de la nuit … Lorsque les rues sont vides …

Le volume de la voix du chevalier décrut fortement. A présent, elle était comparable à un murmure.
- Ma petite enquête a révélé deux faits étranges … Le premier concerne la milice … Lorsque son convoi passe les portes de la ville. Celles-ci sont ouvertes et il n’y a strictement aucun milicien qui est à son poste. La deuxième m’a été rapporté par un de mes hommes. Un homme de confiance … Il a suivie à plusieurs reprises ses convois et il m’a avoué … Une chose qui m’a laissé perplexe. Il croit avoir eu l’impression d’entendre des gémissements qui provenaient de la cargaison. Comme s’ils transportaient quelques choses de vivant …

Et ce fut tout. Le maître des lieux acheva sa prise de parole en se servant une nouvelle coupe de vin.
Puis, il se mit à la déguster en attendant la réponse ou les réactions de ses deux interlocuteurs.
Sieben prit le verre offert mais n’en but pas une gorgée.
Ruby par contre ne se gêna pas, le remercia d’un signe de tête tout en appréciant la couleur puis le goût du vin dans sa bouche. Elle écouta néanmoins très attentivement tout ce que le Chevalier disait.
( Bien entendu – pensa-t-elle pour elle-même – si tout le monde avait les mêmes intérêts ça se saurait… et ce serait trop simple, aucun challenge… )

Elle sourit à son for intérieur, puis fronça les sourcils en entendant une des remarques du capa. Elle regarda Sieben pour voir si lui aussi avait pensé à la même chose et lorsqu’il se tut, reprit après quelques secondes de silence.
« Ce que vous dites là recoupe une autre information que j’ai en ma possession. Mais cela me laisse perplexe. Et si en plus la milice elle-même est corrompue... Mais est-ce étonnant ? N’y-a-t’il pas quelqu’un que l’argent n’achète pas dans cette ville ? »
Elle sourit elle-même à sa remarque, mais la question se posait sérieusement. Elle leva sa coupe vers le capa.
« Un plan se dessine mon cher. Mais dites-moi donc… »
Elle se penche en avant et baisse un peu la voix, laissant dévoiler le haut de sa poitrine sous son chemisier rouge…
« Quel prix êtes-vous donc prêt à mettre pour faire tomber Thanatos ? Si j’envisageais une folie, seriez-vous prêt à sacrifier... quelques hommes ? »

Les yeux du capa s’attardèrent le temps d’un battement de cil sur le décolleté de la jeune femme. Puis, il se fit violence pour les focaliser à nouveau sur son regard. La conversation était trop importante pour qu’il se laisse déconcentrer par une paire de seins. Il se racla légèrement la gorge avant de prendre la parole à son tour.
- Je serais ravi de parler philosophie avec vous ma chère … Je pourrais disserter pendant des heures sur l’incroyable pouvoir que possède l’argent sur le cœur des humains. Mais laissons cela de côté, voulez-vous ?
Il marqua ensuite une courte pause. Juste le temps de caresser à plusieurs reprises sa petite barbiche.
- Un plan se dessine ? C’est-à-dire ? Je suis un homme pragmatique. J’aime lorsque les choses sont claires et nettes.
Je serais près à vous rejoindre dans la folie, si je sais exactement où je mets les pieds, combien de mes hommes vais-je devoir sacrifier et bien sûr … J’aimerais avoir une idée bien précise de ce que « cette » folie pourra me rapporter. Je dois protéger mes intérêts et ceux de ma petite affaire … Si vous voyez ce que je veux dire ?
Acheva-t-il de dire avec le sourire. Puis, il se permit de zieuter un petit coup en direction du décolleté de la capitaine pirate.

Ruby sentait les picotements du frisson de l’aventure courir le long de son échine, comme lorsque que le Flamboyant s’apprêtait à aborder un navire.
« Dans un premier temps, il nous faudra savoir quand la prochaine livraison de Thanatos devra s’effectuer. Ensuite, il faudra trouver dans la milice un capitaine qui a un vrai sens du devoir et de l’honneur, ou bien si cela n’existe pas, un qui sera extrêmement motivé pour prendre du grade, sans avoir peur de passer à l’action et de faire un peu de ménage dans ses rangs. Une fois cela fait, le reste sera… un jeu d’enfant ? »
Elle sourit, autant que Sieben fronce les sourcils.
« Nous informons ce Capitaine qu’un trafic d’enfants à lieu à ladite date et au lieu donné. De notre côté, nous nous préparons avec quelques hommes - je dirais une trentaine pour faire bonne mesure- pour être un soutien dans l’ombre et veiller que toute la milice ne se fasse pas décimer – n’oublions pas le Diplomate tout de même – et que l’opération soit un
succès. Le Capitaine sauve les enfants, défait Thanatos (ou du moins le met en fuite s’il ne peut pas l’attraper) et au final, vous et Carvi vous partagerez le territoire que ce dernier aura abandonné. Le Capitaine aura certainement une promotion, les enfants réintègreront leur foyer, et moi, je serais heureuse d’avoir mis des bâtons dans les roues de Themesia ! »

Elle bu une gorgée du vin, en fixant le Cavalier d’un air de défi.
« Sauf que ça ne se passe jamais aussi bien. » lâcha Sieben.
« Bien entendu, c’est simple sur le papier, ensuite… Il faut savoir jongler avec les imprévus. Mais tous les trois n’en serions pas là aujourd’hui si nous n’étions pas rôdé à cet exercice… » lui répondit-elle avec un clin d’œil.

