La rose des vents
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Textes et récits du Gabier d'empointure

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Message  John Long Silver Lun 8 Avr - 15:43

Voici quelques nouvelles que j'ai écrites il y a, en vérité, assez longtemps. J'espère toutefois qu'elles sauront, si ce n'est vous plaire, tout du moins vous distraire. ( certaines ont été publiées à de petit tirage dans des revues et recueils collectifs ). Bien à vous. John Long Silver




------------------ Robert ------------------------------



Bonjour . Moi c'est Robert . Je suis un ours brun des Pyrénées . Je mesure 2,20 mètres lorsque je me dresse sur mes pattes arrières , j'ai 19 ans et je pèse 300 kg . Bref je suis plutôt bien fichu de ma personne si l'on peut dire . Je suis d'un naturel chaleureux et amical et ,en général ,mes voisins ne se plaignent pas de moi .Si je m'adresse donc à toi , cher ami , c'est pourtant que quelque chose me turlupine et me dérange : cet ennui fâcheux s'appelle Gustave . Il est vieux , moche , poilu et il pue , bref tu l'aura deviné , c'est un humain . Un humain certes mais pas n'importe quel humain . Un de ceux de la pire espèce ; un chasseur . Oui , je te fais pas un dessin , c'est le genre d'individu à se recréer la guerre du Vietnam dans le bois communal avec , dans le rôle du bombardier au napalm , lui-même ( je veux dire Gustave himself ) et dans celui des vietminhs dessimés les rouge-gorges du coin . Alors , tu me diras , pas de quoi fouetter le chat de la boulangère , ce bon et ronronnant minou, le bien nommé Baquette-tranchée ( il est blanc avec des stries rousses sur le dos ) , et bien si justement ! Parce que depuis quelques temps Gustave a la folie des grandeurs . Les conflits d'Indochine ne lui suffisent plus , il passe à la troisième guerre mondial . Les moineaux et autres volatiles sylvestres ayant quasiment disparus , une idée sournoise naquit dans son vil esprit : il veut ma peau ! Déjà André , le sanglier du canton , m'avait prévenu la semaine dernière mais je n'avais alors pas pu le croire : notre ami Gustave changeait de tactique . Il examinait le sol et relevait des empreintes ; mes empreintes ! Tout était normal dans ma vie et je n'aspirais qu'à la quiétude du repos indolent qui sied à mon caractère mais voilà , les envies belliqueuses d'un hominidé dégénéré perturbent tous mes projets . Et encore je ne vous ai pas tout dit . C'est que Gustave n'est pas seul ; il est accompagné ! Par quatre pattes et une cervelle atrophiée : Napoléon , son fidèle et oh combien stupide berger allemand . Ce n'est pas tant que cela représente une menace importante : ledit bestiaux finirait vite en hot-dog si d'aventure il croisait ma route , mais enfin cela me ferait renoncer à des convictions qui me sont chères . Je suis en effet pacifiste . Ne ries pas , c'est tout ce qu'il y a de plus véridique . Je n'aime pas la violence . Ça m'ennuie .
Donc lundi dernier j'aperçois au loin les deux acolytes errant parmi les futaies . Je dis errant car c'était vraiment une déambulation zigzatatoire qui les animait . Gustave à en effet le verre de rouge aussi facile que la gâchette . En un mot il picole sérieux . Seulement voila, lui aussi a quelques petites contrariétés dans l'existence : Germaine , sa tendre et dévouée, s'est mise en tête de le faire lâcher le litron , de le mettre à la diète . Mais , fidèle adepte de Bacchus , l'animal a vite trouvé la parade . Il a équipé Napoleon d'un tonnelet ; le même que celui des saint-bernards sur les pistes de skis . Le prétexte des gelées d'octobre à venir avait bon dos ! ( d'autant que nous en sommes encore à la fin du mois d'aout ) . Mais toujours est-t'il que cela choqua nullement Germaine et que celle-ci n'opposa qu'une faible résistance de principe . Comme quoi l'amour rend vraiment aveugle .
Ainsi mes deux compères , à titre préventif sans doute , avaient vidé une bonne moitié du récipient dés le premier tournant . Chaque cause entrainant un effet, leurs libations avaient amené des conséquences fort visibles et audibles . Une chanson des plus dissonante vint ainsi malmener mon ouï : «  Buvons un coup , buvons en deux , à la santé du roy de France et merde pour le roi d'Angleterre qui nous a déclaré la guerre ! » . Bien que cette ritournelle ne nous soit pas entièrement étrangère et que son étude eut pu se révéler , a titre ethnologique du moins , relativement intéressante , son exécution présente ne nous sembla pas mériter un plus ample examen .
