Time’s up, Fraülein
2 participants
Page 1 sur 1
Time’s up, Fraülein
Pour nos amis qui aiment les petits jeux !
(attention, second degré requis)
http://odieuxconnard.wordpress.com/2009/08/16/times-up-fraulein/
Vous les connaissez, ces soirées là. Ne niez pas : ça vous est tous arrivé un jour. Vous savez, ce coup de fil d’un vieux copain de lycée qui vous propose de vous retrouver avec d’autres, comme vous le faites régulièrement depuis l’époque où vous faisiez encore du latin.
Et comme vous êtes faible, vous acceptez. Dès lors, la machine s’emballe, et tout se met en place: vous êtes Bill Muray, et debout les campeurs, c’est le jour de la marmotte. En effet, cette soirée suit un cours immuable, dans lequel on retrouve les mêmes conversations, les mêmes tensions, les mêmes remarques… Un anthropologue se régalerait en s’attardant là, observant ce rituel social parfaitement huilé, réplique identique de la précédente cérémonie du même type.
La soirée avance, le niveau des bouteilles descend, entrainant avec lui celui des conversations (et ne me faites pas croire qu’il était haut en début de soirée) ; en général, de toute façon, tous les sujets intéressants sont boutés d’entrée de jeu par un des convives pour éviter tout débat (en effet, le convive moyen est du genre à penser que deux personnes en désaccord vont s’engueuler ; le débat constructif et enrichissant, c’est un truc flou et lointain) : la règle par excellence est donc « pas de politique« , par exemple. Et si quelqu’un la brise et qu’une conversation s’engage, au bout de deux minutes, interruption est faite par une amie qui demande si on ne veut pas parler d’autre chose. Un sujet intéressant et qui passionne tout le monde, genre le dernier clip d’Helmut Fritz.
Ne parlons pas de politique sinon on va sengueuler, doctrine de toute bonne depuis 1899
« Ne parlons pas de politique sinon on va s’engueuler », doctrine de toute bonne soirée depuis 1899
Bref, nous en arrivons au point critique de la soirée : le dessert est avalé, personne n’a plus rien à dire (avez-vous déjà noté le nombre de personnes à une table qui attendent que quelqu’un fasse l’animation ? Et qui n’ont rien à dire, quand bien même vous les interrogez sur ce qu’ils ont bien pu faire ces six derniers moi histoire de les faire causer ? « Rien de spécial« . Ha.), et doucement les regards commencent à s’égarer sur les verres. Pour ma part, c’est à ce moment précis que je sens de grosses gouttes de sueur perler sur mon front, car la suite, je la connais. Elle est inévitable. Je la vois dans les yeux de mon voisin de devant, qui vient de relever la tête de son assiette où il récupérait les dernière miettes de feuilleté avec le doigt. Cet ignoble bâtard a déjà un plan. Et j’ai beau tenter de le tuer par la force de la pensée, chercher un objet à lui lancer au visage « par inadvertance », rien à faire, ce Staline des fins de soirées va faire son coup favori :
« On se fait un petit jeu ? »
Ca ne sonne pas comme une question. C’est une prophétie, un ordre dicté aux personnes présentes. Déjà, chacun sent la réponse poindre en son for intérieur ; la mienne serait « Comme par exemple jouer à la marelle sur ton corps nu ?« , mais il semblerait que je sois le seul, car inévitablement, ma voisine suivant le protocole répond ce qui est attendu, et me prend de vitesse :
« Ha ouais ! Y a quoi ?«
Traitresse ! Mata Hari ! Yoko Ono ! Tu viens de lancer la plus odieuse des machines ! Quelque peu rancunier, je fais donc discrètement glisser ma serviette sous la table : je la glisserai ce soir dans le pot d’échappement de sa voiture. L’alcool aidant, elle ne devrait rien remarquer ce soir en démarrant, et s’endormira tranquillement. Dans l’immédiat, en tout cas, c’est moi qui suis en danger. Mon voisin d’en face rayonne déjà, il a gagné cette manche et décide de mettre le coup de grâce :
« J’ai ramené Time’s Up ! » dit il en pointant la sacoche déposée non loin de lui.
« Ha, cool ! » font les convives.
