Promenade nocturne

Antoine s'avançait prudemment, telle une ombre, entrant dans un épais taillis. De cette cachette, il pouvait voir les aller et venus des garde sans risquer de se faire repérer.
Jusqu'à maintenant tout n'avait été qu'un jeu d'enfant. Il connaissait les rondes, la disposition des bâtiments, les lieux plus sombres et discrets... Le jeune noble était fier de lui-même. Tout se passerait sans encombre et son premier repérage portait ses fruits.
Tout ceci n'était pas très digne d'un spadassin, ni d'un homme de son rang et de sa qualité mais le De La Mothe en avait cure ce soir là.

Les gardes hors de vue, Antoine sortie sans un bruit de sa cachette, tourna à un angle de bâtiment puis entra dans une autre partie de jardin. Des fleurs de toutes sortes y poussaient. Magnifique! Mais quel camouflage exécrable...
Il longea les bâtiments, l'oreille à l'affût du moindre bruit, s'arrêtant au moindre mouvement suspect. Fort heureusement, et à son grand soulagement, il pu arriver sous la fenêtre tant désirée sans être dérangé par autre chose que les bruits nocturnes.

La pierre nue du mur ne permettait pas l'escalade; enfin pas aisément pour une escalade à la lumière de la lune. Dans les histoires il y avait au moins du lierre... tant pis, il faudra faire avec.
Antoine cueilli alors une des fleurs du jardin (qu'il pensait jaune mais comment en être certain?), la fixant dans le ruban de sans chapeau. C'est avec cette unique note de couleur qu'il entrepris l'escalade de balcon.

Malgré quelques difficultés, Antoine parvint à se hisser sur le balcon. En bas, il pouvait entendre passer la garde de la résidence. Qui sait ce qu'ils feraient de lui s'ils l'attrapaient ?
Devant lui, la fenêtre qui menait aux appartements était ouverte. Comme on pouvait y voir de la lumière, son occupant ne devait pas dormir.

Mais était-ce donc le bon balcon ?

Il ne devait pas faire sursauter l'occupante de la chambre au risque de se faire prendre mais ne pouvait pas non plus parler à cause de la proximité de la garde.
Antoine jeta donc un oeil à l'intérieur de la chambre, élaborant le meilleurs moyen d'effectuer son entrée.

A travers la fenêtre, le jeune montaginois aperçut la silhouette d'une frêle jeune fille. Un visage à peine sorti de l'enfance, un corps d'une minceur de roseau, elle portait une chemise de nuit à la mode castillane qui la couvrait jusqu'au cou.
Antoine en était sûr, il s'agissait bien de doña Penelope de Ontiveros.

Présentement, elle était allongée sur son lit, en train de lire un opuscule dont le jeune homme ne pouvait distinguer le titre à cette distance.

Antoine entra dans la chambre le plus silencieusement possible de peur de faire sursauter la jeune noble. Puis, autant pour attirer l'attention de doña Penelope que pour atténuer les bruits de voix pouvant être perçus depuis le jardin, referma doucement la fenêtre du balcon.

Interrompue dans sa lecture, la jeune fille sursauta.

- Qui est là ?

Puis, apercevant Antoine, elle se rasséréna.

- Ah, c'est vous, sourit-elle. Vous êtes pile à l'heure, señor.

_"Vous faire attendre aurait été un affront inexcusable envers votre noble personne, répondit Antoine d'une large révérence."

Le spadassin profita de ce mouvement pour juger la pièce ainsi que les affaires de la jeune noble. Il n'était pas certain des raisons qu'il l'avaient poussées jusqu'ici. Ce bref passage en revue lui permettrait de ce faire un premier avis sur son interlocutrice.

La chambre n'était pas très luxueuse. Antoine pouvait juste y voir un lit simple, un bureau et quelques étagères croulant sous les livres. Sur le bureau reposait un vieux jeu de tarot aux cartes usées.

- Voulez-vous quelque chose à boire, monsieur ? demanda Pénélope.

Elle semblait nerveuse. Ce devait être la première fois de sa vie qu'elle se retrouvait seule avec un homme qui n'était pas de sa famille.

_"C'est si gentillement proposé. Je ne peux décemment pas refuser, conséda-t-il"

Dès que la jeune fille tourna le dos, Antoine en profita pour jeter un oeil sur les lectures de celle-ci... et plus particulièrement sur le livre qui retenait son attention lors de son attente.

_"Vous n'avez pas l'air d'être le bien le mieux protégé de cette maison. Il est si simple d'entrer ici, ajouta le spadassin, un sourire aux lèvres mais sans aucune condescendance, ne l'exprimant que comme un simple fait. Rendre visite à votre soeur aurait été presque insurmontable."