De toute manière Gustave coupa court à mes réflexions car , ( et c'est un miracle que je ne m'explique encore pas ) , il m'aperçut alors malgré la distance et s'écria : « Bonaparte ,regarde , un Chevreuil ! ». Moi qui ai le tour de taille d'un buveur de bière bavarois ! Toujours est-il que le dit molosse se précipita dans ma direction l'écume aux babines et tout crocs dehors : ses origines teutonnes devaient certainement expliquer sa forte résistance à la boisson , ai-je eus juste le temps de penser . Comme la distance diminuait rapidement je n'eus d'autre choix que de prendre mes pattes à mon cou ( ce qui n'est pas très facile à faire lorsqu'on s'enfuit , convenez-en ) . N'en ayant donc plus que deux d'actives , le belliqueux cabot gagnait dangereusement du terrain. Mais , Fort heureusement, c'est alors que j'aperçus en tournant derrière un taillis un vieux tronc d'arbre mort et creux . Courage , fuyons ! Je me précipitais sur le havre salvateur et déclarais en moi-même retraite . Toutefois mes espoirs furent de courte durée car à peine eu-je le temps de reprendre mon souffle que je sentis une vigoureuse mâchoire se refermer sur mon mollet qui dépassait. Si vous voulez une équivalence humaine, c'est tout à fait analogue a la titillante morsure du moustique affamé qui vous assaille durant les lourdes nuits d'été. Bref une situation notoirement horripilante. Là, tout comme vous l'avez fait avec votre chausson claqué au plafond dans son soulagement manifeste, j'ai réagi. J'ai dévoré Napoléon . Tonneau compris .d'où les fâcheux déboires qui en découlèrent car, mon fragile organisme n'étant habitué qu'a l'eau de roche la plus pure , je ressenti les effets du poison dans une fulgurance immédiate. Je me retrouvais ainsi dans une situation des plus critique : incapable de fuir je venais de plus de renoncer à mes paisibles convictions tout en déshonorant passablement la noblesse et la classe qui , normalement , caractérisent les individus de mon espèce .En un mot j'étais mal barré ou, si tu préfères, la chienlit et le marasme présents prenaient des allures de berezina. Malgré cela , et à l'encontre de tout attente, mon brillant intellect d'oursidé reprit dans un dernier sursaut le dessus : je me décidais à jouer le tout pour le tout. En effet les appels du maître de mon malheureux en-cas se faisaient de plus en plus pressants et retentissaient avec des échos tragiques sous la voute sylvestre. Ayant eu une bonne aperçue de la capacité de discernement de Gustave , je rassemblais mes ultimes forces et sortie du fourré et tentant d'imiter tant bien que mal l'allure et la démarche du défunt Bonaparte. Il faut croire que cela s'avéra concluant car notre chasseur poussa un crie de joie lorsqu'il me vit. Sans doute son alcoolémie et sa cataracte naissante n'y étaient pas totalement étrangères... Moi , tu me connais, je suis une bonne âme et c'est plein d'un coupable remord que je me laissais gratter la tête et flatter les flancs . Je poussa même , par compassion et charité, un ou deux glapissements du meilleur effet. Gustave s'exclama alors :
« c'est ça, tu n'oses pas me le dire Napoléon, mais tu l'a manqué ce chevreuil ? Non, je suis sûr que tu ne l'a pas raté simplement ce n'était pas une proie digne de toi, voilà tout. Toi , tu comprends, tu es fait pour le sommet de la chaîne alimentaire, pour les grosses proies contre lesquelles tu pourras mener un combat digne de l'entrainement que je t'ai donné . Un chevreuil ? Mais tu as eu raison de le dédaigner ! Ce qu'il te faut c'est cet ours qui rode dans le canton et dont je t'ai déjà parlé ; tu n'en feras qu'une bouchée bien sûr mais cela te distraira. Ensuite on posera sa peau devant la cheminée et alors , he bien Germaine ne pourra plus nous traiter de dissolus et de dépravés ! ».
En réponse à cela j'émis encore un jappement d'assertion puis, n'ayant d'autre solution, j'emboitais le pas à mon maître provisoire. Il fallait le voir bomber le torse et gonfler les biceps rien qu'à l'idée de ma futur transformation en carpette ! Son esprit allant vite en besogne, il se croyait à chaque pas plus héros qu'au précédent et déjà le simple projet était devenu réalité. C'était sûr il avait triomphé, vaincu et en était convaincu. Tel saint George victorieux du lézard il rentrait nimbé par l'auréole du demi-dieu à la tâche accomplie. Les champs de l'Élysée divin l'attendaient regorgeant de bières fraîches et de saucissons ! Ma tête trônerait dans le troquet de Gaston sur un beau socle en bois peint avec une petite plaque dorée en dessous où serait gravé « à Gaston et Napoléon, le village reconnaissant pour avoir été délivré de la bête ». Mais, tout en formant ces beaux desseins, nous étions arrivés chez Gustave . Heureusement Germaine était absente et était allée prendre le thé chez la voisine du dessous. Notre homme, fatigué par ses exploits imaginaires n'en pouvait véritablement plus .