Cet enfoiré le savait. Il a tout prévu : il avait déjà ramené le jeu, des fois que notre hôte de la soirée ne l’aie pas. C’est un attentat prémédité. Pour ma part, je suis en train de constater que mon couteau, que je m’apprêtais à lancer à la gorge de ce crypto-fasciste du ludisme de fin de soirée, n’est autre qu’un de ces vulgaires outils à bout rond. Damned, un complot. Le propriétaire des couverts est dans le coup depuis le début, c’est certain. J’irai boucher ses chiottes, pour la peine.
Avec des couleurs pareilles, impossible de planquer la boîte pour éviter dy jouer : ils ont pensé à tout.
Avec des couleurs pareilles, impossible de planquer la boîte pour éviter d’y jouer : ils ont pensé à tout.
Mais alors, pour celles et ceux qui ne sauraient pas, Time’s Up !, qu’est-ce donc, si ce n’est mon archnémésis ? Et bien, c’est assez simple en fait. Il y a un tas de 40 cartes sur la table, où l’on peut lire sur chacune le nom d’un personnage, réel ou fictif, issu de tout domaine : sport, cinéma, romans, histoire, politique… A son tour, en un temps limité (d’où le sablier), le joueur doit faire deviner à son équipe un maximum de personnages. A chaque personnalité découverte, on met la carte de côté et on passe à la suivante. Une fois le temps écoulé, on passe au joueur suivant, etc, jusqu’à ce qu’il n’y ai plus de cartes. Dès lors, chaque équipe compte les cartes qu’il a découvertes, et ça lui fait donc son score. Puis on rejoue avec les mêmes 40 cartes mélangées, pour une nouvelle manche.
Des manches, il y en a 3 :
* Une manche où l’on peut tout dire, sauf le nom du personnage, pour le faire deviner.
* Une manche où l’on a juste le droit à un mot pour faire deviner le personnage (souvent un mot qui a marqué les joueurs pour trouver ce personnage à la manche précédente).
* Une manche où l’on doit mimer le personnage.
Pas de quoi avoir peur, donc. Sauf que vous avez oublié un détail : vous jouez avec vos potes de lycée. Ceux-là même qui pensent que Pompidou, c’est un musée, et que l’auteur de Notre Dame de Paris, c’est Walt Disney. Et Time’s Up !, ca demande quelques connaissances un poil plus élaborées. Du coup, ce n’est ni très intéressant, ni bien adapté. Mais vos potes, eux, ça ne les arrête pas, bien au contraire. Mais observons plutôt la partie :
« Alors, heuuuuu c’est heuuuu… Haaaa… Son nom commence pas le truc qu’on cultive en Asie !
- Du bambou ? Du riz ?
- Ouiiiii ! Et ensuite heuuu… on en faisait des courses chez les romains ! Et sinon on dit un tank !
- Un char ? Richard ?
- Ouiii ! (à cet instant précis, cela ressemble à un orgasme en approche chez la jeune fille qui joue) Et heuuu ensuite, heu… Là où dorment les oiseaux !
- Un nid ?
- *soupir sensuel* (oui, ce jeu les met dans des états pas possible) Ouiiii…. Et ensuite, quand tu viens chez moi, tu ? Dring dring !
- Sonne ? Riz-Char Nid-Sonne ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii (bin le voilà l’orgasme) !!!
- Juste comme ça, t’aurais pas pu dire « Président américain qui démissionne après l’affaire du Watergate ? » (ajoutez-vous d’un air innocent)
- Hein ? Le quoi ? Mais je sais pas qui c’est. »
0
Évidemment, certains regards se tournent vers vous : vous « étalez votre culture » (et oui, vous êtes un enfoiré, vous connaissez les personnages célèbres), vous les méprisez donc. Mais non, vous n’étalez pas votre culture, vous vous contentez d’être assez sympa pour jouer à ce jeu (qu’ils ont choisi) en respectant les règles, mais, oui, là par contre, vous les méprisez. Parce que, au moins savoir que c’était un président américain, ce serait bien. Ou alors, faut pas jouer à ce jeu. Mais c’est mignon ce petit côté classe de CP qui vient de tomber sur le Trivial Pursuit de papa.
Bref, c’est parti pour environ 45mn de jeu en onomatopées. 45mn où, se roulant dans leur inculture totale, la tablée va trouver génial de jouer à un jeu dont ils ne comprennent pas la règle de base, qui est de faire référence aux personnages en parlant d’eux, pas en épelant leurs noms. Sinon, il y a d’autres jeux pour ça. A la seconde manche, pour l’exemple sur le même sujet, si la damoiselle retombe sur la carte « Richard Nixon », elle imitera quelqu’un qui sonne pour faire deviner le personnage, et à la troisième, dira juste « Dring !« .
