La rose des vents
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L'histoire d'un coeur...

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L'histoire d'un coeur...  Empty L'histoire d'un coeur...

Message  shortless Mar 13 Juil - 15:06

« Me gave le vieux, je m’casse ! » fit Jack, les bras derrière la tête, marchant dans un soleil couchant sur la belle ville de Rouage.

La colère l’envahissait tellement qu’il ne regardait pas où il avançait, suivant le petit chemin de terre qui le conduisait tout droit vers la civilisation. Enfin… bien grand mot puisque le jeune homme s’arrêta dans la première taverne qu’il croisât. « Du feu dans les entrailles » qu’elle s’appelle ; une taverne réputée autant pour ses bagarres que son alcool fort et sa bière peu chère. Lieu de vice le plus complet possible, il disposait de ses propres catins, salles de jeu, serveuses à temps plein et des plats consistants et pas trop fades à longueur de journée. En gros le paradis.

La bâtisse elle-même sentait l’urine, le tabac, la sueur et la viande chaude, mais il est incroyable de voir à quel point on s’y sentait bien. Essentiellement parce qu’en plus de tous les services énumérés, il y avait les filles, les vraies. Des serveuses très charmantes, vêtues de l’uniforme sexy de la boutique et le spectacle de danse sur scène. «
Comment le Duc n’avait il pas encore crée d’autres établissements comme celui-ci ? » se demandait Jack régulièrement.

Il y entra le regard dans le vide et heurta l’embrasure de la porte qui avait refusé de s’ouvrir complètement. D’un œil distrait il vit qu’il s’agissait d’un outre pleine. Un client qui avait trop bu quoi, et qui était tombé derrière la porte. Ce poivrot occupait la table juste derrière l’entrée, une place discrète, pas assez confortable et spacieuse pour deux, pas de fenêtre vers l’extérieur, juste ce qu’il fallait.

Jack attrapa le dormeur, le traina à l’extérieur où il l’adossa au mur. Il prit quelques pièces de cuivre dans la bourse du malheureux ; «
Pour service rendu mon gars, tu ne risqueras pas de prendre un mauvais coup comme ça. » Puis il retourna à l’intérieur, prit place à la table vacante. Une serveuse brune, dans la trentaine vint s’enquérir de lui au bout de quelques minutes. Elle avait tiré ses cheveux vers l’arrière et attaché via un morceau de ficelle. Ses épaules étaient assez musclées, et ses mains trahissaient une certaine force chez elle. Ses yeux noisette le regardaient fixement en attendant qu’il ouvre le bec. « Elle devait être mignonne il y a dix ans… » s’imagina-t-il, sans franchement y penser.

Il commanda une bière, un alcool fort et un tord boyau. Pas besoin de vin, ni de boisson raffinée, cela n’aurait fait que le mettre encore plus en rage. Il paya immédiatement lorsqu’on lui eut apporté sa commande. Une dispute commença dans le fond de la taverne alors qu’il sirotait son bock. Deux ivrognes dans la cinquantaine, peut être d’anciens soldats. D’abord des insultes, puis des bousculades et des coups de poings et de pieds maladroits, dignes de ces deux pochtrons. Des paris se lançaient, la musique s’enchainait au rythme des enchainements des deux protagonistes qui, l’espace d’un instant, devenaient l’attraction d’une trentaine de personnes avinées.

Une fois cela finit le calme retomba. Jack attaqua alors l’alcool fort : ce petit digestif de la région montagneuse proche méritait son petit nom d’eau de flammes. Sa vision se réduisait, les choses se déroulaient plus lentement qu’à l’accoutumée, mais ses mouvements devenaient imprécis. Il sourit, son strabisme se réveillant à cet instant sans qu’il s’en aperçoive bien sur. Il vida alors son galopin de gnole qui lui brulait la gorge puis les entrailles. Désormais il pouvait expliquer mieux que les médecins le trajet de la boisson dans le ventre… Il vérifia même s’il n’était pas lumineux en brulant de l’intérieur. Heureusement non.

Une main se posa sur son épaule, une main toute petite qui fit sursauter le grand gaillard. En se retournant, il vit que les meubles de la taverne se mettaient à se déplacer tout seul et il mit plusieurs longues secondes à focaliser son regard dans celui de la serveuse.

L'histoire d'un coeur...  Pantallazo02stuffjul072009

Jack la trouvait tout a fait à son gout et lui sourit béatement, la bouche légèrement ouverte. Elle aussi mit un temps à arrêter de bouger ses pupilles. Elles alternaient entre chacun des yeux de Jack. Tout en continuant son petit manège elle demanda à Jack avec une voix très douce :

- «
Excusez moi mais… je dois regarder quel œil ? »

Jack sentit comme quelque chose se briser en lui et qui le fit dessaouler dans l’instant.