A peine posa-t'il son fusil et sa besace à terre, me désigna-t'il avec une indécision lente un coin de la pièce qu'il s'effondra sur le sofa. Maintenant vois-tu je ne sais quoi faire:
Je suis en ce moment même dans le panier de Napoléon en train de ronger son vieil os à moelle et Gustave dort à 3 mètres de moi ; alors dis-moi, comment dois-je réagir ?



Une nouvelle de Kev Long Silver, second cercle des Gobliners, Grenoble
Fin .





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A TABLE !



I.
2147 après JC . La terre est devenue un immense vivier humain . Plus de vingt milliards d'individus foulent son sol , y habitent , y travaillent, y dorment et surtout y mangent . Pour répondre aux besoins en nourriture sans cesse croissant la science a dut trouver des solutions : la famine menaçant du fait de l'augmentation de la population les dirigeants des grandes puissances se sont vus contraints de considérer des alternatives à l'agriculture traditionnelle et à l'élevage sous peine de voir la planète se transformer en une gigantesque usine alimentaire . Manger de la viande se révéla un luxe extrêmement onéreux . Les animaux sauvages menaçaient d'extinction . Bref il fallait réagir . Pour parer a tous ces problèmes une réponse fut avancée , l'alimentation de synthèse . C'est a dire la lyophilisation ,les poudres et pâtes , la productions de substituts de repas qui par nécessité se transformèrent vite non plus en substituts mais en plats principaux .
Pontus se levait donc gaillardement ce matin de 25 décembre pour manger sa part de poudre de noël au parfum buche au chocolat et marron glacé . Bien sûr en réalité il s'agissait toujours de la même base proteinée et vitaminée que la FAN , la firme alimentaire national , distribuait chaque année mais , étant donné qu'il n'avait jamais connu autre chose depuis ses premiers pas , cela ne le révolta pas outre mesure . Au contraire il éprouva même un intense plaisir a en aspiré goulûment les moindre particules avec sa paille fibroscopique . Oui , décidément , cette fois-ci ils avaient fait très fort avec ce nouvel arôme . Ensuite il replia l'ustensile et le rangea soigneusement dans son étui portatif car c'était un outil indispensable à toute absorption alimentaire . En effet l'homme , être qualifié par certains d'intelligent , s'était adapté avec une grande vitesse à ce nouveau milieu naturel . Il avait évolué : les dents devenues inutiles avaient disparues en quelques générations seulement laissant place à des gencives roses uniformes .cela s'était vite révélée comme le crédo de beauté universelle et il ne se trouvait plus personne pour s'en émouvoir . Le sourire des tops modèles en première page avait été de ce fait légèrement modifié mais l'essentiel était que maintenant tout le monde pouvait manger , engloutir , ingurgiter sans limite et avec la conscience tranquille : la fabrication chimique de ces différents mets était assurée pour l'éternité . Les produits étaient effectivement totalement élaborés à partir de déchets ménagés et là , il n'y avait pas de risque de pénurie . Cela valait bien un petit sacrifice .
Certes il y avait naturellement eu des mécontents au début . Parmi eux les dentistes tinrent un rôle de tout première ordre car leur profession perdait d'une certaine manière son fond de commerce . Toutefois , après concertation , une entente fut rapidement trouvée : le noble métier de gengiviste vit le jour et tout le monde fut satisfait . De même les grandes chefs étoilés émirent quelques honnêtes protestations mais lorsqu'on leurs laissa le choix entre devenir une espèce fossile , empaillée au muséum d'histoire naturelle , ou devenir ingénieurs dans l'élaboration des parfums , colorants et saveurs ils se rallièrent comme par magie .
Voilà donc les raison pour lesquels Pontus était très attristé parla protubérance blanche qui jaillissait de la demi-lune rose magenta barrant son reflet lorsqu'il se regardait dans la glace de la salle de bain .Oui , c'était une calamité , un drame sans précédent , une tragédie mais Pontus avait une dent. Incontestablement . C'était de naissance . Les médecins et chirurgiens lui avait de plus intimé de conserver ladite disgrâce car elle se révélerait peut être un sujet d'étude intéressant pour les archéologues . En vérité , et il l'avait deviné par la suite , c'était tout simplement parce que plus personne ne possédait la technique adéquate . Rendez-vous compte ! Une dent ! Autant dire une écaille de diplodocus ! Pontus en avait été malheureux toute son enfance , son adolescence et sa vie de jeune adulte : on l' avait appelé le cromagnon dans les cour de recréation , il faisait peur aux filles , il était systématiquement repoussé dans les entretiens d'embauche ... .Et pourtant si on omettait ce détail c'était un beau jeune homme de 25 ans , brun , hâlé , les cheveux blond vénitiens . Rien n'aurait dût le distinguer des adolescents attardés qui arpentaient les rues ...