Le Chevalier écouta les propos de Ruby en sirotant lentement, très lentement ce magnifique cru qui venait sans doute des meilleurs domaines viticoles du Protectorat. Il s’empêcha d’éclater de rire lorsque la jeune femme énonça l’hypothèse de trouver un capitaine de la milice qui soit honnête. Mais, il réussit malgré tout à converser son sérieux.
Il prit ensuite le temps de réfléchir. Une réflexion qui dura une paire de minutes. Puis, il posa sa coupe de vin sur la table et formula sa réponse au plan de la capitaine pirate.
- Bien … Pourquoi pas … Trente hommes, cela me semble acceptable, mais vous n’en aurez guère plus. Par contre, je vous laisse le soin d’enquêter sur la date de la prochaine livraison, mais aussi de trouver ce fameux capitaine.
Moi de mon côté, je vais dire à mes hommes de faire profil bas afin de ne pas éveiller les soupçons. N’ayez aucun doute sur le fait que le capa Thanatos surveille de près ce que ses concurrents font donc, si mes gars commençaient à faire des choses inhabituelles cela risquerait de lui éveiller quelques soupçons.

Il tripota sa barbiche avant de croiser ses bras sur la table.
- Le plan me semble bon à quelques détails près … Thanatos, n’est pas connu pour aimer le terrain donc … Je suis presque sûr qu’il ne sera pas physiquement de la partie. Nous allons sûrement capturer ou occire une partie de ces hommes … Peut-être même le « Diplomate », mais pas Thanatos en personne …
Ensuite, j’espère juste que ce cortège ne bénéficie pas de … Renforts aéroportés … Parce que si c’est le cas … J’ai bien peur que cela ne tourne au massacre …
J’ai entendu des histoires terrifiantes à propos des « céléziens » …
Si jamais vous recevez une tempête de foudre sur la figure … Vous risquez de ne pas vous en relever.

Le maître des lieux marqua une toute petite pause afin que la jeune femme puisse prendre toute la mesure des remarques qu’il venait de faire au sujet de son plan. Puis, il continua et acheva sa prise de parole.
- Alors … Pour trente hommes, marché conclu ?

Ruby déposa son verre vide sur la table.
Elle prit le temps de réfléchir quelques instants.
L’infiltration pour connaître la date ne poserait pas le plus gros soucis.
Se renseigner sur un capitaine de la garde qui correspondrait au profil désiré prendrait certainement un peu plus de temps, mais elle avait une idée de la personne à qui demander.
Une milice, trente hommes du Chevalier et elle-même.
Oui, tout cela pourrait très vite tourner en eau de boudin, mais elle n’avait aucune foutue idéesde comment aborder les familles nobles de Clémence, et il fallait bien commencer par quelque chose pour faire chier Thémésia dans ses bottes.

Elle se leva, recoiffa une de ses mèches rouge.
«Trente de vos hommes à vous, et pas des rats que vous aurez cueillis à un croisement de rue...»
«Vous m’offensez Ma Dame...»
Elle tendit sa main vers l’homme à la barbichette en souriant.
«Alors marché conclu.»

Le Chevalier attrapa délicatement la main de Ruby et après s’être levé, il lui fit un baisemain dans les règles de l’art.
- Et bien nous voilà donc partenaire ma chère Ruby. J’espère que notre petite affaire nous sera des plus profitables …
Dit-il en lâchant la main de la jeune femme pendant que son visage lui esquissait son sourire le plus charmeur.

Sieben se leva à son tour et salua le Chevalier avant de se diriger vers la porte.
Ruby prit le temps de remercier pour le vin.
«Un excellent cru, un vrai délice ! Maintenant excusez-moi, mais j’ai du pain sur la planche.»

Elle remet son tricorne et va pour sortir à son tour.
Avant d’en franchir le seuil, elle se retourne et glisse avec un clin d’oeil : «Mais nous nous reverrons très bientôt.»
Puis s’éclipse.




Ils marchaient à grand pas dans les rues de pierres pour retourner au navire.
Ruby sifflotait un air guilleret, les bras croisés derrière la tête, tandis que Sieben semblait encore plus renfrogné qu’à son habitude.

«Dans quoi tu nous as embarqué...» grogna-t-il.
«Dans quoi JE me suis embarquée Sib.»
Elle baissa la voix pour qu’il n’y ai que lui qui puisse l’entendre.
«Cette affaire ne concerne pas directement la flotte. Et Zhamira a été clair quant à l’implication de l’équipage dans les affaires clémentines.»

Elle passa une main autour d’un bras de son compagnon, appréciant la musculature impressionnante.
«Et puis s’il m’arrivait quelque chose, je sais que le Flamboyant sera dans de bonnes mains.»

Ils arrivèrent justement au navire quand Sieben reprit :
«Grmmbll... Ce Chevalier ne me plait pas, je n’ai pas confiance.»
«Et tu fais bien ! Mais en l’occurrence, il a tout à y gagner, et au pire quelques hommes à y perdre, ce qui fait peu de chance qu’il nous plante un couteau dans le dos, pour cette fois.»
«Ouai... Bon. De toute façon quand t’as une idée en tête... Je vais voir Caessa, qu’elle n’ait pas fait des siennes, elle aussi, pendant notre absence.»
«Fais donc ! Et envoie-la moi après. On a une visite à rendre au Sieur Lepras...»