Mais attention, ce jeu est quand même rudement révélateur sur vos collègues. En effet, chacun y voit les références d’autrui : par exemple, je me fais balayer sur toutes les actrices de seconde zone, ou les chanteurs et sportifs puisqu’en général, cela donne :
« Oui ! Alors c’est la nana qui a plaqué X pour aller avec Y
- Ha, c’est Z »
0
Bien que je connaisse plus Z pour son métier (et encore, de loin), je ne connais ni X, ni Y. Et encore moins les échanges de fluides impliquant les trois. Pourtant, il semblerait que ce soit une évidence tant la table souffle « Pfff, facile ». J’en concluais donc que les lecteurs de Closer, Public, et Gala sont des putains de bêtes, mais alors sur des questions très limitées seulement. Et qui impliquent forcément l’emboîtement de deux personnalités à un moment ou à un autre. Un domaine de recherche relativement vaste et objectivement inintéressant, quand on y pense.
Le plus gros ouvrage que certains naient jamais lu.
Le plus gros ouvrage que certains aient jamais lu.
Mais revenons plutôt à notre partie, voulez-vous ?
Pour ma part, je commence à paniquer lorsque la jeune fille avant moi voit son temps approcher de sa fin. Elle tente de faire deviner un personnage « dont le nom ressemble à marteau« , et son équipe se demande bien qui ça peut bien être. Devant son échec, elle me passe le paquet de carte pour que mon tour débute : « Je sais pas qui c’est, bon courage« , me souffle t elle. Je lis la carte et entame mon tour :
« Il a repoussé les arabes à Poitiers lors d’une grande bataille au Moyen-Âge. » ça, et le fait que son nom ressemble à « marteau« , j’ose supposer qu’il y a bien un malandrin dans la salle qui connait le Monsieur. D’ailleurs, je suis confiant : depuis des années, à chaque fois que quelqu’un fait référence au Futuroscope, je suggère à haute voix que ça doit être si chiant que même les arabes n’ont jamais dépassé Poitiers et ont préféré se barrer. Mais visiblement, aucun d’entre eux ne connait M. Martel, c’est donc un glorieux échec. J’en déduis donc que depuis des années, mon piètre calembour sur le Futuroscope a en fait dû passer pour une blague raciste qu’ils ne comprenaient pas. Diantre, que je sue, j’en ai les mains si moites que la carte commence à se décomposer dans mes doigts tremblants Et pourtant, je ne suis pas au bout de mes peines. Observons plusieurs tours successifs.
« C’est un célèbre auteur qui a écrit la série des Rougon-Macquart, dont, entre autres, La Bête Humaine que nous étudiâmes ensemble à la glorieuse époque du lycée. Sinon, il a aussi rédigé le célèbre « J’accuse », lors de l’affaire Dreyfus.
- Heu… au lycée… Baudelaire ? »
0
« C’est le premier président et le créateur de la Ve République. Il a fait l’appel du 18 Juin et était considéré comme le chef de la France Libre à Londres.
- Ah, la Résistance ! Jean Moulin ! »
0
« C’est l’auteur de Guerre et Paix. Là, je vois pas comment vous le dire autrement. Et dans tous les cas, j’ai peu d’espoir.
- Dan Brown ?
- C’est bien ce que je pensais. »
0
Vous comprendrez donc aisément que le jeu soit rapidement insupportable pour qui que ce soit qui a déjà lu plus de deux livres dans sa vie. Et pourtant, le jeu remporte un succès incroyable auprès d’une foule de jeunes qui sont fiers d’étaler leur inculture entre eux. C’est tellement bien de montrer tout ce qu’on ne sait pas à ses copains.
En tout cas, la partie approchant de sa phase finale, les joueurs y vont de leurs petits commentaires. La pièce s’est divisée en deux, entre le camp des « intellos qui connaissent les cartes » et celui des « y en a marre des intellos qui nous cassent les burnes à se la péter avec leur culture gnagnagna » . Mystérieusement, le second camp est über-majoritaire et revendicatif. A chaque nouvelle carte, le premier camp (réduit à deux ou trois personnes selon les invités) se contente d’échanger des regards navrés quand un joueur fait deviner le maréchal Pétain en expliquant que « son nom ressemble à un prout« . A trop vouloir esquiver les conversations qui font clivage, voilà le premier jeu qui le fait. Un peu comme jouer au Scrabble avec des rédacteurs de Skyblogs.
