Un petit chanceux

La porte de l'auberge s'ouvre et laisse entrer un homme enveloppé dans une grande cape trempée, il faut dire qu'avec cette pluie on se retrouve mouillé jusqu'aux os en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. A première vue on dirait un voyageur comme il y en a tant dans le vieux monde : des vêtements pratiques pour les longs trajets, un peu usés mais encore solides, et un sac à dos pour mettre les quelques affaires qu'il possède ; mais à l'instant où il enlève son capuchon on se rend compte de son jeune âge : on lui donnerait à peine une vingtaine d'année et il est plutôt inhabituel de voir des gens de cet âge voyager seuls. Que peut-il bien faire dans cette région ?

Il s'approche du comptoir et demande une bière en jetant un rapide coup d'œil à la salle. Finalement, il tourne son attention sur un groupe en train de jouer aux cartes. Là il tire cette tête de jeune homme curieux et un peu naïf, vous savez le genre qui dit : « Ça m'intrigue ce qu'ils font, j'aimerais bien essayé même si je sais pas ce que c'est, ils seront peut-être assez sympa pour m'inviter », le genre pigeon facile à rouler quoi. Si ça s'arrêtait là on pourrait se dire que c'est un naïf parti sur les routes en quête de je-ne-sais-quoi, mais non, il prend bien garde à se faire repérer par certains des joueurs. Bien sûr eux n'y voient que du feu mais moi ce n'est pas la première fois que j'assiste ce genre de choses. S'ils l'invitent à leur table, ils vont y laisser des plumes c'est sûr... Et voilà, ça n'a pas manqué, ils lui font signe, et lui s'approche toujours en jouant le naïf.

Au bout d'un certain temps, ça y est, il se lève, délaisse les joueurs et s'approche du comptoir avec un air satisfait, on dirait que je ne m'était pas trompé.
« -Une autre bière s'il vous plait.
-Voilà. Alors, vous avez gagné beaucoup avec ces gars là ?
Il hausse les épaules : -je crois que ma chance de ce soir ne m'a pas fait d'amis.
-Et vous allez où comme ça ?
-Par là, répond-il en montrant une vague direction avec sa main libre. Autant dire nulle part.
Ce que j'ai gagné me permet bien de me payer un lit pour la nuit...
-Certainement, c'est là haut. »
Il finit sa bière et monte se coucher. Et ben, c'est pas un bavard celui là...
« -Monsieur, excusez-moi mais vous ne m'avez pas donné votre nom ... c'est pour le registre ...
-Pour le registre ? Ah oui, inscrivez ... Énore Hayan. »