Ruby et Caessa avaient chevauché brides au vent jusqu’à la demeure d’Antoine Leprat, qui était également connue sous le pseudonyme de « Chevalier d’Orgeuil » , et qui résidait à Brizzi.
Une petite bourgade qui se trouvait à l’extérieur de Clemence. Le petit village se trouvait sur la côte du continent de Néolim. On pouvait s’y rendre à pied après quelques bonnes heures de marche, sinon, on pouvait également prendre un carrosse afin d’y être en un peu moins d’une heure.

Quoi qu’il en soit, la bâtisse était de taille respectable. Son jardin se trouvait à l’abri du regard des curieux grâce à des murs en pierre qui devaient mesurer près de deux mètres de haut. Le portail qui permettait d’y accéder fut taillé dans le bois d’un gros chêne. De dehors, il était impossible de voir ce qui se passait à l’intérieur de la demeure du maître d’armes. Sauf lorsque son portail était ouvert.

Néanmoins, Ruby et Caessa furent admises à pénétrer à l’intérieur du jardin.
Ce jour-là, le fameux portail était fermé et elle dut agiter la clochette afin d’alerter la jeune servante qui travaillait pour le vieux « tenebroso ». Rosy de son
prénom était une orpheline. Ses seuls dons étaient de savoir faire la cuisine et de tenir convenablement une maison.
Cela faisait déjà quelques années qu’elle travaillait pour Antoine. Elle escorta les pirates jusqu’à la demeure du maître des lieux. Dans le jardin, qui au passage était parfaitement entretenu, ils purent voir toutes sortes de mécanismes et d’exercices qu’on utilisait couramment dans l’apprentissage de l’escrime et du tir.

À l’intérieur, ils furent accueillis par Bianca, la puissante ombre primordiale du maître des lieux. Après un bref échange, elle les fit asseoir dans la vaste salle à manger. Puis, elle alla chercher son porteur.
Lorsque Ruby sauta de son cheval dans la cour intérieure, elle était bien contente de retrouver le sol et de se frotter le derrière.
«C’est d’une élégance Cap’taine !» avait rit sa seconde.

Caessa, qui n’avait cessé de bavarder tout le long de la route, resta bouche bée après avoir vu l’ombre, Bianca.
Ruby s’adressa à celle-ci avec déférence, se demandant intérieurement si la sienne atteindrait un jour un tel degré de noirceur...

Puis elles attendirent le maître de la demeure plusieurs minutes qui leur permirent de détailler un peu plus les lieux.
Ils revinrent ensemble après une dizaine de minutes. L’ombre semblait posséder une noirceur infinie et se comportait comme si elle était la maîtresse des lieux. Quant à Antoine Leprat, c’était véritablement un homme d’âge mûr. Par contre son corps était encore svelte, presque trop d’ailleurs. Une rapière complètement blanche pendant à sa ceinture. L’arme semblait avoir été taillé dans un os qui devait être gigantesque C’était réellement étrange pour quelqu’un qui ne l’avait jamais vu. Ce qui n’était pas le cas de la jeune femme. Cet homme avait vu et connu beaucoup de choses à Clémence mais aussi dans tout le Néolim. Malgré son apparence, (que je détaillerais plus en partie …) il possédait un réel charisme.

À cause de son état de santé et de son âge avancé, il préféra un salut normal au traditionnel baisemain. Il s’installa tranquillement devant la jeune femme. Avant cela, il prit soin d’enlever sa rapière qu’il posa contre sa chaise. Seul un suicidaire ou un idiot oserait se mesurer à l’épée avec lui. Malgré son état, il était encore capable de se défaire sans grandes peines de quelques canailles. Son style de combat était complètement débridé. Même s’il connaissait assez de bottes pour survivre à un duel d’escrime classique, il préférait et de loin privilégier une escrime pragmatique. Celle qu’on pratique sur les champs de batailles. Celle qui fait mal à son adversaire et ce par tous les moyens possibles et inimaginables.

Il adressa la parole à Ruby et sa seconde.
Sa voix était assez faible et il fallait parfois se concentrer pour entendre ce qu’il avait à dire.
- Bonjour. Alors ma petite Ruby que me vaut l’honneur de ta visite ?
Ruby scruta l’homme en face d’elle, ne pouvant faire taire la petite voix au creux de sa tête qui lui disait qu’il en savait plus qu’elle sur sa propre vie, sur son passé.
(« Je sais qui je suis et ça me suffit. » trancha-t-elle pour ramener son esprit à la conversation)

« Et bien, je ne pouvais tout simplement guère faire escale à Clémence sans venir vous saluer.
Voici Caessa, ma seconde sur le Flamboyant. Comment vous portez-vous, sieur Leprat ? »