Puis, d'une manière un peu plus dramatique: "Une fleur négligée dans un si beau jardin... mon coeur en est blessé d'indignation."

Il jouait là un jeux dangereux. Antoine risquait de se retrouver à la porte si ses propos provoquaient un affront trop grand vis-à-vis de la jeune fille. Mais il espérait qu'en s'intéressant à son cas et en touchant dans le mille il pourrait entrer dans les bonnes grâces de doña Penelope.

La jeune fille rougit intensément.

- M...monsieur... balbutia-t-elle. Je vous trouve vraiment très... entreprenant !

Elle se rassit sur le lit et, pour se donner une contenance, fit mine de regarder les pages d'un livre. Surmontée du titre "Les amants de la Ultima Muralla", la couverture montrait un couple debout sur une haute muraille et qui regardait des armées aux couleurs de la Montaigne s'avancer. Penelope fit mine de s'y intéresser, avant de remarquer qu'elle le tenait à l'envers et de le balancer nerveusement sur le côté.

La jeune fille leva les yeux vers Antoine.

- Alors, cela vous a-t-il été si simple de parvenir jusqu'à moi ? demanda-t-elle d'une petite voix.

_"Rien qui ne me sois impossible, répondit Antoine d'un air qu'il voulait énigmatique. Votre père vous aurez caché dans le plus profond des donjons que j'aurais su vous trouver."

Puis d'un air plus sérieux, il ajouta: "Rien n'est impossible à celui qui a la volonté de réussir."

Le spadassin savait pertinemment que cette dernière phrase ne voulait pas dire grand chose. Mais ce devrait être suffisant pour épater une jeune fille ne connaissant le monde qu'au travers du prisme de la littérature romantique.

La jeune fille s'illumina.

- C'est vrai ? Alors, peut-être... Peut-être pourrez-vous venir à mon secours...

Elle tourna vers lui de grands yeux suppliants.

- Vous qui êtes si volontaire...

_"Votre serviteur, répondit spontanément Antoine, effectuant une parfaite révérence."

Bien qu'il ne laissait rien transpirer de ses pensées, le spadassin sentait venir les problèmes... il ne lui était pas venu à l'idée que la jeune fille est pu organiser ce rendez-vous pour que, lui, l'aide... il espérait plutôt révélations et confidences. Qu'à cela ne tienne, il fera avec.

Antoine attendit, un sourire bienveillant aux lèvres.

- Eh bien, voilà, fit Penelope en détournant le regard, je n'en peux plus de vivre ici. Je ne suis qu'un objet entre les mains de ma famille !

Elle fixa sur Antoine un regard implorant.

- Si seulement un preux chevalier pouvait m'en sortir...

_"Sortir? Simple. Mais pour aller où? Pour quitter l'influence de votre père il faudra quitter Altamira, voire même la Castille..."

Antoine se servie un verre qu'avait apporté la jeune fille, il ne savait pas vraiment ce que c'était comme alcool, si s'en était, mais sans chercher à comprendre le but tout d'une traite... les affaires prenaient une tournure difficile mais pas insurmontable.

Puis il repris d'un air désolé:
_"Je crains malheureusement que le danger ne devienne plus grand si je vous emmenait avec moi. De plus, où vous cacher? Je ne puis quitter la ville... Et si vous y restez, c'est ici que vous serez la plus en sécurité."

La jeune fille secoua la tête.

- Alors, ces grandes déclarations, ces "quand on veut, on peut", ce n'était que des vantardises ? lâcha-t-elle, dépitée. J'ai eu tort de placer mes espoirs en vous, monsieur. Vous n'êtes qu'un beau parleur, pas un héros.

Elle se leva et alla jusqu'à la fenêtre.

- Vous devriez me laisser, à présent.

Malgré ces menaces, Antoine ne broncha pas.

- Vous m'avez mal compris, répondit tristement le spadassin. Il n'était simple de venir à vous que parce que j'avais préparé ma venue... Ronde des gardes, disposition de la maison, emplacement de votre chambre, rien n'a était laissé au hasard. Si je vous emmène maintenant, votre père vous récupérera aussitôt et vous enfermera d'autant plus.

Le jeune noble s'approcha alors du balcon, se faisant une idée des mouvements des sentinelles.

Puis il ajouta d'un manière plus passionnée:
- La réussite de cette action dépendra de sa préparation. Nous devons être malin et non impulsif. Il n'y a que dans les livres où je pourrais directement aller défier votre père pour obtenir votre liberté.

- Ce que je vois, monsieur, c'est que vous me faites des promesses au lieu d'agir, commenta-t-elle amèrement.

Elle s'écarta d'Antoine et se rassit sur son lit, les mains jointes sur son jupon.