Pontus , on ne sait pourquoi , rompit cependant ses habitudes et contre toute attentes , alors que cela était tout a fait étranger à ses coutumes matinales , alluma le poste de radio gouvernemental que le service postal national lui avait distribué lors de son emménagement . Il trainait là , dans un angle empoussiéré de la pièce depuis plusieurs années mais , mut par une volonté inconsciente il en tourna l'interrupteur .Immédiatement , le triomphe de la technologie opéra , une publicité pour lésive retenti dans tout l'appartement. Elle fut cependant interrompue par une série de bips sonores intempestifs qui se transformèrent bientôt en une voix de baryton emprunt d'une panique mal dissimulée :
«  mesdames ,messieurs une alerte spéciale vient de nous être communiquée . Selon certaines rumeurs les fidjiens auraient lancé une attaque nucléaire d'une très grande ampleur contre le territoire des états européens unis voilà quelques minutes . Ceci n'est en aucun cas un canular et il est ordonné à tout les citoyens de ce rendre dans .. » à cet instant la transmission s'interrompit d'un coup sec . Un peu comme le bruit d'une tapette à mouche heurtée violemment contre une table en chêne massif . Un grésillement de sinistre augure suivi . Pontus n'eut réellement pas le temps de comprendre ce qui se passa ensuite . Une vague de flamme , de cendre et de feu déferla tout autour de lui faisant exploser ses fenêtres . Le sol se fissura , les bâtiments que l'on apercevait à l'horizon vacillaient et s'écroulaient comme s'ils avaient été des constructions en lego qu'un enfant colérique eu balayé de la main .Le jeune homme sentit tout a coup l'impact de son plafonnier lui tombant sur le crâne et perdit connaissance .

II.
28 Juin 2148 : La civilisation humaine n'est plus . Des immenses mégalopoles et des complexes urbains de jadis rien ne subsiste . Tout à été rasé par les missiles fidjiens . Ceux-ci en effet avaient pris tout le monde de court par leur attaque surprise . Depuis peu une hostilité croissante s'était installé entre les célèbres îles de l'hémisphère sud et les grandes puissances mondiales : c'est qu'on venait d'y découvrir le dernier gisement pétrolifère encore exploitable ! Les convoitises s'exacerbèrent rapidement au dernier degrés . Les propositions de rachat n'aboutissant pas certains parlèrent alors même d'invasion et de prise de contrôle du territoire mais personne , non personne n'avait imaginé un tel dénouement ! En réalité les fidjiens , sentant les menaces à leur encontre s'accumuler , avaient installé dans la plus grande hâte un système de défense nucléaire satellitaire : copiée sur des plans américains volés dans les années 2000 l'arme était très loin d'être fiable . Un malheureux écart de route d'un torpilleur britannique avait déclenché toute la catastrophe . Entrainé dans l'engrenage infernal les ogives étaient parties activant du même coup toute la panoplie militaire des territoire concernés . S'en était suivi une boucherie effroyable qui avait conduit à la situation actuelle . Quelques peuplades bien sûr avaient jusqu'alors survécu mais leurs effectifs périclitait irrémédiablement car les stocks de vivres étaient de plus en plus difficiles à dénicher parmi les décombres . Pontus faisait parti de ces quelques miraculés . Il avait été protégé des débris par la baignoire de son voisin du dessus qui l'avait inespérément recouvert . Aujourd'hui il marchait avec ses compagnons de fortune dans un champs de ruines pulvérisées mut par une faim à chaque instant plus pressante .les découvertes se faisaient de plus en plus rares . Ils étaient tous décharnés et agars . Tributaires de la nutrition industrielle et artificielle ils s'étaient liés à elle plus que de raison . Leur dépendance étaient totale et leurs pauvres mâchoires lisses et lunaires auraient été bien en peine de broyer quoi que ce soit d'un peu consistant . Tout juste pouvaient-ils boire et encore , c'était au prix de maux de ventre abominables tant leurs organismes étaient à ce point habitués à l'asepsie de la grande distribution . Le jeune homme avait cependant sur les autres un avantage indéniable bien que lui étant inconnu : un cafard sortit d'une faille rocheuse et grimpa sur son orteil gauche ; il fit alors un geste qui sur le moment lui parut complètement insensé , il se baissa , ramassa l'insecte et le croqua .