Le maître d’armes et son ombre saluèrent la seconde du capitaine Ruby. Puis, ils focalisèrent à nouveau leur attention sur la jeune femme à la chevelure flamboyante. Puis, Antoine Leprat lui répondit tranquillement.
- Comme un homme qui est au crépuscule de sa vie. Je ne devrais plus tarder à faire mon voyage vers Nécris et toi ? Je vois que tu as pris du galon. Dit-il en esquissant un léger sourire.
« Et bien oui.Vous m’avez confié en de bonnes mains et depuis le vent souffle dans les voiles et le soleil brille au zénith sur ma nouvelle vie. »
Elle se pencha légèrement en avant, ses mains croisées sur ses genoux.
« Et j’aimerais d’ailleurs que ses rayons continuent de m’éclairer, mais il y a des nuages qu’il me faut… dissoudre. »
L’homme l’écoutait, aussi continua-t-elle.
« J’imagine que vous êtes un homme occupé et que vous n’avez pas toute l’après-midi à nous accorder, aussi vais-je être franche. Zhamira m’a souvent vanté vos connaissances hors pairs de la ville, de ses habitants et de ses familles de nobles. J’aimerais que vous m’apportiez vos lumières sur plusieurs points. Donnant donnant, bien entendu, même si j’ignore ce qui pourrait faire l’objet d’un échange avec vous… »

Le vieil homme se massa les yeux en entendant les propos de son hôte pendant que Bianca s’était mise sur le mur qui se trouvait juste derrière lui afin de pouvoir avoir la jeune femme dans sa ligne de mire. Elle se permit même le luxe de faire apparaître des yeux et une bouche qui semblait posséder une myriade de dents pointus. (presque à la façon de Venom) Il écouta et répondit dans la foulée.
- Quels sont ces fameux nuages ? Et pose-moi tes questions, on verra bien ce que tu peux me donner en échange …
Toi ou Zamira d’ailleurs … Je t’écoute.
Et il attendit que la jeune femme se livre un peu plus.

Caessa fixait le mur en face d’elle presque sans ciller, la bouche légèrement entre-ouverte, une expression indéfinissable sur le visage. Ruby se retint de rire, ne pouvant s’empêcher de jeter parfois un regard sur l’ombre elle aussi.

« Soit. Vous qui connaissez bien Clémence, j’imagine que vous savez à quel point sa milice est corrompue. Et j’imagine que si un homme faisait exception, vous sauriez très certainement le nommer ? J’aimerais beaucoup… discuter avec un tel homme.»
Elle marqua une pause, sourit, puis reprit tranquillement.
« Vous avez de plus certainement entendu les rumeurs concernant une éventuelle paix entre les familles nobles de Clémence et celles de Ravenie… »
Elle soupira doucement.
« Et c’est là que le ciel devient nuageux. Non seulement pour les affaires – celle de Zhamira et les miennes, j’entends, puisque qu’à l’inverse bon nombre de personne seront gagnantes dans cette alliance - mais aussi parce qu’il semblerait que la lumière n’est pas étrangère à cette nouvelle lubie et s’en est encore plus inquiétant. »
Elle lissa une mèche de ses cheveux, tout en fixant l’ombre sur le mur un instant, puis reprit.
« Malheureusement pour moi, les intrigues des nobles de la ville et leurs manigances me sont étrangères. J’aurais aimé que vous m’en appreniez plus sur elles, pour savoir comment… contre-attaquer ? »

Stoïque, le maître des lieux écouta la jeune femme de bout en bout sans ouvrir la bouche. Son ombre faisait exactement la même que son porteur, mais elle semblait prendre un malin plaisir à regarder Caessa. Visiblement, l’ombre jubilait de l’étonnement qu’elle avait suscité chez cette dernière.
Après sa prise de parole, le silence tomba comme un linceul mortuaire sur la pièce. Les propos de Ruby n’avaient pas l’air d’étonner ou d’effrayer Antoine Leprat. Ce dernier croisa les bras sur sa poitrine et prit un peu de temps pour réfléchir.
- Oui, je connais un tel homme … Je le connais pour l’avoir formé donc de ce côté-là ce ne sera pas un souci.
Il marqua une petite pause avant de poursuivre.
- Cette rumeur, je la connais très bien et je peux même te dire qu’elle n’a rien d’une rumeur. Cela fait maintenant bien des années que les exilés ravéniens complotent avec les familles « di Campo » et Borgia. Une histoire qui arrive seulement maintenant à maturité … Nous connaissons enfin tous les tenants et aboutissants … Quant à Thémésia … C’est loin d’être une nouvelle lubie … Crois-moi, ces maudites prêtresses ne rêvent que d’une seule chose … La destruction totale et définitive des ombres et du maelström. Elles n’hésitent pas à saisir la moindre opportunité pour nous nuire.

Le vieil homme marqua une pause et plongea son regard dans celui de Ruby. Il plongea aussi profondément qu’il le put … Comme s’il cherchait à sonder l’âme de la capitaine pirate.
- Il me faudrait des journées entières pour te parler des intrigues de cette ville. Pour contre attaquer, il va falloir se servir un maximum de sa tête. Les familles contre qui tu veux te battre sont puissantes et très influentes. Je ne parle même pas du clergé de Thémésia … Alors, apprends d’un vieil homme … Je peux t’aider à sauver les pirates et leurs commerces. Ça et bien plus … Seulement, tu ne pourras y arriver seule et … Si mes informations sont correctes … Très bientôt, je vais recevoir des alliés potentiels. Des « tenebrosi » qui travaillent sur ce complot depuis un petit moment. Des hommes et des femmes qui ont un intérêt tout particulier à mettre hors d’état de nuire toutes ces personnes. Sans parler du fait … Que …

Antoine Leprat fit un effort pour hausser le ton.
- Entre Armando !