Mais, Time’s Up ! a quand même une grande qualité : il y a une fin à ce jeu. Et quand enfin, la dernière carte tombe, c’est le soulagement général car enfin, on va pouvoir passer à autre chose. Voire, car tout le monde est bien fatigué de cette gymnastique intellectuelle (sic), achever la soirée.
C’est ainsi que je me retrouvais sur le trottoir bordant le logis de notre hôte d’un soir, à me faire sermonner par ma voisine de table, m’expliquant que ça allait, les putains d’explications « Truc il a fait ceci ou cela« , qu’on s’en foutait, qu’en fait, c’était plus rigolo de jouer avec les sons (elle ne connait pas le terme phonétique, visiblement). J’hésitais à lui faire remarquer que dans ce cas, il fallait jouer à un autre jeu, mais je m’abstins et la regardait s’éloigner sur le trottoir, marchant lourdement vers sa voiture.
Je tirais alors une boîte allumette de ma poche intérieure ainsi qu’un demi-cigare qu’il me restait. L’allumant, je me permis un coup d’œil vers sa voiture dont, déjà, l’habitacle commençait à se remplir de gaz d’échappement.
- Time’s up, Fraülein.
(attention, second degré requis)
http://odieuxconnard.wordpress.com/2009/08/16/times-up-fraulein/
Vous les connaissez, ces soirées là. Ne niez pas : ça vous est tous arrivé un jour. Vous savez, ce coup de fil d’un vieux copain de lycée qui vous propose de vous retrouver avec d’autres, comme vous le faites régulièrement depuis l’époque où vous faisiez encore du latin.
Et comme vous êtes faible, vous acceptez. Dès lors, la machine s’emballe, et tout se met en place: vous êtes Bill Muray, et debout les campeurs, c’est le jour de la marmotte. En effet, cette soirée suit un cours immuable, dans lequel on retrouve les mêmes conversations, les mêmes tensions, les mêmes remarques… Un anthropologue se régalerait en s’attardant là, observant ce rituel social parfaitement huilé, réplique identique de la précédente cérémonie du même type.
La soirée avance, le niveau des bouteilles descend, entrainant avec lui celui des conversations (et ne me faites pas croire qu’il était haut en début de soirée) ; en général, de toute façon, tous les sujets intéressants sont boutés d’entrée de jeu par un des convives pour éviter tout débat (en effet, le convive moyen est du genre à penser que deux personnes en désaccord vont s’engueuler ; le débat constructif et enrichissant, c’est un truc flou et lointain) : la règle par excellence est donc « pas de politique« , par exemple. Et si quelqu’un la brise et qu’une conversation s’engage, au bout de deux minutes, interruption est faite par une amie qui demande si on ne veut pas parler d’autre chose. Un sujet intéressant et qui passionne tout le monde, genre le dernier clip d’Helmut Fritz.
Ne parlons pas de politique sinon on va sengueuler, doctrine de toute bonne depuis 1899
« Ne parlons pas de politique sinon on va s’engueuler », doctrine de toute bonne soirée depuis 1899
Bref, nous en arrivons au point critique de la soirée : le dessert est avalé, personne n’a plus rien à dire (avez-vous déjà noté le nombre de personnes à une table qui attendent que quelqu’un fasse l’animation ? Et qui n’ont rien à dire, quand bien même vous les interrogez sur ce qu’ils ont bien pu faire ces six derniers moi histoire de les faire causer ? « Rien de spécial« . Ha.), et doucement les regards commencent à s’égarer sur les verres. Pour ma part, c’est à ce moment précis que je sens de grosses gouttes de sueur perler sur mon front, car la suite, je la connais. Elle est inévitable. Je la vois dans les yeux de mon voisin de devant, qui vient de relever la tête de son assiette où il récupérait les dernière miettes de feuilleté avec le doigt. Cet ignoble bâtard a déjà un plan. Et j’ai beau tenter de le tuer par la force de la pensée, chercher un objet à lui lancer au visage « par inadvertance », rien à faire, ce Staline des fins de soirées va faire son coup favori :
« On se fait un petit jeu ? »
Ca ne sonne pas comme une question. C’est une prophétie, un ordre dicté aux personnes présentes. Déjà, chacun sent la réponse poindre en son for intérieur ; la mienne serait « Comme par exemple jouer à la marelle sur ton corps nu ?« , mais il semblerait que je sois le seul, car inévitablement, ma voisine suivant le protocole répond ce qui est attendu, et me prend de vitesse :
« Ha ouais ! Y a quoi ?«
Traitresse ! Mata Hari ! Yoko Ono ! Tu viens de lancer la plus odieuse des machines ! Quelque peu rancunier, je fais donc discrètement glisser ma serviette sous la table : je la glisserai ce soir dans le pot d’échappement de sa voiture. L’alcool aidant, elle ne devrait rien remarquer ce soir en démarrant, et s’endormira tranquillement. Dans l’immédiat, en tout cas, c’est moi qui suis en danger. Mon voisin d’en face rayonne déjà, il a gagné cette manche et décide de mettre le coup de grâce :
« J’ai ramené Time’s Up ! » dit il en pointant la sacoche déposée non loin de lui.