Une nouvelle de Kev Long Silver, second cercle des Gobliners, Grenoble FIN.



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Les compagnons d'infortunes




Le jeune homme sorti de la cabine de douche a taton . La buée envahissait l'air ; sa lourde moiteur ne lui permettait pas de distinguer autre chose que lui-même . Il était seul et nu comme dans un ecrin de coton . Cependant il connaissait tout les recoin de la pièce par cœur et c'est sans mal qu'il s'y orienta . Il saisit ainsi machinalement une serviette qui reposait dans un recoin et commença méthodiquement à la gorger d'eau tout en s'épongeant . Lorsqu'il la passa ensuite sur le miroir ou l'humidité s'était condensée en fines gouttelettes , un visage familier y apparu : rond , asymétrique il était surplombée par une touffe de cheveux vaguement brun, tellement enduit de gomina qu'ils y semblaient confits . Des yeux torves l'y regardaient avec ironie et le droit , comme souvent, louchait dans un strabisme grotesque . Les traits de l'individu permettait d'estimer son age aux alentours de la quarantaine et tout en lui s'opposait au gracile ovale de l'adolescent .
Jérôme , car c'était le nom de l'adolescent , ne sembla pourtant pas surpris outre mesure et c'est dans ces termes qu'il s'adressa a son interlocuteur :
«  Salut, Sartre , comment va aujourd'hui ? »
« ma foi fort bien mon garçon mais ,toi même, as- tu réfléchis à ce que je t'ai dis hier ? »
Jérôme , en effet , y avait passé une bonne partie de la nuit mais hélas cela n'avait aboutit qu'à lui donner un mal de crâne for douloureux .
« j'ai bien essayé mais je ne vois vraiment pas... je ne sais pas du tout ce que cela peut-être.... tu m'en vois bien malheureux mais je crois que ce coup-ci c'est toi qui gagne... ».
« c'est pourtant simple ! »rétorqua l'autre. «  Elle sont sœurs et jumelles et si elles agissent d'un commun accord elles peuvent faire disparaître le monde en une éclipse ; qui sont-elles ? ».
« elles sont sœurs et jumelles , une éclipse , le monde... »grommela Jérôme en lui-même tout en se peignant les cheveux d'un geste rageur .Les énigmes de Sartre devenaient de plus en plus dur et l'animal risquait bien de remporter la petite compétition qui s'était instaurée depuis déjà quelques temps entre eux . Il fallait réagir . Étant en effet d'une nature taquine le philosophe le poussait à chaque foi un peu plus dans ses retranchements . Jérôme l'avait rencontré il y a trois ans alors qu'il s'était endormie ,un soir de révision, le nez dans la Nausée ...car l'adolescent était effectivement affligé d'une spécificité , d'une caractéristique dérangeante même . Cela lui était apparue à l'age de 7 ans lorsqu'il avait appris a lire :
alors qu'il était en train de déchiffrer tout seul dans sa chambre les malheurs de Sophie , une dame avait bondit hors de la page en écartant les lignes à l'aide de son ombrelle . Elles était corsetée d'une robe en guipure qui bouffait autour de sa taille et lui donnait une allure superbe et intimidante .De la poudre de riz éclairait son visage d'albâtre et un ruban de velours noir moiré ramenait ses cheveux en un aristocratique chignon . Elle avait semblée aussi surprise que lui lorsqu'elle l'avait aperçu . S'en était suivi une vive conversation et même si il n'avait pas sympathisé outre mesure avec la comtesse de Ségur il avait ainsi découvert l'effroyable réalité : il voyait les auteurs , les écrivains des livres qu'ils lisait ! Oh , pas toujours mais enfin ,parfois il les rencontrait et les tirait bien malgré lui de leurs œuvres au détour d'une page . Pire , ceux-ci lui répondaient et n'étaient pas forcément contents d'être tirés de leurs paisibles retraites ! L'avantage et , qu'apparement , il semblait être le seul affecté de cette tare et qu'ainsi nul autre ne voyait ce qui s'imprimait sur ses prunelles désemparées . L'inconvénient se révéla qu'il se devait de camoufler le phénomène autant que faire se pouvait s'il ne voulait apparaître comme fou et dément aux yeux de ses proches .
Avec le temps il s'était ainsi fait des connaissances et pour ainsi dire des amis mais aussi des ennemis : Jerôme fuyait certains livres avec la plus grande terreur de peur de retomber sur leurs auteurs . Certains manifestaient en effet une évidente hostilité à son égard . Les hurlement ulcérés de Chateaubriand lui revenait ainsi en mémoire :
«  comment ,vous, ici , dans Mon Manoir ! Veuillez déguerpir prestement vil manant ! La noirceur de vos sinistres pas ne peut en aucun cas souiller la pureté de mon havre de repos !A chaque sépulture, il y a un homme qui reçoit le fardeau de la main de l'homme qui va se reposer ! Comment osez-vous m'y déranger ! ».