Un jeune homme pénétra dans la pièce quelques secondes après. Il était habillé avec les habits d’Il Rovo, mais sans le masque et le tricorne. Le chapeau, il l’avait sous le bras, par contre, il ne semblait pas avoir sur lui le masque de la commedia del arte, que le justicier masqué avait l’habitude de porter.
En tout cas, il salua avec élégance et raffinement les deux jeunes femmes. Il se permit de leur faire un baisemain avant de s’asseoir à côté du maître des lieux. Ce dernier reprit la parole.
- Oui, il s’agit bien de qui vous pensez. Un de mes meilleurs, sinon le meilleur de mes élèves. La contre-attaque, ça s’organise et ça commence maintenant. Par contre, il va falloir que vous unissiez vos forces afin de lutter efficacement contre vos puissants adversaires.

Puis, il se tut afin de laisser le temps au cerveau de Ruby d’intégrer ses propos. Puis, avant même qu’elle puisse ouvrir la bouche, il enchaîna.
- J’ai à mon tour une question pour toi Ruby… Es-tu prête pour savoir qui tu es réellement ? Je ne te donnerais pas la réponse à cette question … Mais en enquêtant sur ce qui se trame en ville, tu as de fortes chances d’y être confronté …
Il acheva sa prise de parole et attendit la réponse de la jeune femme. Les yeux du jeune homme qui était assis juste à côté de lui étaient focalisés sur ceux de la capitaine pirate.


Caessa avait quelques peu reprit ses esprits. Son regard passait de l’ombre, au vieil homme, au nouvel arrivant, à sa Capitaine, et ainsi de suite. Elle était consciente que ce qui se déroulait dans cette pièce était crucial.

Ruby ne dit rien.Elle ferma les yeux un instant, prit une grande inspiration. Il y avait comme un feu en elle qu’elle devait contenir de peur qu’il ne la consumme toute entière. Puis son regard se posa sur Leprat et elle parla d’une voix qu’elle voulait le plus calme possible.
«J’ai eu le temps de m’imaginer mon passé. Du pire scénario au plus folklorique, du conte de fée au récit le plus improbable. Et vous savez ce que j’en ai déduit ?»
Elle posa sur Leprat un regard implacable.
«Qu’importe qui j’ai été dans le passé. Je l’accepte. J’aime la personne que je suis aujourd’hui et peu importe ce que je découvre, je sais que j’aurais les épaules pour l’encaisser.»
«En es-tu certaine Ruby ?»

Son feu intérieur crépita joyeusement. Elle se leva, déboutonna son chemisier et l’arracha presque, dévoilant des dessous de soie rouge ainsi que le haut de son buste et de ses épaules. De longues cicatrices habillaient sa peau nue et laissaient à penser que plusieurs descendaient sur le reste de son corps.
«Si j’ai eu des griefs dans ma précédente vie, ces cicatrices sont ma rédemption. Et si je n’en ai pas assez pour payer tous mes crimes passés - si tant est que j’en ai commis - alors je défis quiconque de venir en rajouter !»

Elle posa les mains sur ses hanches, pas gênée le moins du monde par sa tenue.
«Mais si c’est à moi qu’on a causé du tord, dans ma chair et dans mon esprit, et ce sans raisons valables, sachez que pour chacunes d’elles il y aura plusieurs cadavres qui joncheront ma route ! Et les coupables regretteront de ne pas avoir terminer leur besogne !»

Caessa lui tendit son chemisier et elle se rassit tout en le reboutonnant. Bizarrrement elle se sentait plus légère, reboostée.
«D’autres questions ?»




Armando détourna le regard par pudeur pendant que son mentor regardait la jeune femme sans sourciller. Il encaissa les propos de la capitaine pirate sans aucune surprise. Il écouta ce qu’elle avait à dire sans jamais tenter de riposter. Sa réponse vint juste après. Le maître des lieux était toujours aussi flegmatique.
- Bien, tu feras ce que ton cœur te guidera de faire, pour moi, cela ne me pose aucun problème. Par contre, je rebondis sur ce que tu viens de dire. Tu dis que ta nouvelle vie te plait et j’imagine …

Le vieil homme posa son regard sur Caessa avant de le reposer sur Ruby.
- Que tu t’es fait des amis pendant ces trois ans. Je voudrais que tu gardes bien en tête ces trois ans d’existence et de liberté. Parce que vous ... il désigna Il Rovo et Ruby.
Mais aussi ceux qui devraient arriver … Vous êtes le dernier rempart de cette ville contre ce complot. À part Armando, vous êtes tous des enfants des ténèbres. Vous avez reçu des dons et ils nous seront nécessaires pour mener à bien notre petite contre-attaque.
Je suis à présent trop vieux pour me lancer physiquement dans une histoire pareille. Donc, si vous commencez tous à vous à vouloir faire comme bon vous semble … J’ai bien peur que beaucoup de monde en pâtisse. Et dans ton cas, je parle pour tes amis les pirates. C’est aussi pour cela que j’ai dit que pour contre attaquer, il va falloir que vous utilisiez votre cerveau. On ne gagnera rien à vouloir y aller en force … Surtout contre le clergé de Thémésia. Un affrontement frontal contre eux … Ce ne serait que pure folie.
Autant commencer à préparer notre allé simple à tous pour Nécris.

