[Boris, Loki, Linoa] Linoa : boulet ou atout ?

Linoa regardait la gamelle que Boris lui avait presque jeté dans les mains. Elle sourit au guerrier

- Boris alors?

- Merci beaucoup pour votre hospitalité. Mais si vous trainez avec vous un Néphilim, vous devriez savoir que nous n'avons pas besoin de nous nourrir.

- Cela dit, je vais quand même manger ce que vous me donner. Ca sent bon et puis ce serait impoli de ma part de refuser.

Elle prit une première cuillère du ragout qu'avait cuisiné Boris, suivie de plusieurs autres. Elle mangeait avec plaisir. Sans regarder le sergent des Ailes, elle continuait à parler.

- C'est très bon. Pour un sergent d'une compagnie de mercenaire, vous vous en sortez bien je trouve.

- Et vous dites que le Néphilim s'appelle Sephi. Ce nom ne me dit rien. Cela dit, au vu du passif entre nos deux races, je le trouve très calme. J'ai d'abord été sur mes gardes puisque j'étais éprouvée physiquement. Maitenant que j'ai recouvré des forces, je me dit que s'il avait voulu me tuer, il l'aurait fait bien plus tôt. Et puis je ne l'ai pas encore vu désobéir à vos ordres. Il n'est donc pas si dissipé que cela.

Son sourire et ses yeux firent à nouveau face à Boris.

- Je ne me montrerais pas agressive avec lui si c'est ce que vous souhaitez. Ma rancune envers les siens s'est apaisée depuis longtemps.

- Car je suis restée cachée au milieu des humains depuis les Pandémies qui frappent Ordann. De havre en havre, pour ne pas risquer d'éveiller les soupçons au vu de ma longévité. Cependant, quelqu'un m'a vendue à Eris. J'y avais retrouvé deux autres personnes comme moi. Elles n'ont pas eu ma chance et sont des cendres désormais.

Sa voix mourut dans sa gorge et elle s'arreta de manger. Elle semblait peinée de s'en être sortie et pas ces deux compagnons d'infortune.

Boris soupira en reposant sa gamelle vide.

- Chuis mal placé pour te dire de les oublier. Ca sert plus à rien de se faire du mouron pour eux, mais ce qu'on peut faire c'est jurer que ça arrivera plus.
Moi aussi, j'ai perdu des amis. Je n'ai rien fait pour les sauver. J'étais jeune à l'époque, et j'ai fui quand le havre a été attaqué. Tous ont été massacrés. Je n'ai jamais cessé de penser à eux... ils m'accompagnent à chaque pas que je fais. Chaque fois que j'ai peur, ils me soufflent de ne pas répéter cette erreur et soutiennent mon bras que je lève pour protéger mes compagnons.
Ne les oublie pas. Chéris leur mémoire chaque jour qui passe.

Boris faisait une tête bizarre, absorbé qu'il était par le fond de son verre.

- Et voilà que je me r'mets à raconter ma vie. Putain, je me fais trop vieux pour ces conneries. Désolé de te bassiner avec tout ça.
Pour Seph, je sais pas... j'arrive pas à le cerner. Et je comprends rien à vos histoires, c'est quoi le problème entre vos deux races ?

Linoa sourit tristement à Boris

- Je ne suis plus une enfant Boris. Ce genre de choses, les exécutions continueront encore et encore.

- Ce qui est fait est fait, on ne changera plus le passé. La moindre des choses que l'on doive aux morts est de se souvenir d'eux.

- Vous avez le bon comportement vis à vis de vos amis trépassés.

Puis elle parut moins triste, presqu'amusée.

- On a tous nos petits problèmes. C'est très courageux de votre part de m'en parler avec une telle franchise alors que nous ne nous connaissions pas il y a peu.

- Sephi est un Néphilim. Moi une Héphilim. Nos ascendants combattaient sans relache les uns contre les autres. Nous aussi par conséquent. Après des siècles de lutte ancestrales, il est normal de nourrir des sentiments peu louables pour son ennemi vous ne croyez pas?