Bref c'était un exemple parmi bien d'autres et si Jérôme avait une certitude c'est bien que la littérature possédait aussi ses zones d'ombres et , comme on dit , ses fâcheux .
Il avait de même découvert que la catastrophe ne ne s'arrêtait pas là , car s'il avait la faculté d'aller déranger ses écrivains , ceux-ci gagnaient conséquemment la capacité de venir envahir son univers à tout moment : C'est ce qu'avait fait , parmi d'autres, Sartre .
En ce moment Jérôme en était donc a chercher désespérément la réponse à son énigme .
Il ferma les yeux et se concentra ; soudain la reponse lui apparue en une fulgurante évidence :
«  les paupières ! C'est ça , si tu fermes les yeux le monde n'est plus , elles l'éclipsent ! J'ai trouvé ! »
« Bien joué jeune homme ! » éructa Sartre .
« Ce n'était pas si évident , je te félicite. ».
« A mon tour ! » répondit Jérôme.
« C'est une charade : mon premier et une étendue d'eau , mon deuxième et ce que tu dis lorsque tu a perdu dix franc , mon troisième est très étroit et mon tout et une institution que tu connais bien . Qu'est-ce ? » .
« Hum, je vais y réfléchir. » répondit Sartre . Et il ajouta :
« Bon , rendez-vous même lieu même heure alors . Si tu me cherche je vais me balader du coin des séquestrés d'Altona avec le Castor . Tu comprend il faut que je vérifie comment ils vont . A force d'être enfermés il deviennent dépressifs les pauvres ! » .
Jérôme opina du chef .
Puis ,après s'être vêtit, il quitta la pièce . Il était tend pour lui de se préparer a une journée de labeur intellectuel , les cours allaient bientôt démarrer . Il eu ainsi juste le temps de faire un crochet par la cuisine ou Dostoïevski l'attendait avec une tasse de thé à la bergamote . Aprés avoir échangé des banalités sur le malheur de la condition étudiante il continua son trajet et sorti de chez lui . Il pris son bus quotidien . Le voilà sur le seuil de son amphithéâtre . Cour de littérature, étude de Lamartine . 8h du matin .la journée commençait fort . Les élèves prirent position le long des rangées dans les gradins . Ils se seraient comme des petits pois dans leurs cosses et l'ensemble était vraiment du plus bel effet .Jérôme choisit une place dans les hauteurs , en haut à gauche sur un des bancs les plus hauts perchés ; il avait ses raisons : en effet c'est une curieuse chose que les lois physiques ne soient pas les même dans les universités que dans le reste de l'univers , mais , c'est pourtant un fait incontestable . Normalement plus on monte en altitude plus la température chute . Newton et Descartes ont même passé une partie de leurs vie a le démontrer et tout alpinisme un peu douillet remarque très rapidement le phénomène . Et bien ce n'est pas le cas dans ces lieux . Preuve que la nature n'aime pas l'école et est ici du côté des cancres du dernier rang : il y fait toujours plus chaud .Plus on monte plus la température s'élève .
L'enseignant entra dans la pièce . Il était grand , maigre et jaune . Sa main gauche était ornée d'une grosse chevalière dorée et blasonnée et un bouc aux prétentions aristocratiques pendait piteusement sous son menton . Un gilet de couleur rouge enserrait son torse . On devinait sans peine les raisons qui l'avait poussée à étudié le romantisme de la noblesse déchue du 19ème . Jérôme poussa un soupir désespéré . L'orateur commença incontinent :
«  jeunes gens , sachez que s'il est dit que les murs ont des oreilles , en ce qui vous concerne vos oreilles ont des murs !Vos copies sur le Lac sont proprement désastreuses ! ».
une voix s'éleva tout à coup à côté de l'adolescent :
«  Cet homme est aussi captivant que les molles clartés qu'il vous fait étudier ! Tu devrais plutôt sortir de ce lieu au plus vite et inviter la jeune fille du troisième rang à boire un verre ! ».
Jérôme n'eut même pas besoin de tourner la tête pour deviner la nature de son interlocuteur .
« Boris ! C'est gentil de venir me tenir compagnie . Si tu délaisses ta répétition de trompinette matinale, c'est que tu doit avoir de très bonnes raisons non ? ».
Vian avait pris pour habitude de surgir à l'improviste dans ce genre de situations . Ayant lui-même beaucoup souffert lors de ces études , sa solidarité à cet égard était sans faille . Malheureusement ses conseils n'étaient pas vraiment des plus motivants quant-au travail que Jérôme devait réaliser .
