La rose des vents
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Masques ensanglantés

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Masques ensanglantés Empty Masques ensanglantés

Message  Saber Lun 19 Oct - 19:20

L'homme masqué chancela en entrant dans la pièce. Du sang coulait sur tout son corps, colorant d'un rouge sombre ses vêtement originellement clairs. Il semblait devoir s'effondrer d'un instant à l'autre.
Dans un dernier effort, il atteignit une chaise et s'y agrippa, encore haletant.
D'un geste, il se défit de son masque. Puis il s'affala sur le siège et essaya de respirer profondément.

Chasser la douleur... Tu n'as plus mal. Pense à autre chose. Tiens, la Castille. C'est bien, ça...

L'homme se concentra mais -rien à faire- la douleur ne partait pas. Il tendit la main vers une flasque qui reposait sur l'étagère à côté de lui.

- Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

Il suspendit son geste. Une jeune femme venait de pénétrer dans sa pièce secrète. Grande pour son sexe, elle avait de longs cheveux noirs et bouclés et une taille de guêpe. Le temps d'une pensée, il admira la plastique de celle qui l'avait précédée sous le masque de El Vago. Mais la douleur revint, le faisant presque crier.
Elle se précipita vers lui.

- Tu as besoin de soins ! Je vais appeler...

Il la laissa faire, incapable de bouger le moindre muscle. Quelques instants plus tard, une demi-douzaine de personnes envahissait la pièce. On le porta alors sur un lit et ses blessures furent bandées. Puis on le laissa dormir.

A son réveil, la jeune femme était là, veillant à son chevet. Elle lui sourit.

- Tu vas mieux ?

Il grimaça un sourire.

- J'ai moins mal, en tout cas.

Elle ébaucha le geste de lui toucher l'épaule, puis se ravisa. Ils se regardèrent tous les deux, un peu gênés.

- Qu'est-ce qui s'est passé, là-bas ? finit-elle par lâcher, pour meubler le silence.

- C'était le chevalier-inquisiteur, fit l'homme. Il était bien plus fort que ce que j'avais imaginé...

- Il t'a laissé dans un sale état, s'inquiéta la jeune femme. Comment as-tu survécu ?

- Les spadassins envoyés pour retrouver Martinez... Ils ont dû vaincre le chevalier. Enfin, je crois. Je me suis réveillé sur le port...

- Et tu avais encore ton masque ? demanda-t-elle.

L'homme hocha la tête.

- Apparemment, ils sont un peu honorables.

- Et Martinez, alors ? Où est-il ?

- Il est à la guilde des spadassins, indiqua l'homme. On m'a dit que je pourrai aller le chercher demain.

- Il est en sûreté ?

- Je pense. Il n'a qu'une nuit à tenir, après tout. Demain, il sera chez nous.

- Tu penses aller le chercher ? s'indigna la jeune femme. Dans ton état ?

- Ecoute, je porte le masque, ça implique des resp...

- Ca n'implique pas de mourir comme un idiot surmené ! le coupa-t-elle. Non, c'est moi qui irai.

L'homme tenta faiblement de la contredire, mais la jeune femme resta inflexible. A bout d'arguments, il finit par se résigner. Remontant la couverture sur lui, il finit par lâcher :

- Je n'ai pas vraiment été à la hauteur pour ma première mission...

La jeune femme sourit.

- Je n'ai pas été meilleure. Allez, repose-toi.

Elle sortit de la pièce tandis qu'il fermait les yeux et se laissait aller au sommeil.
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Message  Saber Lun 26 Oct - 10:05

Il faisait sombre dans la petite chambre. La seule lumière provenait des lampadaires éclairant la rue. Elle ne laissait voir de la pièce qu'un lit défait sur lequel reposait une Bible des Prophètes.
Soudain, le mur, faiblement éclairé, sembla absorber la lumière. Une forme apparut alors. De taille humaine, vêtue de noir, elle se déplaçait avec difficulté. Chaque pas semblait lui coûter tandis qu'elle approchait du lit. S'y effondrant finalement, elle resta immobile pendant quelques instants. Puis, elle commença à se redresser. Repoussant sa capuche et dévoilant une abondante chevelure, elle entreprit de se déshabiller dans le noir. Chaque fois qu'un vêtement frottait sur sa peau, elle grimaçait de douleur.
Ceci fait, elle poussa du pied le petit tas sanglant au bas du lit. Encore des vêtements à brûler.

Précautionneusement, elle sonda ses blessures. Cet avalonien ne l'avait pas raté. A un pouce près, il lui sectionnait la colonne vertébrale.
Elle commença à bander ses blessures. Heureusement, grâce à Theus, elle pouvait espérer récupérer en une semaine.
Mais, pendant ce temps, les hérétiques auraient la ville toute à eux... Elle les voyait tous les jours, se pavanant dans les rues, exhibant leur allégeance à Légion, convertissant par leur simple présence d'innocents vaticins à leurs idées malsaines. Protestataires, sorciers, traîtres à l'Église... Elle ne pouvait se permettre aucun instant de repos !
Elle grimaça. En redressant vertueusement, elle avait rouvert une de ses blessures. Tout en la bandant à nouveau, elle effleura l'idée d'accepter l'aide de cet imbécile de prêtre. Ne serait-ce que pour les prochains jours...
Elle secoua la tête. Pas question. C'est elle que le seigneur Esteban Verdugo avait envoyé purifier cette fosse à hérétiques ! Et elle avait juré sur sa foi de s'y consacrer jusqu'à la fin de ses jours ! Elle n'allait pas renier son serment au premier obstacle !
La jeune femme s'étendit sur le lit et laissa vagabonder ses pensées.
Ce vodacci... Comment s'appelait-il déjà ? Cet eisenör irritant l'avait appelé Roméo. Roméo... Elle avait bien tenté de l'arrêter avant le coup fatal, mais il s'était acharné. Alors, elle avait dû l'étendre pour le compte.
Peut-être avait-il survécu à ses blessures ? Il avait beau aider un traître à la Sainte Inquisition, il ne manquait pas de courage. Elle aurait presque pu l'admirer...
Elle chassa ces pensées impures. Elle était un instrument au service de Theus, pas une jouvencelle prête à tomber en pâmoison !
Pourtant... Elle passa les mains sur son visage. Était-elle belle ?
Elle n'avait jamais possédé de miroir. Son éminence le cardinal lui avait toujours répété que la vanité était un péché et elle l'avait accepté sans discuter. A présent, cependant, elle éprouvait une émotion qu'elle connaissait peu : le doute.
Sa main se crispa sur le drap. Assez ! Tout cela n'avait aucun sens ! IL lui fallait se recentrer !
Alors, elle joignit les mains et commença à prier.
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