Alors que Ruby allait répondre, Caessa prit la parole.
«Quoique notre Capitaine décide de faire, elle pourra compter sur nous ! Sur mer ou sur la terre ferme, on la suivra au bout du monde !»
C’était dit avec la sincérité et la fougue de la jeunesse. Puis elle piqua un fard et se tut de nouveau.

Ruby rit. Ca, elle ne pourrait jamais oublier ces 3 dernières années.
Tout comme elle était convaincu qu’auparavant elle n’avait jamais eu de vrais amis, parce qu’ils auraient traversé le monde à sa recherche. Mais personne n’était venu la chercher. Alors non, rien ne pourrait lui faire oublier tout ça.
«Les pirates sont ma famille, aussi je ferais ce qu’il faudra pour leur permettre de couler encore de longs jours heureux sur ces mers. Si vous me dites que je peux faire confiance à cet homme - elle fait un clin d’oeil à Il Rovo - et à ceux qui vont nous rejoindre, alors je serais prête à faire équipe avec eux.
Pour ce qui est de mon cerveau, je l’ai un peu fait fonctionné ces derniers jours, et si je vous ai demandé après un homme de confiance dans la milice, c’était justement pour une bonne raison.

Elle leur expose alors le plan fomenté avec le Chevalier.
«Personnellement je pense que c’est tout à fait jouable. Et puis je ne sais pas ce que fait Themesia avec de jeunes enfants, mais ça doit forcément être mauvais pour nous, dans la finalité ! Maintenant, vous disiez avoir des informations pour résoudre nos soucis, peut-être qu’il y aura donc autre chose à faire de plus judicieux, suivant vos dires...»

Une fois de plus, Antoine écouta les propos de la jeune femme sans l’interrompre. Il en fut de même pour Armando.
Ce dernier se permit juste d’esquisser un sourire en guise de réponse au clin d’œil de Ruby. Bianca, l’ombre du chevalier d’orgueil continuait de jouer avec les nerfs de Caessa.
Les réponses à ses propos arrivèrent immédiatement après sa prise de parole. Le vieil homme y répondit tranquillement.
- Je vous présenterais donc au capitaine Syrio del Toro. Je pense qu’il est l’homme qu’il vous faut. En ce qui concerne les enfants, j’aurai peut-être une première piste pour vous. Mais d’abord, j’aimerais recevoir et m’entretenir avec mes fameux invités. Il faut que je sache de quel bois, ils sont faits … Voir s’ils sont dignes de confiance ou pas. En ce qui concerne ce jeune homme, je pense que ses actes inconsidérés parlent pour lui, non ?

Armando sourit en entendant les propos de son mentor. En tout cas, Antoine enchaîna tranquillement.
- Je vais essayer d’être clair et concis dans ma réponse. Le plus dur dans cette affaire sera de faire tomber les vraies têtes pensantes. Pas seulement de tuer quelques hommes de pailles qui seront rapidement remplacés. Maintenant que leur plan est bien en place et que nous savons ce qu’ils ont réellement l’intention de faire … Il est temps d’agir, mais d’agir avec intelligence. Parce que tu te doutes bien que ces fameuses têtes pensantes se sont protégées … Elles confient leurs basses besognes à de menu frottin … Evitant ainsi de trop se salir les mains. Bref, il faut réussir à refaire ce qu’avait fait le doge Dondolo, il faut couper le mal à la racine … Et si tu réfléchis bien … Quelle personne à Clémence est directement concernée par toute cette histoire ? Si nous lui fournissons assez de preuves, assez de témoins pour incriminer tout ce beau monde … Je suis sûr qu’il sera ravi de faire le ménage …

Ruby nota le nom du Capitaine dans un coin de son esprit.
«Vous parler de Davieri ? Il n’est pas très présent dans cette histoire, j’imagine qu’avec toutes ces familles autour de lui il doit se faire oublier... Mais si on lui apporte ce qu’il faut, il saura quoi en faire...»
Elle regarde Armando et lui dit :
«La confiance que Zhamira vous a accordé me suffit pour faire de même.»
Puis à Antoine : «Quand est-ce que ces autres personnes doivent arriver ?»

Elle remarqua du coin de l’oeil que Caessa était de plus en plus mal à l’aise.
«Hum, je crois que ma seconde va devoir aller prendre un peu l’air, sinon je crains de ne la perdre !»

Caessa se leva d’un bond, sans se faire plus prier. «Oui oui, ça va me...Faire du bien !» Elle sortit de la pièce presque en courant.

Ruby se tourna vers les deux hommes avec un sourire d’excuse.
«C’est une femme d’un grand courage en temps normal, mais je me dois d’avouer que Bianca est... vraiment impressionante !»