- Et que me proposeriez-vous donc ?

Antoine referma la fenêtre du balcon avant de répondre:
- Je vous préviens tout de suite, je ne pourrais malheureusement pas entretenir votre train de vie.
"Par contre je peux facilement, et à votre convenance, vous faire passer pour quelqu'un du commun. Peu de gens peuvent s'enorgueillir de connaître votre doux visage à part votre famille, ce qui vous permettra de vivre quasiment normalement à Altamira."

Le spadassin se resservit un nouveau verre et devant le silence concentré de la jeune fille continua:
- Je ne pourrai pas vous cacher chez moi. A cause de mes accrochages fréquents avec l'Église, ils surveillent mon logis dans le but de me faire tomber. Bonne chance à eux ! On verra plus tard pour le lieu de votre retraite mais voyons déjà ce que nous pouvons faire... Il y a la possibilité de vous trouver un travail, mais cela ne correspond pas à une dame de votre qualité. Je peux aussi vous faire entrer à la guilde des spadassins et ainsi vous protéger à tout moment...

Le noble ne se sentait pas convaincu par ses propres paroles. Aucune de ses propositions ne pouvaient convenir à la jeune fille -enfin le croyait-il.

Puis son visage s'illumina:
- Cela vous siérait-il d'aller à l'université ?

Le visage de la jeune fille se rembrunissait au fur et à mesure des propositions d'Antoine. Apparemment, elle semblait se reprocher de l'avoir invité chez elle...

Cependant, à la mention de l'université, son visage s'éclaira :

- A la Universidad de Arciniega ? s'exclama-t-elle en battant des mains.

Mais son enthousiasme retomba la seconde d'après.

- Mais qui va payer pour cela ? Et l'université est un endroit public ! Mes parents n'auront aucun mal à me retrouver !

Antoine s'assit à côté de la jeune fille avant de commencer son explication:
_"Vous n'êtes pas quelqu'un qui parait souvent en public. De ce fait, c'est surtout votre nom qui vous trahirait. Habillée et coiffée différemment, seuls vos intimes pourraient vous reconnaître.
"Est-ce que des gens qui vous sont proches vont a cette université? Et avez vous déjà demandée à votre père de vous laisser y étudier?


HRP: Cette université enseigne quoi? Ai-je une idée des frais d'inscription?

La jeune fille s'éloigna sur le lit, ne goûtant visiblement pas cette proximité.

- Non, je n'ai jamais dit à mes parents ni à personne que je voulais aller à l'université. Mais, si on me cherche, l'université sera un des premiers endroits où ils iront. Et alors, comment me protégerez-vous ?

HRP : https://rosedesvents.forumpro.fr/les-secrets-de-la-7eme-mer-f64/les-lieux-d-altamira-t2010.htm?sid=6be3b166b9f32f26038ea7c6831fcdff#24763
A ton avis, ça peut aller jusqu'à 10 guilders par semestre.

_"Si personne ne vous connaît à l'université vous n'y courrez aucun danger, répondit Antoine avec assurance. Et la meilleure chose à faire pour que vous n'y soyez pas recherchée serait que quelqu'un vous enlève. Dans cette éventualité ce n'est pas une jeune fille libre d'aller et venir qu'ils chercheront."

Sur ce, Antoine soupesa cette dernière idée.

_"Votre père doit avoir de nombreux ennemis. Il suffira de ce faire passer pour l'un deux, repris le spadassin se fendant d'un large sourire."

Penelope commença à évaluer et finit par esquisser un sourire.

- Peut-être que cela peut marcher, effectivement.

Elle se leva et alla jusqu'à son écritoire.

- Mais comment mettrez-vous en place ma fuite ?

_"L'enlèvement sera le plus difficile à mettre en oeuvre. Mais avant tout je dois vous trouver un logement décent et préparer votre inscription -si possible à une date antérieure à votre enlèvement."

Antoine se leva, commençant à arpenter la chambre de long en large.

_"Le message n'aura pas besoin d'être signé, reprit-il... Où alors pourquoi pas par quelqu'un de légendaire... Nous créons de toute pièce un homme mystérieux qui enlèverait des jeunes filles à Altamira. Pourquoi pas l'Homme des Marais. C'est à creuser..."

Puis se figeant soudainement au centre de la pièce:
_"Je ne sais pas ce que vous en pensez mais je préfère la lettre anonyme... après nous pourrons toujours faire courir des rumeurs. Pour l'enlèvement proprement dit, je reviendrais dès que tout sera près pour vous accueillir. D'ici là, il faudra que vous vous inventiez une histoire crédible où, si possible, je puisse être, d'une manière ou d'une autre, inclus. De cette manière je pourrais vous aider sans éveiller de suscitions."