- «
Alors premièrement, j’ai pas vingt cinq ans, donc j’aimerais que tu me tutoie pour pas me faire passer comme l’autre vioque d’Heinrich. Et ensuite tu regardes les deux yeux à la fois ok ! »

- « Oh ! Excuse-moi ! Je pensais que tu louchais ou que tu avais un œil de verre. Tu bois quelque chose ? » fit-elle avec des étoiles dans les yeux et un sourire éclatant d’insouciance.

Jack se sentait saigner de partout à l’intérieur… Elle est gentille, mignonne et tout, mais là elle abusait quand même ! Il ne louchait pas autant que l’autre tache qui lui sert de paternel. Cette seule pensée pouvait le faire bouder pendant des jours et la dernière fois qu’il s’est vu dans un miroir ainsi, il s’est ouvert le crâne suite à son propre coup de tête dans le dit miroir. Mais elle n’est pas méchante et après tout il faut être juste comme le dit Hei… «
Mais pourquoi il faut encore qu’il me prenne la tête ce débris ? Merde ! » s’énervait il seul.

- «
Je m’excuse de m’être emporté, ce n’est pas grave. Je vais prendre une autre bière pour moi. Je m’appelle Jack. Et je vous offre un verre contre votre nom et pour me faire pardonner. »

- « Lise. Je vais vous chercher ça. » lâcha-t-elle en se retournant pour aller chercher la commande.

Jack n’en revenait pas. Il se posa sur sa chaise, ses tempes commençaient à lui marteler le cerveau. Il mit la main dans ses poches, en sortit de quoi régler sa note et posa les yeux sur la salle en se forçant d’y voir au plus clair. Les mélanges d’alcool, c’est jamais bon, il le savait pourtant. Il lui sembla voir un début de bagarre, entre deux tables voisines cette fois. Deux groupes complètement anonymes à ses yeux embrumés. Ces bagarres sont les pires parce que parfois…

Il vit Lise revenir avec son autre bock, le gout de la bière lui revenant en bouche, comme pour l’écœurer. Bref ces bagarres sont dangereuse parce que les gars se… Il ne put détourner son regard de la jeune fille, ces paupières semblaient être fixées par une enclume, son sourire se faisant tout seul. Il essayait de se concentrer sur ce à quoi il pensait. Ces bagarres sont dangereuses parce que les gars se balancent des trucs à…

Il aperçut soudain un objet volant non identifié passer proche de Lise en direction de lui-même. Puis le trou noir…

*****

Il ouvrit un œil. Alors que des démons dansaient la sarabande dans sa tête, il vit au dessus de lui des … feuilles ? Il ouvrit l’autre œil, non sans douleur cette fois, et il en profita pour se redresser. Il se trouvait assis dans l’herbe, sous un arbre vert du printemps.

- «
Bon ben… heureusement que je suis mort, sinon ma mère m’aurait défoncé pour cette murge… » dit-il en se laissant retomber sur l’herbe les yeux fermés. Mais, alors qu’il heurtait le sol, résigné à passer le reste de sa mort à faire la sieste, un rire féminin lui parvint aux oreilles. « ahhhhh, la voix des anges, si douce… » se laissa-t-il bercer.

- «
Je crois que Morr t’a laissé une chance. Ou peut être est ce Shallya ? » fit la voix de Lise.

Serait-elle un ange en fait ? Jack faillit se frapper tout seul en constatant l’énormité de ce qu’il venait de se dire.

- «
Euh… Il s’est passé quoi là ? Je me rappelle de pas grand-chose depuis la taverne en fait… Une bagarre après t’avoir vue… mais plus rien après.»

- « Tu es sûr ? Parce que tu as été très gentil avec moi après ton réveil. » dit Lise en se rapprochant de Jack. Elle se pencha en avant sur lui, leurs visages se faisant face à quelques centimètres. Il pouvait sentir le parfum et le souffle de la charmante Lise sur ses lèvres alors que son cerveau essayait de se rappeler de la soirée sans avoir trop mal. Elle était encore souriante bien plus mignonne que dans son milieu professionnel.

Jack se décala et se remit sur ses pieds. Il avait encore son pantalon mais plus sa chemise et… c’était Lise qui la portait. Un peu paniqué, il regarda de droite et de gauche, nerveusement.

- «
Tu cherches quelque chose ? »

- « Euh… je cherche qu’est ce qui s’est passé hier soir… notamment qu’est ce que je fais là, qu’est ce que tu y fais toi aussi et pourquoi j’ai plus mes fringues quoi. Rien de grave ! » disait Jack, complètement perdu, une ironie teinté d’agressivité dans la voix.