L’ombre du « ténébroso » lâcha un petit rire aiguë qui avait le don de vous glacer le sang. Visiblement, Bianca savait cultiver son aura de terreur. D’ailleurs, cette fois, ce fut elle qui répondit aux questions de Ruby.
- Merci beaucoup pour le compliment. Ces personnes devraient arriver dans pas longtemps. J’espère juste qu’ils ne nous feront pas faux-bond … J’espère qu’ils n’ont pas eu peur d’être accueilli par une ombre primordiale … En même temps, ce serait un comble pour des « ténébrosi ». Vos ombres sont encore si jeunes … Si candides … Si vous leur donnez l’occasion de se mettre en évidence … Elles devraient progresser et un jour devenir comme moi … Par contre, je pense qu’il serait préférable que moi et Antoine, on le reçoive d’abord sans votre présence.

Bianca puisa dans sa noirceur pour rendre sa main tridimensionnelle. la main de l’ombre se décolla du mur et désigna le jeune homme et la jeune femme.
- Ils risquent de ne pas être en confiance en présence de tant de monde … Surtout que j’imagine qu’ils vont également aborder le sujet délicat du complot, donc, j’aimerais éviter de trop les brusquer. Ils vont arriver en étant méfiant, du moins, je l’espère … Il nous faudra discuter et gagner leur confiance. Chose qui ne devrait pas être trop difficile … Nous avons des arguments … Convaincants ...

Antoine hocha la tête en entendant les arguments de son ombre.
- Ensuite, ce sera à vous de jouer ! J’espère juste que la nouvelle génération se montra à la hauteur de l’ancienne …

«Je saurais écouter votre conseil chère Bianca. J’avais déjà prévu de l’envoyer cette nuit se dégourdir un peu et voir si elle pouvait nous dégotter la date du prochain convoi du capa Thanatos - en toute discrétion, bien entendu.»

Elle se tourna vers Antoine. «Doit-on retourner en ville le temps qu’ils arrivent et que vous discutiez ?»
Puis vers Armando.
«Je serais ravie de vous faire faire le tour du Flamboyant pour passer le temps.»
Elle rit sous cape.
«Enfin même si je ne doute pas que votre emploi du temps est bien chargé.»
Puis à l’ombre.
«Enfin tout dépend de ce que vous entendez par ‘dans pas longtemps’, aussi bien nous attendrons dans une pièce à côté...»
En regardant de nouveau Armando.
«... où nous pourrions croiser le fer ensemble pour patienter, je suis certaine que vous pourriez m’enseigner de nouvelles bottes dont seul votre maître à le secret !»

Bianca continua de répondre à la jeune femme. Antoine et elle formaient un duo étonnant.
- Non, ils ne vont pas tarder, ne t’inquiète pas. Quant à ce soir, attends déjà de voir comment va se passer notre petit entretien. Il se pourrait bien que tu sois occupée ailleurs.
Donc pour le moment, on va dire qu’il serait bon que vous alliez dans la pièce d’a côté ou sur la terrasse qui se trouve à l’arrière de la maison. Vous pourrez bénéficier du panorama.

Puis, ce fut autour d’Armando de répondre à la jeune femme.
- Vous l’avez dit … Mon emploi du temps est excessivement compliqué ces derniers temps. J’ai passé toute la nuit à jouer à cache-cache avec les miliciens. Au moins pendant qu’ils me traquent, ils laissent tranquille les pauvres gens de la ville. Donc pour le petit duel amical, ce sera pour une autre fois, si vous n’y voyez aucun inconvénient.

Il marqua une petite pause, esquissa un sourire charmant avant de reprendre.
- Par contre, je dois avouer que je rêverais de visiter un vrai navire. J’ai eu l’occasion de monter sur « l’orchidée poison », mais … Pas d’en voir davantage … Franchement la vie est comme elle est et je ne sais pas si j’aurai un jour l’occasion de voyager comme ça au gré du vent … Mais c’est quelque chose qui me fait rêver … Au milieu de la mer, vous devez vous sentir bien loin de toutes les contraintes terrestres … Vous devez vous sentir tellement libre …

Ruby se leva.
«Je vais dire à Caessa de repartir au navire, qu’elle prévienne mon autre second que je ne serais peut-être pas de retour pour le couvre-feu.»
À l’attention d’Armando.
«Je me ferais un plaisir de vous narrer les beautés de la mer et ses innombrables dangers. Et si nous sortons tous indemnes de ces intrigues, vous pourrez venir partager avec mes maturins le plaisir d’une fête au milieu des flots !»

Elle baissa son tricorne avant de sortir de la pièce. Elle donna à Caessa ses instructions.
«Que les marins évitent au maximum de quitter le navire jusqu’à nouvel ordre, sauf pour les premières nécessités.Je ne sais pas comment seront les rues de Clémence ces prochains jours aussi prenez le moins de risques possibles. Tu te rappelles la phrase code si quelqu’un vient se présenter de ma part ?»

Caessa fit signe que oui de la tête et murmura :« Mieux vaut flotter sans grâce que couler en beauté.»

Ruby sourit et dit Caessa lui fit un signe de la main en montant sur son cheval.
Elle la regarda s’éloigner au galop pour retourna à l’intérieur de la demeure.

Ruby et Armando étaient sur la terrasse.
La Capitaine avait retiré son tricorne et appréciait le petit vent dans ses cheveux.
Bien entendu, ça ne valait pas la bonne brise marine, mais bon...