- Vous connaissez Sephi depuis longtemps? Peut être qu'avec le temps vous vous entendrez bien avec lui. Je ne le porte pas dans mon coeur, c'est évident. Mais il ne m'a rien fait personnellement. Je... Je ne sais pas trop comment me comporter avec lui maintenant que les Dragons ne sont plus actifs.

Linoa finissait son assiette. Pour quelqu'un qui n'avait pas besoin de manger, son appétit faisait plaisir à voir. Elle inspira grandement pour savourer les derniers morceaux et mettre de l'ordre dans sa tête. Ses yeux fixaient la couche de nuages cendreux qui obscurcissaient le ciel.

- Vous avez raison. Dans l'art de faire du mal à son prochain, l'imagination ne connait pas de limite. Ce n'est pas une histoire de race, c'est un fait général. Il faut malheureusement l'accepter. Et vivre avec.

- Voyez vous, il va désormais falloir que je trouve un autre havre pour continuer à vivre. Je n'ai plus aucune attache, mais il faut que je rejoigne la civilisation pour me protéger. Je ne voudrai pas vous importuner, mais pour l'instant, je ne saispas trop ou j'en suis. Je viens vous parasiter parce que vos amis m'ont sauvée mais ils ne m'ont pas expliqué pourquoi ils avaient fait ça.

Elle dirigea son regard vers Sephiroth qui détourna brusquement les yeux.

- Peut être arriverez vous à l'apprécier effectivement. Si je n'avais pas cette animosité à son encontre dans mon coeur, moi aussi je pourrais m'y tenter.

- Si pour se battre il est si efficace, c'est parce qu'il est issu d'une race de guerriers. Tout comme moi normalement. Mais nous avons aussi des sentiments, des émotions voyez vous? Nous ne sommes pas des corps sans âme.

Elle apparaissait fragile, autant dans son intonation que physiquement. Pour une combattante, elle était peu crédible. Cependant, Boris se souvint qu'il ne devait pas se fier aux apparences, Sephiroth en était la preuve.

Linoa sourit à Boris. Un sourire franc, dégagé. Elle semblait de plus en plus en plus soulagée au fur et à mesure de la discussion.

- C'est très aimable à vous de m'accorder votre confiance après si peu de temps. Pour être tout à fait franche, moije ne vous fais pas confiance, mais je ne demande qu'à le faire voyez vous.

- Je viens de subir une grosse déconvenue vis-à-vis des Sages qui ont assassinés les miens, aussi je pense devoir attendre quelques preuves avant de pouvoir à nouveau m'ouvrir à des inconnus.

Petit à petit, son visage s'était fait de plus en plus sérieux. Elle fixait désormais le groupe formé de deux Sages et d'une demi elfe.

- Et bien, vous n'y allez pas de main morte.

- Mais votre raisonnement est tout a fait juste. Après tout c'est à eux que je dois quelque chose, les accompagner serait une solution envisageable.

- Je ne sais pas si je serais capable de les protéger. Vous savez, nous ne sommes pas d'aussi bons guerriers que les Néphilims. Mais suivant leur destination je me sens de les accompagner en effet. Ou peut être...

- Et vous, où allez vous?

Linoa écouta en silence les paroles du cuisinier. Elle prit un bon moment avant de répondre en regardant les nuages qui défilaient sous l'effet du vent du nord ouest.

- Le Sud hein? Par delà les montagnes, vers les contrées plus arides, hors de l'Empire du Nord? Il me semble que la population des Sages est faible par là-bas. Ce que je viens de vivre m'incite à m'éloigner d'eux, pour un temps du moins.

- Après, peut être vous suivrais-je vous, en particulier si vous cherchez à mourir. Apparemment cette Dasilass a l'air coriace puisque vous vous imaginez déjà mort. Pourquoi êtes vous si défaitiste?