- «
Oh euh… et bien tu as pris un tabouret sur le crâne, ce qui expliques le gros bleu sur le côté de ton visage. Les employés de la taverne t’ont amenés jusqu’ici à ma demande. Je suis resté avec toi un moment, puis au beau milieu de la nuit tu t’es réveillé. J’avais un peu froid, alors tu m’as passé ta veste et ta chemise et on s’est… un peu rapproché tu vois. » fit-elle en rougissant et en se frottant ses petites mains.

Jack se passa la main dans les cheveux ; Qu’avait-il fait par Ulric ? Il ne se souvenait de rien, et la seule chose à laquelle il pouvait se fier était le témoignage de Lise. Qu’avait-il bien pu lui faire ? Avait-elle aimé ? Lui avait-il fait du mal ? Un bref coup d’œil sur la jeune fille lui assura qu’il ne l’avait pas frappé au vu de leur différence de gabarit et de force. Et ce sourire ne veut pas dire qu’il ait été méchant ou mauvais avec elle… Et merde…

En proie à beaucoup plus d’émotions, de sentiments et de problèmes qu’il ne pouvait gérer, Jack mit sa veste sur ses épaules, se mit debout et se repéra vite fait. Puis il tourna la tête vers Lise

- «
Je suis désolé, mais je dois partir. »

- « Tu quoi ? Mais et… »

- « Je te laisse la chemise, fais en ce que tu veux. A plus » dit il en commençant à s’éloigner de la serveuse.

- « Mais tu ne peux pas partir… après ce que... tu as dit hier soir... Jack… [i] » La voix de Lise se perdait dans la brise et ses mots n’atteignirent que partiellement les oreilles de Jack, trop affolé pour faire autre chose que tourner la tête. Il vit qu’une petite larme s’écoulait de la joue de Lise et continua son chemin prestement vers sa chambre. Il fit la tronche pendant au moins une semaine.

*****

Après avoir boudé, dormi, frapper des murs etc… pendant une bonne semaine, Jack n’en savait toujours pas plus sur cette nuit là. Rien, même ce que lui avait dit Lise, il ne s’en souvenait pas. Pas une bribe, pas un flash, rien du tout. Il y avait toujours la possibilité d’aller voir Tonton Alucard, mais cette perspective ne l’enchantait pas trop. Il n’y avait rien d’autre à faire : il devait demander à Lise ce qui s’est exactement passé.

Il reprit le chemin de la taverne en fin de matinée, le 9ème jour après son réveil près de la jolie demoiselle. L’auberge était presque vide, les trois serveuses tournaient en rond quand Lise prit finalement un plateau et alla chercher une commande. Jack se plaça dans l’embrasure de la fenêtre et lorsqu’elle leva les yeux vers lui il lui fit signe de le rejoindre à l’extérieur.

Il attendit une poignée de minutes, mais elle ne vint pas, à son grand étonnement. Il se repositionna à la fenêtre, mais elle n’était pas dans la salle. Il héla une de ses collègues en lui demandant où elle se trouvait, mais celle-ci lui répondit qu’elle ne s’était pas présentée au travail aujourd’hui. Jack, très étonné, insista auprès de la serveuse. La discussion tourna court lorsqu’elle appela le videur ce qui fit lâcher prise au fils d’Heinrich.

Un peu sonné par cet épisode, Jack ne démordit pas de son idée et fit le tour du quartier pour repérer la sortie du personnel. Il attendit très longtemps avant de voir le charmant visage de Lise apparaître. Il prit une rue parallèle pour s’éloigner de la taverne, et il se posa dans le début de la rue suivante. Elle passa devant lui et s’arrêta net. Avant qu’elle n’ait le temps de dire quoi que ce soit ou de réagir, Jack dit d’une voix extrêmement sérieuse :

- «
On peut parler ? Et… Je suis désolé pour la dernière fois »

- « Et tu crois que j’ai envie de te parler ? Je préfèrerai piétiner ton cadavre !!! »

- « Je suppose que je le mérite… Et je ne me défilerais pas ce jour là mais… dis-moi au moins pourquoi ! »

- « Tu… tu… laisses moi ! » souffla-t-elle, comme si elle n’arrivait pas à articuler plus. Elle essayait de reculer mais Jack posa délicatement une main sur son épaule. La paluche recouvrait l’articulation quasi entièrement de la fragile jeune fille. « Je crois que tu m’as assez fait de mal comme ça non ? Ce n’est pas la peine d’en rajouter. Je ne veux plus te voir. »

- « Je suis désolé. J’étais beurré, je savais plus ce que je faisais, et si je t’ai blessé en te faisant l’amour, ben… j’ai pas fait exprès, voila ! »

- « Mais de quoi tu parles ? Tu ne m’as pas touché… » dit la jeune fille qui semblait retrouver un peu de contenance