« Ha, cool ! » font les convives.
Cet enfoiré le savait. Il a tout prévu : il avait déjà ramené le jeu, des fois que notre hôte de la soirée ne l’aie pas. C’est un attentat prémédité. Pour ma part, je suis en train de constater que mon couteau, que je m’apprêtais à lancer à la gorge de ce crypto-fasciste du ludisme de fin de soirée, n’est autre qu’un de ces vulgaires outils à bout rond. Damned, un complot. Le propriétaire des couverts est dans le coup depuis le début, c’est certain. J’irai boucher ses chiottes, pour la peine.
Avec des couleurs pareilles, impossible de planquer la boîte pour éviter dy jouer : ils ont pensé à tout.
Avec des couleurs pareilles, impossible de planquer la boîte pour éviter d’y jouer : ils ont pensé à tout.
Mais alors, pour celles et ceux qui ne sauraient pas, Time’s Up !, qu’est-ce donc, si ce n’est mon archnémésis ? Et bien, c’est assez simple en fait. Il y a un tas de 40 cartes sur la table, où l’on peut lire sur chacune le nom d’un personnage, réel ou fictif, issu de tout domaine : sport, cinéma, romans, histoire, politique… A son tour, en un temps limité (d’où le sablier), le joueur doit faire deviner à son équipe un maximum de personnages. A chaque personnalité découverte, on met la carte de côté et on passe à la suivante. Une fois le temps écoulé, on passe au joueur suivant, etc, jusqu’à ce qu’il n’y ai plus de cartes. Dès lors, chaque équipe compte les cartes qu’il a découvertes, et ça lui fait donc son score. Puis on rejoue avec les mêmes 40 cartes mélangées, pour une nouvelle manche.
Des manches, il y en a 3 :
* Une manche où l’on peut tout dire, sauf le nom du personnage, pour le faire deviner.
* Une manche où l’on a juste le droit à un mot pour faire deviner le personnage (souvent un mot qui a marqué les joueurs pour trouver ce personnage à la manche précédente).
* Une manche où l’on doit mimer le personnage.
Pas de quoi avoir peur, donc. Sauf que vous avez oublié un détail : vous jouez avec vos potes de lycée. Ceux-là même qui pensent que Pompidou, c’est un musée, et que l’auteur de Notre Dame de Paris, c’est Walt Disney. Et Time’s Up !, ca demande quelques connaissances un poil plus élaborées. Du coup, ce n’est ni très intéressant, ni bien adapté. Mais vos potes, eux, ça ne les arrête pas, bien au contraire. Mais observons plutôt la partie :
« Alors, heuuuuu c’est heuuuu… Haaaa… Son nom commence pas le truc qu’on cultive en Asie !
- Du bambou ? Du riz ?
- Ouiiiii ! Et ensuite heuuu… on en faisait des courses chez les romains ! Et sinon on dit un tank !
- Un char ? Richard ?
- Ouiii ! (à cet instant précis, cela ressemble à un orgasme en approche chez la jeune fille qui joue) Et heuuu ensuite, heu… Là où dorment les oiseaux !
- Un nid ?
- *soupir sensuel* (oui, ce jeu les met dans des états pas possible) Ouiiii…. Et ensuite, quand tu viens chez moi, tu ? Dring dring !