Linoa regarda Boris de ses grands yeux noirs. En y regardant de plus près, il s'aperçut que la forme des yeux de l'Héphilim était différentes de cellesde tous les humains qu'il avait rencontré jusqu'ici. Subtil, mais visible. Nul doute qu'elle avait du essayer de masquer ce "défaut" lors de son séjour à Eris.

Linoa lui sourit en fermant les yeux en laissant échapper un petit rire.

- Comment pouvez vous être aussi détaché et sérieux en même temps?

- Après la mort c'est fini vous savez. Je n'ai pas la prétention de vous l'apprendre, mais vous devriez y réfléchir plus sérieusement. Rien ne dit que vous y laisserez votre vie. La tâche s'annonce ardue, impossible devrais je dire même.

- Il est plus probable que vous ne mourriez avant d'accomplir votre mission. Et je pense que ce serait bête que vous vous jettiez dans la gueule du loup.

- Je suppose que vous saviez déjà tout ça n'est ce pas? Et que vous avez déjà pris votre décision?

Une nouvelle fois, Linoa fixait son assiette, vide désormais.

Linoa sourit au vieux mercenaire.

- Depuis quoi? Je vous en prie, dites moi.

- Ce n'est pas parce qu'on se connait à peine que nous ne pouvons pas partager certaines choses non.

Soudain, elle se retourna en direction du Voyageur et Boris la vit déployer ses ailes d'anges alors que plusieurs vagues de poussières et de cendres furent projetées vers eux. Loki-Xia et Boris ne prirent pas directement ses nuages, mais après ils durent se couvrir el visage avec leurs foulards et écharpes pour les déplacements dans la cendre. Une fois que tout fut retombé, Linoa demanda d'une voix douce, ces ailes toujours déployées, un doux sourire sur le visage:

- Vous n'avez rien?

Linoa s'exécuta et replia ses ailes puis les fit disparaitre.

- Très bien Boris, j'ai agi par réflexe et je... Je..

- Je suis désolé.

Elle s'approcha de Loki et regarda si celle ci n'avait rien non plus.

Arrivant vers eux d'un pas nonchalant, Sephiroth portait dans ses bras Elsa qui s'accrochait au cou du Nephilim. Il salua Boris qui allait dans la direction opposée puis Loki et son regard s'arreta sur Linoa. Il ne souriait plus. On aurait même pu dire qu'il se retenait de grogner ou de montrer les dents. Pourtant il parla d'une voix calme et neutre.

- Linoa. J'ai... Nous avons besoin de ton aide.

- Elsa s'est blessée, est ce que tu pourrais l'ausculter et la soigner?

- S... S'il te plait.

Il ne la regardait pas dans les yeux, son regard errait environ au niveau de la taille de l'Héphilim.

Linoa de son côté n'avait pas vu arriver Sephiroth dans son dos et avait eu un sursaut que le Néphilim avait attribué à l'effet de surprise. Au début son regard était fuyant, elle ne focalisait pas sur les paroles de Sephiroth, mais en voyant qu'il portait Elsa dans ses bras et que Loki n'était pas effayée, elle reprit un peu de consistance pour écouter ce qu'il disait.

Elle regarda un instant Elsa, puis essaya de croiser le regard du Néphilim. N'y arrivant pas, elle aussi focalisa vers le sol.

- B... Bien.

- Tu... Tu veux la garder dans les bras ou la poser au sol?...

Un silence un peu pesant s'installa ensuite durant quelques secondes pendant lesquelles Sephiroth ne répondit rien

Sephiroth posa délicatement Elsa sur ses pieds. Il lui fit un sourire et s'éloigna de quelque pas.

- Arrete avec les compliments, tu vas me faire rougir.

Puis il se retourna, comme si il le faisait pudiquement avant qu'une femme ne se déhsabille. Même s'il n'y en avait nul besoin.

Linoa s'approcha de la guerrière et regarda son bras. Un coup d'oeil sur le dos du Néphilim puis elle sourit.

- Ce n'est pas grand chose, je vais arranger ça.

