Le Conseil des Veilleurs

La nuit tombe sur Erethor, alanguissant les ombres des arbres millénaires, dérobant à la vue la continuelle pluie de cendres. Au loin, les incendies brûlant sur la Ligne de Feu éclaboussent le ciel de leur lueur. Le regard d’Enereth quitte l’horizon et replonge dans la sombre clairière. Cette nuit, loin des combats, se rencontrent Renael et Asphodaï, deux capitaines des Veilleurs. Contre toute attente, le ton de la discussion est rapidement monté entre les hauts-elfes, et Renael tente d’apaiser son interlocuteur :

- Je comprends ton point de vue, frère, mais aujourd’hui nous sommes trop peu nombreux. Vois le territoire que nous sommes obligés de couvrir. Nous passons nos nuits à combattre, et nos journées à nous déplacer. Alors que notre nombre diminue inexorablement, 1000 nouveaux orcs rejoignent le front chaque jour. Toute recrue est bonne à prendre, nous n’avons pas le choix.

Asphodaï, lui, fait les cent pas dans la clairière, et lorsqu’il répond, son ton sec traduit sa tension.

- Je ne suis pas d’accord. Oui, nous avons besoin de recrues. Mais il nous faut les former selon nos rites ancestraux. Nous sommes les Veilleurs, un corps d’élite. Je ne veux pas dans mes rangs de quelqu’un qui panique en cas de coup dur. J’ai besoin de faire confiance à mes hommes. De plus, quelle crédibilité auraient les Veilleurs s’ils recrutaient le premier venu ?

- Je n’ai pas dis qu’il ne fallait pas le former ! J’ai dis que nous pourrions assouplir les rites pour qu’ils soient moins éprouvant. Nous allons avoir besoin de lui dès que possible, et il devra être en pleine forme.

- Les Veilleurs sont les Veilleurs, Renael. Nos rites sont les mêmes depuis le début des Ages. Si je le prends, il devra se plier aux règles.

- Au risque que cela le tue ?

Un court silence s’installe dans la clairière, seulement troublé par le chuchotement continu des incendies dans le lointain. Enereth en profite pour prendre la parole.

- Frères, je vous ai entendu. Vous êtes en désaccord et je ne puis donner raison à l’un ou à l’autre. Les arguments de Renael trouvent écho dans ma tête, ceux d’Asphodaï dans mon cœur (il fait une pause, s’assurant que les capitaines écoutent). Je vous propose que la décision revienne à la graine-mère.

Enereth avait toujours trouvé le nom de ‘graine-mère’ approprié. La gaine-mère était une graine d’arbre dans laquelle on trouvait un petit noyau. Selon une loi naturelle inconnue des elfes, ce noyau était soit violet, soit bleu, sans qu’il soit possible d’en deviner la couleur autrement qu’en ouvrant la graine. Comme une mère mettant au monde un enfant, sans qu’il soit possible de deviner à l’avance si ce sera une fille, ou un garçon.

Enereth prend une graine de sa tunique et l’élève à hauteur de ses yeux.

- Bien. Si le noyau est bleu, Tyrion ira avec Asphodaï. S’il est violet, il ira avec Renael.

Enereth ouvre la graine.

- Bleu, dit-il.