Jack ouvrit de grands yeux. S’il n’avait pas couché avec elle, qu’est ce qui a bien pu lui arriver ? En tout cas il se sentait comme soulagé et dit d’une manière presque triomphale :

- «
Ben c’est déjà ça. On n’a pas commis l’irréparable au moins… »

- « C’est donc… ce que tu penses… de moi ?... Laisse-moi maintenant. Tout de suite, laisse-moi, je ne veux même plus entendre parler de toi. Si tu cherches ta chemise regarde dans une fosse à purin… » Lise se débattait et ses yeux magnifiques s’humidifièrent une fois encore tandis que Jack la laissait partir à travers la foule. Lui est resté là pendant une dizaine de minutes, à réfléchir à ce qu’il avait bien pu faire de déplacé.

Au final tout. Tout ce qu’il avait pu faire avec Lise avait été du niveau d’un fiasco total. Sauf ce qu’il ignore apparemment. Un peu désemparé, il erra dans les rues un moment avant de se trouver par hasard devant la taverne. Celle-ci était encore occupée. En y regardant par la fenêtre, il vit la serveuse de tout à l’heure, celle qui lui avait dit que Lise n’était pas là. Il entra, ne s’assit pas et se dirigea directement au comptoir. Dès qu’il put discuter avec la serveuse, il saisit la première occasion. Elle l’avait reconnu, ce qui se sentait aisément au ton haineux de certaines de ses paroles. Jack parla tranquillement pour exposer son point de vue de l’histoire. La serveuse prit le temps de l’écouter.

- «
Ecoute mon mignon, t’as vraiment fait de la merde là. Cette fille est adorable, et très jolie, aussi les garçons lui courent régulièrement après. Mais elle sait qu’ils ne le font que pour se faire mousser le créateur si tu vois ce que je veux dire. Ce qu’elle ne sait pas c’est qu’elle est jolie Elle se trouve moche, et que c’est parce qu’elle est serveuse que les clients la prennent pour une fille facile. Même si c’est le cas pour certains, elle ne cherche pas vraiment ce genre de gus. Trop sensible pour ce monde faut croire. Alors que ca fait du bien de temps en temps un petit coup de… bref.

Toujours est il qu’elle nous a raconté que le soir où elle t’avait ramassé, tu t’étais conduit en vrai gentleman avec elle. Tu lui avais même offert ta chemise et ta veste pour qu’elle n’ait pas froid. Et quand elle s’est collée à toi pour se réchauffer, tu l’as tendrement prise contre toi et tu t’es endormi ainsi. Tu vois le genre d’histoire qu’on trouve dans les contes de fées ? Ben pareil.

Ensuite, je pense que quand tu as appris qu’il s’était rien passé, ta réaction a été mal interprété, mais ça se comprend, ça se comprend… Elle a du se dire que tu la trouvais moche, quand t’as dis l’irréparable je sais pas quoi là… Le cœur d’une jeune fille est si délicat. En revanche le mien est moins sensible si tu veux en profiter un peu ! » Et la serveuse agita ses seins tombant et ridés devant les yeux impassibles de Jack. Cette vieille ne l’intéressait pas, il était focalisé sur Lise et sur l’enchainement improbable de ses propres âneries…

- «
Euh non désolé, j’ai pas le temps… Vous sauriez pas où je peux la trouver par hasard ? »

Elle lui indiqua la chambre que Lise louait, un peu plus loin. Jack s’y précipita. La rue était longue mais pas forcément peuplée. Alors qu’il arrivait en vue de la maison, il vit la silhouette inimitable de la jeune femme qui s’engouffrait dans une ruelle qui donnait vers la rue principale. Elle portait sur son dos un… sac ? Jack courut au plus vite pour ne la rattraper qu’au niveau des portes de la ville.

- «
Qu’est ce que tu fais ? » dit Jack, essoufflé.

- «
Je t’avais dit que je ne voulais plus entendre parler de toi. Alors je quitte la ville, pour un temps du moins. Pour l’heure c’est trop dur. »

- « Mais tu va faire quoi ? »

- « T’oublier Jack… » termina-t-elle en se dirigeant vers le soleil couchant, le même que celui qui avait accompagné Jack quelques jours plus tôt.

Jack la regarda s’éloigner longtemps, jusqu’à ce qu’elle passe de l’autre coté de la butte devant Rouage. A un moment il crut apercevoir un morceau de tissu dépasser de son sac. Un bout de tissu qu’il reconnut facilement… Mais qu’est ce que sa chemise faisait là ? Une erreur ? Un bien ou un mal ? Il valait mieux ne pas y penser. Mieux il lui fallait oublier ce détail…

- «
Une fosse à purin hein ?... »

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