Douce Bretonnie, cher pays des chevaliers, Eyh!

Raven avait sa tête des mauvais jours. Il était très en colère envers son apprentie et ne manquait pas de le faire savoir en grognant et pestant sur tout et n’importe quoi. Après s’être occupé des chevaux, il s’était installé sur la banquette de la diligence et attendait qu’elle s’assoit à côté de lui. Ce qu’elle fit quelque instant plus tard.
Raven lui lança un regard noir. « C’était stupide, ta petite intervention tout à l’heure sur le Brise-Montagne. Tu pensais à quoi, tu peux me le dire ? A te mettre tout le monde à dos ! »

Ses yeux flamboyaient. Sa colère était à son paroxysme. Il était à deux doigts de la balancer de la diligence. Non seulement, il n’avait pas du tout apprécié son petit discours sur le Brise-Montagne mais aussi la façon qu’elle avait refusé les dagues magiques qu’il lui avait achetée pensant lui faire plaisir.
Raven regarda l’adolescente et vit qu’elle tremblait. Il se sentit aussitôt coupable de lui avoir criée dessus. Il grogna. « Excuse-moi, j’aurais pas du crier mais faut dire que tu l’as un peu cherché. »

Raven avait baissé d’un ton. « Qu’est-ce qui t’as pris ? C’était la première fois que tu voyais Calgon et Efilon se battre ? Tu sais c’est très dur pour tout le monde et certains gèrent moins bien la pression que d’autres ou l’expriment de façon, certes, un peu étrange. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu’on va s’entretuer à tout bout de champs. On est une équipe, un peu bizarre mais une équipe quand même. Et tu n’étais pas là au début mais tu aurais vraiment pris peur. Franchement, personne ne se faisait confiance et la paranoïa a augmenté d’un cran quand on a appris que Sypha était un vampire. Donc je te rassure, tu n’as aucune inquiétude à avoir sur la réussite de notre mission. Je dis pas que ce sera toujours facile mais on y arrivera. »

Raven fit une pause, laissant s’imprégner ses paroles dans la tête de l’adolescente. Puis il reprit la parole. « Bon, on a plusieurs petites choses à discuter. Tout d’abord, c’est quoi cette histoire de héros, qu’on se comporte pas comme tels, etc, etc. Sache-le, on n’est pas des héros sauf peut-être si on meurt. Alors on pourra prétendre à ce statut. Les héros ça n’existe pas. Sauf dans les cimetières ou dans la tête des jeunes écervelées un peu niaises. Et je ne pense pas que tu sois de celles-là. Je ne me suis pas embarqué dans cette soi-disant quête pour jouer aux héros mais bien pour réparer une bêtise que j’ai faite, rien de plus. Et crois-moi, si je le pouvais, je serais bien au chaud chez moi dans mon auberge à siroter un bon vieux cognac de contrebande. »

Calgon venait de démarrer le Brise-Montagne et Raven s’était arrêté de parler pour manœuvrer la diligence.
« Je sais que Drachenfels a dit qu’on devrait être unis pour réussir cette quête et qu’on devrait aller tous dans la même direction mais ne te fie pas trop à ce qu’il peut dire. Je le trouve pas très net et je ne lui fais pas confiance. Apprends à te faire ta propre opinion des choses et ne prends pas tout comme argent comptant. Et si quelque chose te tracasse, viens m’en parler d’abord plutôt que le déverser debout sur le Brise-Montagne. En plus, le toit est super glissant et t’aurait pu te casser la gueule. T’aurais eu l’air fine, tiens ! »

Raven rigola un instant, espérant que ça détendrait un peu l’atmosphère.« Écoute, dans notre métier, on ne fait pas de discours. Haranguer les gens, leur donner du courage, les remettre dans le droit chemin, c’est pas notre rôle. Laisse cela aux prêtres, aux nobles et autres dirigeants. Nous, on reste en retrait. On écoute et après on se fait son opinion. On reste dans l’ombre. Le devant de la scène n’est pas pour nous. J’aurais espéré que tu l’aurais compris. »
Il négocia un virage dangereux et repris la parole « Bon, Une dernière chose, ce n’est pas parce que je suis en colère contre toi que je ne te veux plus comme apprentie. C’est à toi de décider ce que tu veux. Mais si c’est pour jouer les héroïnes, je ne te serais d’aucune utilité. »