- Sonne ? Riz-Char Nid-Sonne ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii (bin le voilà l’orgasme) !!!
- Juste comme ça, t’aurais pas pu dire « Président américain qui démissionne après l’affaire du Watergate ? » (ajoutez-vous d’un air innocent)
- Hein ? Le quoi ? Mais je sais pas qui c’est. »
0
Évidemment, certains regards se tournent vers vous : vous « étalez votre culture » (et oui, vous êtes un enfoiré, vous connaissez les personnages célèbres), vous les méprisez donc. Mais non, vous n’étalez pas votre culture, vous vous contentez d’être assez sympa pour jouer à ce jeu (qu’ils ont choisi) en respectant les règles, mais, oui, là par contre, vous les méprisez. Parce que, au moins savoir que c’était un président américain, ce serait bien. Ou alors, faut pas jouer à ce jeu. Mais c’est mignon ce petit côté classe de CP qui vient de tomber sur le Trivial Pursuit de papa.
Bref, c’est parti pour environ 45mn de jeu en onomatopées. 45mn où, se roulant dans leur inculture totale, la tablée va trouver génial de jouer à un jeu dont ils ne comprennent pas la règle de base, qui est de faire référence aux personnages en parlant d’eux, pas en épelant leurs noms. Sinon, il y a d’autres jeux pour ça. A la seconde manche, pour l’exemple sur le même sujet, si la damoiselle retombe sur la carte « Richard Nixon », elle imitera quelqu’un qui sonne pour faire deviner le personnage, et à la troisième, dira juste « Dring !« .
Mais attention, ce jeu est quand même rudement révélateur sur vos collègues. En effet, chacun y voit les références d’autrui : par exemple, je me fais balayer sur toutes les actrices de seconde zone, ou les chanteurs et sportifs puisqu’en général, cela donne :
« Oui ! Alors c’est la nana qui a plaqué X pour aller avec Y
- Ha, c’est Z »
0
Bien que je connaisse plus Z pour son métier (et encore, de loin), je ne connais ni X, ni Y. Et encore moins les échanges de fluides impliquant les trois. Pourtant, il semblerait que ce soit une évidence tant la table souffle « Pfff, facile ». J’en concluais donc que les lecteurs de Closer, Public, et Gala sont des putains de bêtes, mais alors sur des questions très limitées seulement. Et qui impliquent forcément l’emboîtement de deux personnalités à un moment ou à un autre. Un domaine de recherche relativement vaste et objectivement inintéressant, quand on y pense.
Le plus gros ouvrage que certains naient jamais lu.
Le plus gros ouvrage que certains aient jamais lu.
Mais revenons plutôt à notre partie, voulez-vous ?
Pour ma part, je commence à paniquer lorsque la jeune fille avant moi voit son temps approcher de sa fin. Elle tente de faire deviner un personnage « dont le nom ressemble à marteau« , et son équipe se demande bien qui ça peut bien être. Devant son échec, elle me passe le paquet de carte pour que mon tour débute : « Je sais pas qui c’est, bon courage« , me souffle t elle. Je lis la carte et entame mon tour :
« Il a repoussé les arabes à Poitiers lors d’une grande bataille au Moyen-Âge. » ça, et le fait que son nom ressemble à « marteau« , j’ose supposer qu’il y a bien un malandrin dans la salle qui connait le Monsieur. D’ailleurs, je suis confiant : depuis des années, à chaque fois que quelqu’un fait référence au Futuroscope, je suggère à haute voix que ça doit être si chiant que même les arabes n’ont jamais dépassé Poitiers et ont préféré se barrer. Mais visiblement, aucun d’entre eux ne connait M. Martel, c’est donc un glorieux échec. J’en déduis donc que depuis des années, mon piètre calembour sur le Futuroscope a en fait dû passer pour une blague raciste qu’ils ne comprenaient pas. Diantre, que je sue, j’en ai les mains si moites que la carte commence à se décomposer dans mes doigts tremblants Et pourtant, je ne suis pas au bout de mes peines. Observons plusieurs tours successifs.
« C’est un célèbre auteur qui a écrit la série des Rougon-Macquart, dont, entre autres, La Bête Humaine que nous étudiâmes ensemble à la glorieuse époque du lycée. Sinon, il a aussi rédigé le célèbre « J’accuse », lors de l’affaire Dreyfus.