« penses-tu !C'était ça ou garder toute la journée mes trois neveux, les trumeaux . Il se sont encore échappé de l'arrache-coeur vois-tu . Ils m'épuisent … Mais je ne reste que jusqu'à midi . Je suis invité à déjeuner chez Colin et Chloé et je ne voudrais pas manquer ça parce que je crois que Nicolas va cuisiner sa recette d'anguille à la Gouffé ! Il l'a réussi vraiment très bien bien tu sais . Si tu veux je peux même t'en ramener un bout . ».
« c'est très gentil à toi et ce sera avec plaisir. » répondit Jérôme . Puis il ajouta :
« En fait , j'ai discuté avec une de tes connaissances ce matin : Sartre te salut bien ».
«  Ce bon vieux Jean-Sol Patre ! Je me demande s'il possède toujours sa collection de vomi empaillés... ».
leurs réflexions furent interrompues par un glapissement particulièrement strident du professeur qui , pour autant qu'ils pouvaient le voir, cherchait à attirer l'attention de l'auditoire sur un exemplaire numéroté des meditations . Boris , comme tiré d'une longue rêverie, ajouta alors:
« Je vais donc te laisser à tes tristes occupations mon bien malheureux ami puisque cela semble être ton destin ; mais saches cependant que ton comportement défit toute raison et que loin de t'enrichir tes études te sont bien néfastes. Regarde :Plus tu travail , plus tu sais . Plus tu sais plus tu oublies ( car si tu ne sais rien comment oublier quelque-chose ) et plus tu oublies moins tu sais, non ? Donc plus tu travail moins tu sais alors à quoi cela te sert-il de travailler ? CQFD! ».
sur ce bon mot Vian se tût et disparu du regard de Jérôme.
Le reste du cour se déroula dans le plus morne ennui .On se serait cru dans une des heures interminables du roman de Pennac . Jérôme eut un mouvement de compassion à l'idée de ce dernier . Midi sonna . Les étudiants se ruèrent dehors dans une frénésie affamée . La file d'attente s'étendait à perte de vue devant la seule échoppe à sandwich du quartier .La cohue était inimaginable . Jérôme se fit la remarque que la faim de l'adolescent relevait en réalité d'une réaction des plus logiques : comme dans le domaine littéraire on peut rarement avoir la tête et l'estomac plein en même temps , le teenager moderne avait tranché , il optait régulièrement pour la seconde solution . D'où l'atmosphère d'anarchie ambiante . Découragé le jeune homme alla s'assoir sous un platane avoisinant . Son doux ombrage le fit revenir à des considérations plus pratiques . Deux heures de libres s'étendaient de toutes leur largeur devant lui . Il avait le temps . Il tira un exemplaire relié de Amok de son sac, l'épousta du revers de la manche, l'ouvrit puis le secoua légèrement . Une jambe, un bras puis un homme tous entier apparurent bientôt . Le personnage était vêtu d'une élégante redingote gris perle et un mouchoir de soie blanche dépassait de sa poche . Jerôme s'adressa a lui dans ces termes avec le sentiment du plus profond respect :
«  Maitre, si cela ne vous importune point, daigneriez vous poursuivre mon enseignement et m'accorder une partie d'échec ? ».
« Mais bien volontiers mon jeune ami ! » lui répondit l'autre avec un sourire plein de malice . « Sachez cependant que je ne suis pas le le champion Czentovic . Toutefois mes modestes connaissances sont à votre service . ».
Ils commencèrent à jouer paisiblement . Il n'y avait pas de réel enjeux, simplement le plaisir de passer un instant en bonne compagnie. Zweig était un sympathique compagnon et son entretient était des plus aimable . Tout en déplaçant les pièces sur l'échiquier il agrémentait son geste de propos sur le printemps, la jeunesse et la nécessite de la passion . Il faisait surgir sous les yeux de Jérôme les canaux de Berlin et les forets du sud de l'Allemagne . Jérôme connaissait bien Stephan . Il savait que son entrain et son enthousiasme était en réalité pour la majeure partie feints et que ce qu'il donnait était retranché de ce qui lui restait . Néanmoins le jeune homme était inexplicablement fasciné par le personnage . Une connivence silencieuse s'était tacitement instaurée entre eux . Ils ne se retrouvaient qu'autour des échecs et cela les satisfaisait tout les deux .
