Un banquet cher les nains !

Mag était assis à l’une des tables au banquet organisé par les nains. Ils ne le portaient pas dans son cœur et il les comprenait. Ils avaient entretenu la peur dans leurs cœurs. La peur de cet être étrange qui reposait endormit dans ce tombeau au fond du lac.
Ils avaient été désignés comme gardiens de ce mausolée et avaient prêté serment de ne jamais l’ouvrir sous peine de voir ressurgir l’ombre des Anciennes Guerres. Les nains avaient beaucoup souffert durant plusieurs siècles d’une guerre sans commune mesure, liés à l’un des Douze par un ancien et stupide serment, les empêchant de se retirer de cet effroyable combat. Mag les avaient combattus, lui aussi. Ils en avaient tué beaucoup pour défendre son peuple. Il avait même failli être tué par un tueur de géant, à qui il manquait un bras. Il n’était arrivé à se sortir de son étreinte mortelle que grâce à ses pouvoirs surnaturels.

A sa droite, se tenait cette étrange jeune femme, Loreena. Etrange était le mot. Il avait de suite senti qu’elle était différente des autres humains présents dans la pièce. Elle n’avait pas été élevée par des humains mais par quelques choses d’autres. Il penchait pour des créatures des bois. Etrange. Il devrait approfondir cela plus tard.

Alors qu’il était perdu dans ses pensées, un brouhaha parvint à ses oreilles. Il tourna la tête vers la porte d’entrée de la grande salle d’où provenait tout ce bruit. Un attroupement s’était formé. Une trentaine de nains saluaient d’autres nains en se tapant fort dans le dos ou se serrant l’avant-bras à la manière des guerriers. Ces nouveaux arrivants différaient des occupants de la forteresse. Le symbole de leur surcot représentait une grande hache sanglante sur fond noir.

Az-Dreugi, se rappela Mag le Puissant. L’un des clans les plus forts et le plus ancien chez les nains.

Celui qui semblait être leur chef s’approcha de la table. Il portait le surcot traditionnel sur sa cotte de maille mais la hache dessinée avait des reflets d’argent. Pour un non-initié, cette infime différence passait inaperçue mais pour Mag, cela signifiait que le nouvel arrivant était un héritier du clan Az-Dreugi. L’heure était grave. Avant qu’il ne s’endorme, les clans ne s’entendaient pas. Ils passaient leur temps à se tirer dans les pattes. Qu’un clan envoie des renforts à un autre n’était pas chose rare mais dépêcher un héritier, même un second-né, c’était quasiment improbable. Les clans avaient du faire la paix ou trouver un compromis à leur rivalité.
Il avait dormi trop longtemps. Il faudrait qu’il se renseigne et vite.

Le chef des nouveaux arrivants s’avança seul à la grande table et salua de la tête.

« Salut à toi, Kalard Brise-lame, souverain de la forteresse du Lac Profond. De sombres jours se préparent pour toi et les tiens. J’ai vu l’armée qui assiège ton domaine. Vos chances de vaincre sont maigres. Mais il ne sera pas dit que le clan Az-Dreugi sera resté terré dans ses mines pendant que leurs frères nains se faisaient massacrer. »

Sa mine se fit plus grave.

« Mais ne te réjouit pas trop vite, mon frère. Nous sommes peu nombreux. Les skriggs et leurs démoniaques alliés ont prélevé un tribut très lourd parmi mes guerriers. Et je n’ai pu trop dégarnir mes mines de peur que nos ennemis en profitent. »

Mais son ton redevient jovial.

« Mais je t’amène quand même 500 haches prêtes à mordre la chair flasque et putride de nos ennemis. »

Le chef de la forteresse du Lac Profond se leva et parla d’une voix forte qui résonna dans toute la salle du banquet.