Une lueur dorée et diffuse apparut sur la main de l'Héphilim et elle la posa sur le bras endolorie. Une douce chaleur envahit Elsa et son bras ne la fit plus souffrir. Linoa maintenait l'effet.

- J'en ai encore pour quelques instants...

- Vous... Vous semblez très proche du... De Sephiroth. Vous le connaissez depuis longtemps?

- Il est bien loin des souvenirs que j'ai des gens comme lui...

Sa voix était douce, pas très forte, Sephiroth n'avait pas du l'entendre. Loki put malgré cela entendre l'échange et voyait la magie opérer, l'ecchymose se resorber sur le bras d'Elsa.

Linoa regarda ele aussi Sephiroth. Elle maintenait son sort, immobile pendant quelques secondes.

- Oui, c'est un bel homme.

Puis elle rougit et se ressaisit lorsqu'ele réalisa ce qu'elle venait de dire. Cela perturba sa concentration mais elle se reprit vite.

- Enfin... Je voulais dire... Si nous n'étions pas dans des camps opposés, il me plairait moi aussi.

Ses derniers mots s'étouffèrent quelque peu et se perdirent dans les airs.

- Etranges?...

- Oui on peut dire que nous somes étranges, même si j'aurais préféré que tu dises que nous sommes différents. Mais ce n'est qu'un détail.

- Pendant des lustres, nos peuples se sont affrontés férocement. Ca laisse forcément des traces. J'ai vu des Néphilim et Démons massacrer les miens, ces images ne quittent pas ma mémoire. Même si Sephiroth n'a pas ce comportement, j'ai une certaine appréhension envers lui.

- Je pense que c'est compréhensible...

Linoa eut un mouvement de recul. Sa magie faiblit clairement et le bras d'Elsa la lança instantannément. Linoa baissa les yeux, ne soutenant pas le regard de la guerrière.

- Je... Non.. Ce... Ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Ne te faches pas.

Elle se reprit un peu et continua ses soins. Elle devint rouge comme lorsque les couleurs d'Ordann ne s'étaient pas ternies.

- Et puis... Lui et moi... Ce n'est même pas envisageable...

- Tu... Tu as vu comment il était en s'adressant à moi?

Linoa resta concentré sur sa tâche sans jamais lever les yeux vers Elsa. Au bout de plusieurs secondes, elle s'arreta. La lueur n'éméttait plus, mais le bras d'Elsa ne la faisait plus souffrir.

Tous les doutes qui assaillaient Elsa en ce moment et qui concernaient Sephiroth ne transparaissait pas d'Elsa, mais elle pouvait sentir la gêne provoquée chez l'Héphilim. La voix de cette dernière faisait penser à un accusé que toutes les preuves accablaient et qu'on envoyait à l'échaffaud.

- C'est moi qui devrais m'excuser. Mes paroles étaient déplacées.

- Tu sais, il y a eu plusieurs couples entre des humains et des hybrides comme nous. Ce n'est pas une chose rare, car au final, nous sommes plutôt proches.

- Mais n'essaye pas d'imaginer un rapprochement entre lui et moi. Notre époque n'est pas révolue contrairement à ce que tu crois. En fait, nous savons, lui tous les deux que tout recommencera tôt ou tard. Et un jour nous nous entre-déchirerons. C'est ainsi.

La brise de vent fit aussi se soulever les cheveux noirs de Linoa. Si Elsa souriait, Linoa semblait bien triste.

- Voila, j'ai finit de m'occuper de ton bras.

- Je ne suis pas la mieux placée pour le savoir, mais si j'étais à ta place, je chercherais à profiter de ma vie au maximum, étant donné sa durée...

Linoa s'arreta soudainement et regarda discrètement la réaction d'Elsa. Malgré sa longue vie, on pouvait avoir l'impression qu'elle ne se rendait compte que trop tard de ce qu'elle disait et bien qu'elle y fasse attention, elle blesse involontairement les gens dans ses paroles.