Raven resta figé quelques secondes, un peu con assis sur la banquette de la diligence, abasourdi par ce qu’il venait d’entendre.
Puis, il se mit à ricaner. Hé ! Finalement ça a son petit caractère. Lui qui avait toujours pensé qu’elle avait autant de personnalité qu’un mollusque anémique. Putain ! Et susceptible avec ça, tu lui expliques un truc et elle prend la mouche. Direct !
Il rit de plus belle. Au moins, il lui aura appris la colère, à défaut d’autres choses.

Mais il n’avait pas pour autant apprécié ce qu’elle avait dit. Il trouvait qu’il avait été bon avec elle. Il lui avait offert une chambre pour dormir, il avait même accepté qu’elle puisse monter ses spectacles dans son auberge. Il l’avait prise sous son aile pour les apprendre des trucs de voleurs, certes, mais jamais il n’avait eu l’idée de faire d’elle une voleuse si elle ne le voulait pas. Il voulait juste qu’elle trouve sa place dans le groupe et qu’elle soit utile comme aimait souvent le répéter Efilon. Il lui avait offert les dagues magiques pour qu’elle ait un truc un peu spécial qui la mettrait en valeur. C’était à ni rien comprendre. Il en conclue que plus t’étais gentil avec quelqu'un, plus il te crachait à la gueule. Il commençait en avoir marre. C’était à te dégoûter d’aider les gens.
En plus, il voyait pas pourquoi il serait le seul à supporter les humeurs d’une adolescente hystérique.

Raven stoppa net la diligence et descendit ouvrir la porte. « Bon, maintenant tu descends de là ! Va rejoindre les autres dans le Brise-Montagne, Tout de suite ! Dépêche-toi ! Je veux plus te voir ! »

Raven observait la sâle gosse s'installer à l'arrière du Brise-Montagne à côté de Traxx. Curieusement, Heinrich faisait le chemin inverse et s'assit à sa droite sur la banquette. Raven le regarda un instant et sortit de sous la banquette une bouteille poussiéreuse avec une vieille étiquette délavée. «Tiens, fit-il en lui tendant la bouteille, Cal Gon l'a récupérée dans le village massacré par les Henlils. Je sais pas ce que c'est mais vu l'odeur ça te fera du bien. Peut-être. Quant à oublier, j'ai pas ça en stock, sinon, crois-moi, j'y aurais déjà goûté.»

Raven reporta son attention sur la route, laissant Heinrich en tête-à-tête avec sa bouteille. Lorsqu'il vit Millenia descendre du Brise-Montagne et se diriger vers eux, il se demanda s'il avait bien fait de virer la gamine. Non pas qu'il n'appréciait pas la magicienne elfe noire mais si les autres avaient la même idée qu'elle, les pauvres Cal Gon et Traxx allaient se retrouver seuls avec Mizielli et ils n'avaient rien fait pour mériter ça.
Raven arrêta la diligence au niveau de Millenia. «Allez, monte.»

Raven fit la grimace lorsque Heinrich se mit à vomir. Il se demanda s'il avait bien fait de donner de l'alcool au magicien, vu que ce dernier ne semblait pas tenir l'alcool. D'ailleurs, c'est dernier temps son estomac avait tendance à tout recracher. Peut-être était-il malade ?
Raven ralentit un peu la diligence, essayant d'amortir les chaos de la route. On ne sait jamais, il pourrait re-vomir, et un mauvais vent sournois et il s'en prendrait plein la tronche.
lorsqu'il entendit la question de Millenia, il soupira. « J'en sais rien mais cela ne me concerne plus !!! »
un léger sourire apparut sur ses lèvres. « Par contre, des idées, j'en ai plein mais je suis pas sûr qu'elles te plaisent vraiment ! »
Puis, il se mit à regarder l'arrière du Brise-montagne d'un regard féroce avec un sourire carnassier...