Ha ! Carlo !

Malgré la nuit assez agité chez Sebastian Torres de Soldano, Isabella fut une des premières à arriver le lendemain matin pour s'entraîner à la Guilde. Il faut dire qu'elle avait à présent une raison valable de travailler ses mouvements...

Du coin de l'oeil, elle attendait aussi avec impatience l'arrivée de quelqu'un qu'elle avait plus tendance à fuir ces dernières semaines.

Isabella devait savoir sur qui elle pouvait compter, et pour ça, il allait falloir mettre les choses au clair avec Carlo. C'est pourquoi elle jetait de fréquents coup d'oeil à la porte, tout en travaillant ses feintes et son rythme.

Isabella n'eut pas à attendre très longtemps. A peine s'était-elle mise à ses étirements qu'elle entendit une personne passer la porte.
Se retournant, elle reconnut la jeune Gloria de Ontiveros. Comme d'habitude, la jeune fille était habillée en tenue complète d'escrimeuse. Sur une silhouette aussi menue, cela produisait presque un effet incongru. Mais Isabella savait que la jeune fille avait accompli quelques progrès en deux mois. Elle éprouvait presque du mal à la vaincre, ces derniers temps.

Gloria s'avança doucement et salua Isabella :

- Buenos dias, señora Isabella, s'inclina-t-elle. Est-ce que le señor Carlo est arrivé ?

Elle jeta un coup d'oeil dans la salle. Hélas, Carlo n'était toujours pas là.

- C'est bizarre, avança-t-elle, je le trouve toujours ici quand j'arrive...

-Non, je ne l'ai pas encore vu arriver. Il est encore tôt, le connaissant, il ne devrait pas trop tarder.

A moins qu'il ait un duel ce matin, mais il nous en aurait sans doute parlé. Isabella se demandait si elle devait se réjouir de ce retard.

Elle considérait Gloria comme une amie, sa rébellion contre le chemin tout tracé que lui avait concocté sa famille résonnait avec sa propre histoire.

Dire qu'il y a quelques mois, je pensais me marier, et me voilà engagé dans la vie de spadassin...

Isabella se demandait si elle devait s'ouvrir de ses soucis à Gloria. La jeune fille n'avait pas une grande expérience du monde, surtout des relations entre hommes et femmes, et d'habitude c'était Isabella qui lui donnait des conseils. D'un autre côté, peut-être que son éducation de noble lui offrait un autre regard sur ce genre de situation.

De toute façon, il fallait qu'elle se confie pour arriver à y voir plus clair. Durant la nuit, elle avait recouvert son bureau de lettres froissées mais elle n'arrivait pas à trouver les mots pour expliquer l'histoire à sa soeur. Elle avait aussi songé à aller se confesser, chose qu'elle avait "oublié" joyeusement depuis son arrivée à Altamira, mais elle n'en était pas encore désespérée à ce point.

Après une petite hésitation, elle prit sa décision : elle allait attendre Carlo, le prendre à part pour régler l'épineuse question de sa cynothropie et s'il survivait à ça sans vouloir l'étrangler, elle irait dans un coin tranquille expliquer toute l'affaire à ses deux amis.

"En l'attendant Gloria, ça te dit de t'entrainer avec moi ? Tu commence à avoir quelques passes à m'apprendre !" Isabella sourit, même si elle n'a pas vraiment le coeur en fête.

HRP : Désolé, mais je ne connais pas le mot "cynothropie"... .
J'ai trouvé "cynanthropie", le fait pour un homme de se prendre pour un chien. C'est bien ça ?

*****

La jeune fille hocha la tête et se mit en position, sa rapière dans une main et une cape dans l'autre. Les deux femmes se saluèrent et s'élancèrent l'une contre l'autre. Elles ferraillèrent un long moment, avant que la plus jeune ne s'avoue vaincue. Après qu'elle se soient remerciées l'une l'autre, Glorai s'effondra sur un banc.

- Vous... êtes... très forte... réussit-elle à articuler, tout en essuyant la sueur sur son visage. Je comprends pourquoi Carlo...

- On parle de moi ?

Un jeune homme aux cheveux courts et bouclés venait d'entrer dans la salle. Habillé de vêtements fonctionnels, il s'inclina devant une Gloria médusée et s'avança vers Isabella.

- Bonne journée à toi, sourit-il de toutes ses dents.