« Bienvenu à toi, Olvar Az-Dreugi que ta hache s’abreuve encore longtemps du sang de tes ennemis. Nos réserves sont maigres mais c’est avec plaisir que nous partagerons notre repas avec nos frères nains. Les prochains jours seront très sombres pour notre peuple. Mais la destinée nous a peut-être réservé encore pleins de surprises. Lorsque nous ne seront plus que poussière, les anciens conteront nos exploits en ces jours et sache qu’ils ne vous oublieront pas. Soyez les bienvenus ! »

Suite à la déclaration de leur chef, tous les nains présents dans la salle se levèrent et tapèrent leur chope d’étain sur la table, déclenchant un vacarme assourdissant qui résonna dans l’ensemble des tunnels de la forteresse du Lac Profond et qui devait s’entendre jusque dans le camp ennemi.

Olvar leva les bras pour faire taire le vacarme.

« Merci, merci beaucoup. Ce sera un honneur pour nous de mourir à vos côtés. Mais je dois d’abord vous présenter plusieurs de mes compagnons. Ils ont tenu à nous accompagner jusqu’ici. Ils mènent une étrange quête qui les menait jusqu’ici. »

Olvar se tourna vers trois étranges personnages. Le premier était un orque, au regard féroce. Il portait seulement un pantalon de cuir et une peau d’ours en guise de cape et se promenait pieds-nus. Son corps et son visage étaient recouverts d’étranges scarifications. Et ils portaient d’étranges gantelets avec quatre grandes griffes de métal rouge.

« Voici Thoros Griffes-rouges, un fier guerrier orque de la Horde de l’Ours. Banni de sa tribu depuis la venue du seigneur de guerre Morloch. »

Le grand orque salua.

La seconde personne était une orque, plus petite que son frère de race, et des traits beaucoup plus fins que ceux des orques. Pour un œil avisé, le doute n’était pas permis, elle était une sang-mêlée. Elle portait une tenue en cuir sombre et deux courtes lames à la ceinture. Et sa petite taille laissait entrevoir un arc accroché dans son dos. La chose la plus étrange était un gros chat sauvage qui la suivait partout. Il était maintenant collé à la jambe de sa maîtresse et cette dernière lui caressait le haut du crâne avec sa main gauche.

« Voici Miralas et son compagnon Sorsh. C’est une sans-tribu et une redoutable guerrière à l’épée. Croyez-moi sur parole, Je l’ai vu à l’œuvre. »

Le troisième personnage était un moine d’Enki. Portant le pantalon traditionnel de son ordre et seulement une cape pour se protéger du froid. Ses seuls biens étaient la paire de bracelets en argent qu’il portait aux poignets.

« Et voici Tarrik le Furieux, surnommé la Colère d’Enki. »

Kalard salua chacun d’eux.

« Soyez les bienvenus vous aussi. J’espère que vous trouverez l’objet de votre quête. »

Puis se tournant vers la tablée. Il présenta l’ensemble de ses récents invités, essayant de son mieux de les honorer par des mots ou des phrases les mettant en valeur.
Lorsqu’il arriva au tour de Mag, Olvar l’arrêta.

« Inutile de me le présenter (et se tournant vers le géant), je sais qui tu es Mag le Puissant. Les nouvelles vont vite dans nos tunnels. Je n’ai pas oublié que tu as le sang de beaucoup de mes ancêtres sur les mains. Sache que je respecterais les règles de l’hospitalité naine et que je ne tenterai rien contre toi. Mais dès que cette affaire sera réglée, je te défierai en duel et je vengerais l’honneur de mes ancêtres morts par ta faute. »

Mag le Puissant le salua de la tête.

« C’est tout à votre honneur, Olvar Grand Hache. Vos ancêtres étaient de grands guerriers et j’honorerai leur mémoire en combattant contre vous. »

Olvar salua à son tour et vint s’assoir à côté de Kalard Brise-lame, en gardant du coin de l’œil le géant.

Lorsque tous les nouveaux invités se furent attablés, le repas reprit de plus belle. Et pendant un instant, les assiégés oublièrent que dans les prochains jours, ils avaient rendez-vous avec la mort …