Elle se tourna vers Armando qui était assis un peu plus loin et sortit sa petite fiole de rhum.
«Si vous avez un coup de mou, je vous conseille d’en boire une gorgée, ça vous requinquera direct.»
Elle lui lança la fiole qui atterit entre ses mains.
«Alors, c’est ici que se planque ‘Il rovo’ quand il ne joue pas les fripouilles dans les rues de Clémence ? L’endroit est plutôt agréable.»
Son ton était franc et sympathique, ouvert à la discussion.
Le jeune homme attrapa la flasque d’alcool et en but une gorgée. Il se laissa aller en adoptant une posture plus décontractée.
Il avala quelques gorgées de Rhum avant de balancer la petite bouteille à la capitaine pirate. Puis, il lui répondit tranquillement.
- C’est vrai que ça arrache ! Mais … Vous faites fausse route, cette demeure n’est absolument pas mon repaire.Dit-il en affichant un large sourire.
Par contre … Il est vrai que c’est un endroit agréable … Bien plus agréable que ma propre demeure.

Ruby rangea sa fiole.
«Ah oui ?» Elle croisa les bras en le dévisageant.
«Vous savez les raisons qui me pousse à agir dans ces affaires, mais vous, pour quoi vous battez-vous ? Qu’est-ce qui pousse un homme à revêtir un masque et à voler au secours des innocents ? Et ne me répondez pas «l’amour pour ma ville», ce serait trop simple...»

Il se laissa dévisager tranquillement. Sa réponse ne se fit pas attendre.
- Et pourquoi pas ? Cela ne te semble pas suffisant ? Après tout … Tu considères les pirates comme ta famille, pourtant beaucoup d’entre eux tu ne les connais même pas.
C’est pareil dans mon cas, je connais beaucoup de gens qui appartiennent au petit peuple et je trouve ça révoltant de les voir travailler dur toute la journée pour gagner trois fois rien. Alors que beaucoup de gens de ma classe social ne font rien du tout de leurs journées et se permettent encore de les traiter presque comme des animaux domestique.
J’exagère un peu … Mais, cette exagération est avérée dans certains cas … Pas dans tous, mais dans certains …

Il marqua une pause pendant que son regard se perdait dans l’horizon.
- Mais au début, ce fut surtout pour des raisons idéologiques … Je n’ai jamais voulu être un combattant et encore moins un héros masqué … Je préfère les arts et plus particulièrement la musique à l’escrime et aux cascades sur un toit. J’aime les ténèbres, même si je n’ai pas été béni comme Antoine par la Muette … Je suis un partisan des ténèbres et de tous ce qu’ils nous ont apportés. Le reste de ma famille ne jure que par la lumière … Ils ne cessent de gérer ma vie … Qui je vois, qui je dois épouser, ce que je dois faire … Je n’ai strictement aucun libre arbitre. Vivre dans une cage doré, ce n’est vraiment pas ce que j’aspire pour ma vie …

Le jeune homme parlait franchement et sans détour. Il marqua une nouvelle pause avant de poursuivre.
- Et puis, il y a aussi l’amour d’une femme … Et tout le mal que ma famille lui a fait … Je pense que j’ai assez de motifs pour … Pardonne mes propos grossiers, mais …
J’ai donc assez de motifs pour vouloir poser une grosse bouse les palais de tous les nobles de la ville.
Ses propos le firent un peu rougir, mais il assumait parfaitement sa grossièreté du moment.

Ruby écouta avec sérieux les propos du jeune homme puis rit lorsqu’il se tut.
«Mes chastes oreilles feront comme si elles n’avaient rien entendu...»
Puis elle continua :
«Tu fais donc parti d’une famille de noble. Tu es donc un atout plus que précieux ! J’imagine qu’il faut beaucoup de courage pour agir comme vous le faites alors. Et aussi un brin de folie !»

Elle rit de nouveau puis regarda à son tour l’horizon.
«Je ne sais pas quelle vie je menais auparavant, mais je n’abandonnerais pour rien au monde la liberté d’aller de ports en ports, là où le vent me guide...
Alors oui, je peux comprendre ce genre de motifs ! Lorsque tout cela sera terminé, tu seras libre d’emmener ta douce faire une croisière romantique sur Le Flamboyant !
La brise marine, des matelots bruyants qui braillent des chants paillards et du bon rhum... Tu verras, ça effaces toutes les cicatrices !!!»

Un bref instant son air se fit mélancolique et elle murmura :
«Ou presque.»

Bianca vint les chercher à cet instant...

j'ais de la lecture pour se soir ^^

en tous cas chapeau pour cette histoire

J'ai trouvé une illustration pour Sieben :

et Caessa ^_^

Ouai, on rigole pas sur le Flamboyant !

(enfin si...et on boit... et on pille !!!!)
mouahaha
XD

Quelle classe ! Les images ca a du bon pour mettre des têtes sur les personnages

Ça y est j'ai tout lu, super historique ! On accroche bien aux personnages !
Super séances de RP entre vous deux : vous avez du bien vous amuser en secret avec Butcher

Hrp : je confirme

Vouai carrément ^^

merci d'avoir tout lu en tout cas

Voilou, une illu de mon perso faites par moi cette fois.
Elle est plus dans un esprit fun et sympa (avant son arrivée à Clémence quoi)
hahaha ^_^

HRP : Jolie illustration ! L'ombre fiche la trouille quand même