La rose des vents
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Boris l'increvable

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Boris l'increvable Empty Boris l'increvable

Message  Mandal Dim 10 Oct - 18:53

Accoudés au comptoir du Nécro-Kraken, les Ailes du Dragon ripaillaient joyeusement. Il manquait toutefois un petit quelque chose... ah oui, le bruit de fond de Trent et ses histoires. Il était parti le matin même avec son dirigeable. Le fil de la discussion terminé, un silence pesant s’abattit sur l'assemblée.

"- Pfiuu, ne lui répétez surtout pas mais il va finir par me manquer, Trent. Ca fait un certain vide quand il est absent.

- J'aurais jamais cru dire ça, mais moi aussi. Ca manque d'une bonne histoire cette soirée.

- Hé, j'ai une idée. Boris, tu nous racontes la fois où t'as perdu ton bras ?

- Aah, cette histoire ? Si tu veux, Krell, si tu veux.
Ca date de l'époque où j'étais encore sergent. On était en mission près des montagnes - t'as déjà vu les montagnes ? Un sacré foutu trajet, trimballé dans cet engin de malheur qu'affectionne tant notre grande gueule préférée. Y'a eu une tempête ce jour-là, et j'ai cru qu'on allait y rester. Heureusement, Trent a réussi à nous poser en catastrophe et on s'est abrité dans une petite grotte. C'est qu'on se les pelait là-haut, t'imagines pas combien il fait froid dans les montagnes. Mais bon, c'était juste une mauvaise passe et on avait pas grand chose d'autre à craindre.

C'est là que ce foutu lieutenant a décidé qu'il fallait continuer la mission. Le vent était trop fort et on pouvait pas décoller, mais qu'à cela ne tienne : on irait à pieds, c'était pas loin, toussa toussa. Là, vous devez vous dire "Mais pourquoi il râle ? C'est une chochotte ou quoi ? Marcher un peu ça lui fait peur ?". Je sais que vous vous dites ça. Maintenant imaginez que le seul chemin c'est une corniche de trente centimètres de large, glissante à cause de la pluie et à flanc d'une falaise si haute qu'on en voyait même pas le fond. Il avait peur de rien, ce taré de Locus.
J'ai protesté, bien sûr. Pas que je flippais, mais j'ai juré de protéger mes amis. Ca n'a servi qu'à m'attirer les foudres du lieutenant. On a dû laisser nos armures sur place, mais on a avancé.

Ceci dit, tout s'est plutôt bien passé au début. On devait être trop haut pour les infectés. Pt'être qu'ils supportent pas le froid ? Ou bien c'est simplement que personne vit ici. Toujours est-il que le seul danger c'était ce vent gelé et cette corniche glissante. On a quand même perdu deux hommes, tombés dans le vide. On a rien pu faire pour eux. C'est pas comme une bataille. Tu le vois tomber, et tu sais qu'il est foutu. Tu sais que t'es complètement impuissant contre la gravité. C'est frustrant.
Puis on est arrivé sur un petit plateau, avec une autre grotte. Le lieutenant a ordonné la halte parce que la nuit était tombée. Même lui était pas fou au point de nous faire continuer de nuit.

On a monté le camp et fait un feu, et puis on a commencé à entendre des bruits bizarres. C'était pas humain, pour sûr. On était pas serein, mais y'avait rien à faire. On restait juste sur nos gardes.
C'est là que Marie s'est éloignée pour pisser. Tout ce qu'on a entendu, c'est un grand cri et puis plus rien. En s'approchant, on a vu un grand trou dans le sol. C'est de là que venaient les bruits. Lancer une torche nous a offert une vision que je n'oublierais jamais : des dizaines de bestioles à multiples pattes, grosses comme un chien de chasse, qui grouillaient dans un genre de tunnel trois mètres olus bas. Deux d'entre elles avaient aggripé Marie et semblaient se battre pour leur butin.

J'ai sauté, sans attendre. Je ne peux pas dire que je flippais pas, au contraire. Mais j'ai juré de ne plus jamais abandonner un camarade, et je ne faillirais pas à ma promesse.
Je me suis brisé une jambe en tombant. Ca ne m'a empêché de mouliner à l'aveugle pour écarter les bêtes. Par chance, le feu leur faisait peur et ma torche les a maintenu à distance de bras... pendant un moment. J'ai boitillé pour m'approcher de Marie, en serrant des dents pour supporter la douleur, et elles ont dû sentir ma faiblesse parce qu'elles ont attaqué aussitôt. Ces saloperies étaient coriaces et rapides, c'était à peine si j'arrivais à les tenir en respect. Heureusement, elles n'étaient pas organisées et se gênaient entre elles.
J'ai tout de même récolté de graves blessures le temps d'aller récupérer Marie. A moitié mort, je l'ai prise sur mon dos et suis revenu en dessous de l'ouverture, où mes compagnons avaient jeté une corde. C'est là que c'est arrivé. Un de ces monstres m'a sauté à la gorge, et par réflexe j'ai levé le bras de mon bouclier. Si seulement je l'avais eu à ce moment là... mais j'avais été obligé de le laisser en haut, avec le dirigeable. Ses dents se sont plantés dans ma chair, et je n'ai pas réussi à lui faire lâcher prise. Je l'ai assommé d'un coup de tête, mais sa mâchoire était inébranlable. Alors j'ai grimpé à la corde d'une main, traînant la bestiole de l'autre. Ca n'a pas duré longtemps, mais je crois que ça a été la minute la plus longue de ma vie.
Je ne sais pas bien ce qu'il s'est passé après. Une fois en haut, je me suis écroulé. Il parait que j'ai dormi pendant trois jours.

Quand je me suis réveillé, je n'avais plus que la moitié de mon bras gauche. Lys Ann a fait tout ce qu'elle a pu, mais ça s'est infecté. Elle a dû amputer. De toutes façons, les muscles avaient été arrachés et l'os broyé. En tout cas, ça me faisait un mal de chien, et j'ai chopé une sale fièvre. J'ai été alité pendant plus d'une semaine.
Tout le monde pensait que j'allais y passer, mais je m'en suis remis. Depuis, on me surnomme l'Increvable mais j'en ai gardé quelques belles cicatrices.
Marie s'est excusée mille fois, et m'a remercié au moins autant, avec les joues toutes rouges. Ha, vous auriez dû voir sa tête ! J'ai eu beau dire que c'était normal et que je l'aurais fait pour n'importe qui, les rumeurs ont couru que j'en pinçais pour elle. Satané Trent, je suis sûr qu'il y est pas pour rien.
C'est après ces évènements que j'ai eu ce bouclier et ce gantelet. Je ne sais pas à qui je le dois, mais je les ai trouvés dans mon casier un jour, pendant ma convalescence.
En tout cas maintenant, j'en fais bon usage !"
Mandal
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