- Heu… au lycée… Baudelaire ? »
0
« C’est le premier président et le créateur de la Ve République. Il a fait l’appel du 18 Juin et était considéré comme le chef de la France Libre à Londres.
- Ah, la Résistance ! Jean Moulin ! »
0
« C’est l’auteur de Guerre et Paix. Là, je vois pas comment vous le dire autrement. Et dans tous les cas, j’ai peu d’espoir.
- Dan Brown ?
- C’est bien ce que je pensais. »
0
Vous comprendrez donc aisément que le jeu soit rapidement insupportable pour qui que ce soit qui a déjà lu plus de deux livres dans sa vie. Et pourtant, le jeu remporte un succès incroyable auprès d’une foule de jeunes qui sont fiers d’étaler leur inculture entre eux. C’est tellement bien de montrer tout ce qu’on ne sait pas à ses copains.
En tout cas, la partie approchant de sa phase finale, les joueurs y vont de leurs petits commentaires. La pièce s’est divisée en deux, entre le camp des « intellos qui connaissent les cartes » et celui des « y en a marre des intellos qui nous cassent les burnes à se la péter avec leur culture gnagnagna » . Mystérieusement, le second camp est über-majoritaire et revendicatif. A chaque nouvelle carte, le premier camp (réduit à deux ou trois personnes selon les invités) se contente d’échanger des regards navrés quand un joueur fait deviner le maréchal Pétain en expliquant que « son nom ressemble à un prout« . A trop vouloir esquiver les conversations qui font clivage, voilà le premier jeu qui le fait. Un peu comme jouer au Scrabble avec des rédacteurs de Skyblogs.
Mais, Time’s Up ! a quand même une grande qualité : il y a une fin à ce jeu. Et quand enfin, la dernière carte tombe, c’est le soulagement général car enfin, on va pouvoir passer à autre chose. Voire, car tout le monde est bien fatigué de cette gymnastique intellectuelle (sic), achever la soirée.
C’est ainsi que je me retrouvais sur le trottoir bordant le logis de notre hôte d’un soir, à me faire sermonner par ma voisine de table, m’expliquant que ça allait, les putains d’explications « Truc il a fait ceci ou cela« , qu’on s’en foutait, qu’en fait, c’était plus rigolo de jouer avec les sons (elle ne connait pas le terme phonétique, visiblement). J’hésitais à lui faire remarquer que dans ce cas, il fallait jouer à un autre jeu, mais je m’abstins et la regardait s’éloigner sur le trottoir, marchant lourdement vers sa voiture.
Je tirais alors une boîte allumette de ma poche intérieure ainsi qu’un demi-cigare qu’il me restait. L’allumant, je me permis un coup d’œil vers sa voiture dont, déjà, l’habitacle commençait à se remplir de gaz d’échappement.
- Time’s up, Fraülein.
Saber- Le concierge du forum
- Nombre de messages : 3159
Age : 43
Localisation : Grenoble
Date d'inscription : 23/06/2008
Re: Time’s up, Fraülein
Je ne peux être que d'accord avec toi !
c'est toujours comme ça avec Time's UP...
Par contre à chaque fois que j'ai joué avec des potes rôlistes (donc qui lisent des bouquins de JdR depuis au moins la 5eme et qui souvent s'intéresse à l'histoire), ça passe mieux et on ne joue pratiquement pas avec de la phonétique (Bon y'a toujours une ou deux actrice de seconde zone comme tu dis)
@+
c'est toujours comme ça avec Time's UP...
Par contre à chaque fois que j'ai joué avec des potes rôlistes (donc qui lisent des bouquins de JdR depuis au moins la 5eme et qui souvent s'intéresse à l'histoire), ça passe mieux et on ne joue pratiquement pas avec de la phonétique (Bon y'a toujours une ou deux actrice de seconde zone comme tu dis)
@+
Zokoi- Baron/Baronne
- Nombre de messages : 383
Age : 51
Localisation : Grenoble, Glorantha ou L.A.
Date d'inscription : 14/01/2009
Sujets similaires
» Soirée TIME UP
» Time up Party
» Time's up academy
» Full Time Fitness
» [Edwin & Kael] It's SHOW TIME !
» Time up Party
» Time's up academy
» Full Time Fitness
» [Edwin & Kael] It's SHOW TIME !
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum