[Antoine Gauthier de la Motte] Une discussion courtoise

La matinée était bien entamée, en cette journée de printemps. Toute la guilde de San Marcos bruissait d'activité, les élèves de toutes les Écoles se croisaient entre leurs entraînements et le réfectoire résonnait d'exclamations joyeuses.
La salle des annonces, elle aussi, semblait remplue de spadassins optimistes, avides d'obtenir une mission simple et rentable. Penché sur une annonce promettant "Gloire et richesse pour une seule heure de travail", Antoine Gauthier de la Motte méditait sur son avenir.
Nul ne sut jamais où ses réflexions devaient l'amener, car elles furent brutalement interrompues par la sensation d'une main sur son épaule. Surpris, le jeune homme se retourna pour découvrir Alberto Ibañez, le responsable des registres.

- Señor de la Motte ? Je dois vous prévenir. Deux hommes vous cherchaient, ce matin. Je crois qu'ils sont encore par ici...

Antoine se retourna, surpris.
La première phase d'étonnement passé, il cru comprendre ce que ces hommes pouvaient lui vouloir:

-Vous ont-ils dit leur nom ou de la part de qui ils souhaitaient me rencontrer?

Alberto haussa les épaules.

- Je n'ai pas demandé. Ils cherchaient surtout chez les participants au dernier tournoi. Ils se sont montrés très intéressés par vous. Et pas de la bonne façon.

Le vieil homme se retourna et se dirigea vers son bureau d'un pas traînant.

Qu'allait donc faire ce bon Antoine ?

-Et bien je vous en remercie. Si vous les voyez, dites leur que je suis donc la salle d'entrainement.

Sur ce, Antoine s'y dirigea.
Si ces hommes ne sont pas animés de bonnes intentions, ce qui est probablement le cas, ils ne pourront rien tenter en plein cœur de la guilde.

Antoine entra dans la salle d'entraînement. A cette heure-ci, seuls quelques élèves s'entraînaient dans le style Gautier de la Mothe. Le maître, comme à son habitude, n'arrivait que peu de temps avant le début du cours.

Le jeune homme finissait à peine ses étirements qu'il entendit une voix âpre s'adresser à lui.

- Señor Gauthier de la Motte ?

En se retournant, il aperçut quatre personnes qui venaient de passer la porte. Celui qui s'était adressé à lui était un grand échalas chauve au visage long, barré d'une cicatrice repoussante. Il portait une chemise à jabot qui avait connu des jours meilleurs. Au-dessus, il avait juste enfilé un gilet de cuir. Derrière lui se tenait un groupe de trois brutes aux visages grossiers et peu avenants. Ils portaient tous une lame au côté.

Antoine restait tout sourire, il ne ferait pas le plaisir à ses interlocuteurs de paraître d'une quelconque façon effrayé.

-Lui-même, répondit-il. Si vous cherchez à vous inscrire dans notre école sachez que vous êtes les bienvenus.

Le spadassin cherchait au maximum à décontenancer ses vis-à-vis, les mettre mal à l'aise par son assurance et sa désinvolture.

Il enchaîna presque instantanément:
-Si jamais vous venez pour mes services, sachez que je ne suis pas très disponible en ce moment. Mais tout se négocie, vous savez.

L'homme maigre sourit dangereusement, dévoilant de grandes dents blanches.

- Nous ne sommes pas venus pour un cours, señor de la Motte. Mais plutôt pour discuter avec vous.

Il coula un long regard vers les élèves qui s'entraînaient.

- En privé...

-En privé ? répondit Antoine feignant la surprise. Soit, il y a des salons prévus à cet effet. Juste vous et moi donc. Suivez-moi, vos hommes peuvent rester ici. Vous ne risquez rien au sein de la guilde.

L'homme sourit.

- Au fait, je ne me suis pas présenté, fit-il en inclinant son buste. Je suis Fernando Combas.

Il fit signe à ses sbires de l'attendre.

- Je serai juste derrière vous, señor.

Quelques instants plus tard, ils se trouvaient installés à une table, dans une alcôve discrète. Et Fernando souriait toujours.

- Señor de la Motte, j'aimerais que nous parlions de votre présence à la casa de Ontiveros, il y a quelques jours, commença-t-il.

Souriant de plus belle, il tapota le coutelas à sa ceinture.

Antoine esquissa un large sourire, il semblait ignorer totalement le côté menaçant de son interlocuteur:

- L'étrange question que voilà. Intéressante mais imprécise.

Puis, joignant ses deux mains sous son menton en signe d'intense réflexion il ajouta:

- Je me suis rendu plusieurs fois à la casa de Ontiveros depuis mon arrivée à Altamira effectivement... mais je ne saisi pas vraiment le sens de cette conversation...

L'homme ne répondit pas tout de suite. Abandonnant son couteau, il se gratta la tête.

- Ah bon ? feignit-il s'étonner. On m'a parlé d'un jeune homme à l'accent montaginois, qui aurait été vu chez don Ontiveros, il y a quelques jours. ce n'était pas vous ?

Restant d'un sérieux imperturbable, Antoine continua:

- Il n'y a pas des milliers de spadassins répondant à cette description. Mais je pense deviner pour qui vous travaillez.

Puis, souriant à nouveau, le montaginois se prépara à déconcerter totalement la brute lui faisant face:

- Dites à votre maître au masque blanc que la prochaine fois, je ne le raterais pas. Et qu'il vienne m'affronter en personne plutôt que de m'envoyer de vulgaires hommes de mains. Dites lui aussi que je le vaincrais avec honneur et les armes à la mains où il souhaitera et quand il souhaitera.

Se levant, il conclua:

- Je pense que cette conversation est maintenant terminée.

- Pas si vite, tournesol ! cracha Fernando, en se levant à son tour. Tu ne peux pas me balancer quelques phrases idiotes et t'en aller comme ça !

Instinctivement, sa main se porta à son couteau.

- Don Ontiveros veut ses réponses et il les aura ! De ton plein gré ou non.

Son regard était devenu aussi froid que celui d'un reptile.

Faignant la surprise, Antoine marqua un arrêt mais resta debout, près à sortir:

- Vous ne travaillez donc pas pour El Vagos? Me voilà terriblement déçu... Dans ce cas apportez à votre maître mes plus plates excuses pour avoir mené mes combats personnels sur ses terres.

Puis, saisissant la teinture créant une sorte d'intimité dans l'alcôve:

- Avez-vous d'autres questions avant que je prenne congé?

L'homme se rassit lentement, les yeux fixés sur le montaginois.

- Oh oui, j'ai des questions, lâcha-t-il. Et elles sont nombreuses.

Il s'assura que la tenture était bien tirée.

- Qu'est-ce que tu faisais chez don Ontiveros, dans la chambre de sa fille ?

Sans se rassoir, Antoine répondit:

- Je ne suis malheureusement pas convaincu que le seigneur Ontiveros soit un allié. Au vu des méthodes passablement violentes qu'il met en œuvre à mon encontre, je n'ai aucun confiance en lui.

Reprenant place en face du matamore il continua:

- Il va me falloir des gages de bonnes volontés pour que j'en vienne à vous faire pleinement confiance. Vous avez tentez de m'arrêter lorsque l'envie de raconter toute l'histoire à votre seigneur m'a pris et vous avez passé à tabac l'un de mes frère d'arme. Je ne puis approuver ceci.

Puis, s'enfonçant dans son siège, le jeune homme conclua:

- Avez-vous vraiment cru qu'un spadassin Montaginois puisse être l'allié de l'Esprit de la Castille?

- Accepter ? ACCEPTER ?!

L'homme paraissait sincèrement outré. Il essaya de se calmer et de baisser la voix.

- Tu ne comprends pas, cabron. Je ne te demande rien. Si tu ne me réponds pas, je te saigne. Si ce n'est pas ici, ce sera dehors, au moment où tu y attendras le moins. Et peu importe combien vous serez, ce ne sera qu'un combat entre des hommes et des danseuses.

Il sourit d'un air gourmand.

- Alors, fais-moi plaisir et ne réponds pas.

Avec un geste d'exaspération, Antoine répondit:

- Je ne fais visiblement pas face à une flèche. Je ne doute pas que vous soyez meilleurs coupe jarret que négociateur mais vos menaces sont inutiles.

Puis montrant la sortie à son désagréable vis-à-vis:

- J'ai déjà répondu à votre question, je combattais El Vagos. Maintenant je vous prierais de partir. Je vous laisse libre de prendre toutes les dispositions que vous souhaitez à mon égard. Avoir le même ennemi ne fait effectivement pas de nous des alliées.

- Moi, je fais visiblement face à un homme mort, articula posément Fernando. Profite bien de tes derniers jours, tournesol.

Crachant aux pieds d'Antoine, il sortit de l'alcôve et disparut au détour d'un couloir. Le bruit de ses pas s'éloignait à peine qu'une silhouette sombre apparaissait dans l'embrasure.

- y a-t-il un problème, Antoine ? résonna la voix lugubre de Marc Valroux de Martise.

Le spadassin tenta de rester le plus souriant et décontracté possible.

- Ne vous inquiétez pas, je me suis simplement mis un seigneur puissant à dos pour ne pas avoir pu sauver sa fille. Ces chose là arrivent dans notre métier, répondit Antoine.

Visiblement ce second couteau n'était qu'un égorgeur de troisième catégorie, son seul but n'était pas d'arriver à un consensus mais plutôt de trouver une bonne excuse pour refroidir quelqu'un.
Si il rejoint son maître dans l'état actuel des choses, le danger sera partout... une seule solution... utiliser ses propres méthodes contre lui... aucun des 4 hommes ne doit atteindre vivant la casa de Ontiveros.

- Excusez moi de me retirer si rapidement mais une affaire urgente réclame mes services, rajouta Antoine d'un bref salut avant de se retirer.

Suivant discrètement Fernando, Antoine le vit récupérer ses hommes avant de sortir de la guilde.
Une fois dehors, les hommes se dirigèrent directement vers le port, menés par un Fernando qui semblait jouer avec son couteau pour se calmer. Ils allaient prendre une ruelle quand Antoine vit un homme les aborder.
Ce dernier, grand, aux longs cheveux gris noués en catogan et aux vêtement débraillés, semblait menacer Fernando. Celui-ci sembla s'énerver et brandit son couteau. Aussitôt, quatre miliciens sortirent de la ruelle et encerclèrent les bandits. Fernando baissa son arme et sembla dire quelque chose à l'alcade aux cheveux blancs. Ce dernier sourit et tapota la joue de Fernando. Puis il fit signe à ses hommes et laissa les bandits seuls.
Les hommes du guet prirent une ruelle près, passant à moins de dix mètres d'Antoine. Quant aux bandits, après un instant d'hésitation, repartirent vers le port.

Antoine grava dans son esprit l'homme au cheveux gris. Peut être était-il important... mais ne pouvant se diviser en deux le spadassin décida de continuer à suivre ses proies...
un moment viendra où ils prendront une ruelle un peu plus sombre ou déserte et à se moment, le jeune homme les provoquera.

Les trois hommes se dirigèrent en direction du port. Ils allaient sortir du quartier des commerces et arriver sur le port. Il ne leur restait plus qu'une ruelle sombre à franchir pour y arriver.

Ils s'y engagèrent.

C'était là le moment ou jamais.
Antoine sortit donc de l'ombre et harangua les hommes louches:

- Mince! Encore vous! Je me disais bien que, vu l'odeur, je ne pouvais me tromper sur la personne... le poisson! Oui, c'est le poisson! Vous vous rendez donc au port?

Le spadassin se trouvait encore à trois longueur d'épée des quatre matamores. Suffisant pour qu'il est lui-même le temps de dégainer en cas d'assaut.

Fernando réagit aussitôt.

- Sale tournesol ! Tu nous as suivi !

Il regarda ses acolytes et leur adressa un signe de tête. Sans un mot, les trois hommes se jetèrent sur Antoine.
Du coin de l'oeil, ce dernier put voir Fernando prendre la tangente.

HRP : Tu les bats sans problème. Je te laisse décrire le combat.