Ils restèrent ainsi jusqu'au moment ou une souris sortie soudainement d'un fourré et vint jusqu'à Jérôme. Elle tenait entre ses fines pattes une boite de carton tout enveloppée de papier craft . Dedans il y avait une tranche d'anguille rôtie . Le garçon flatta de la main le dos luisant de l'animal qui se mit à ronronner de plaisir . La petite bête lui expliqua que c'était par mimétisme et qu'elle avait développer cette stratégie afin de mieux tromper l'ennemie . C'était troublant . Jérôme dégusta le met puis regarda sa montre : il était temps de se remettre en route en direction de la faculté. Il prit congé de Zweig .
Il rentra dans le hall principal et ce dirigea vers la salle dans laquelle devait , de coutume , se déroulé le cours suivant . Hélas un mot de l'enseignant était fixer sur le battant de la porte indiquant que ce dernier était absent car un colloque sur un obscure écrivain Papou , sujet de ses recherches , allait avoir lieu à Madagascar . Il ne pouvait sous aucun prétexte manqué cela . Jérôme poussa un soupir et tourna les talons . Il se dirigea , mue par le désœuvrement général, vers la ligne de bus la plus proche et opta pour le centre ville . Comme un rayon de soleil pointait, les terrasses étaient ouvertes et ça et là des gens profitaient de la douce chaleur qui les baignait . Sur l'une d'elle se trouvait quelqu'un que Jérôme connaissait bien . Il fumait négligemment tout en lisant et se distinguait de la masse par son raffinement et son élégance . Ses longs doigts blancs tenaient en effet un porte cigarette en ivoire polie, la chaine d'une montre à gousset dépassait de la poche de son gilet, un foulard de soie grège entourait délicatement son cou et un paire de gants blancs étaient posés sur de sa redingote vert d'eau . Jérôme s'assit à la table d'Oscar qui leva subitement les yeux, surpris . Malgré cela il n'adressa pas immédiatement la parole à l'adolescent et se contenta de faire signe au garçon du café.
« Veuillez, je vous prie, avoir l'extrême bonté de bien vouloir nous apporter une bouteille de champagne ainsi que deux coupe. Le meilleur sera le mieux . »
Jérôme ne pu s'empêcher de s'exclamer alors:
« Toujours des goût de luxe à ce que je vois. Je parie que tu n'a même pas de quoi la payer cette bouteille, n'est-ce pas ? »
« C'est exacte. » répondit l'autre. « Mais s'il fallait vivre à la hauteur unique de ses moyens, la vie serait singulièrement ennuyeuse , ne crois-tu pas? Pourquoi ne mériterions-nous pas de boire du champagne, mon ami ? Vois-tu cet homme non loin de nous? Oui celui-là même qui croise les mains avec une mine repus sur son estomac .Il semble avoir le portefeuille bien garni à jugé le généreux pourboire qu'il vient de laisser .Eh bien, qu'a-il fait de plus que nous? Hériter ? S'enrichir ? Travailler ? Qu'a à voir tout cela avec le plaisir du bon vin? L'existence est ainsi faite qu'il s'en est certainement abreuvé tout son content plus que toi et moi ne pourrions le faire dans notre vie pleine; et nous le laisserions profiter de cela stoïquement ? Je le refuse ! Le monde est un théâtre mais la pièce est mal distribuée : nous ne faisons donc que rétablir ce qui devrait naturellement nous échoir » .
Sur-ce il lui servi avec dextérité un verre du précieux liquide .
Les heures passèrent et les bouteilles se vidèrent. Les passant jetaient bien un regard étonné sur les deux compagnons, notamment sur Wilde qui était dans ses manières comme dans sa tenue d'une furieuse excentricité, mais, comme il le disait lui même:
« Rien n'est plus dangereux que d'être trop moderne car on risque de devenir soudain ultra démodé ».
Le soir tombait doucement sur la ville et les chalands se faisaient de plus en plus rares dans les rues . Du moins leurs nature changeait singulièrement : leur âge diminuait au fur et à mesure que l'obscurité croissait . 9H sonna ;on ne voyait désormais plus que des étudiants errant ça et là et quête de débauche nocturne . Jérôme et Oscar admiraient contemplativement le spectacle . Une douce quiétude les envahissait lorsque le jeune homme prit la parole:
« Y-allons nous? Ne crois-tu pas que nous nous sommes par trop attardé ici, Oscar? »
« Certes! »dit l'autre qui dans un mouvement hésitant tenta de se lever ...pour finalement retomber dans son fauteuil . « Il me semble parfois que Dieu, en créant l'homme, ait quelque peu surestimé ses capacités. En tout cas cela s'applique présentement à moi et je pense que, sans une aide secourable, nous allons demeurer quelque temps encore sur cette belle place ».
Ils en étaient là quand tout à coup un groupe de jeunes estudiantins bras dessus-bras dessous et passablement éméchés sortit d'une ruelle . Ils riaient à gorges déployées tout en chantant des airs paillards. L'un d'entre eux disait à son compagnon :
« Jenin, mon ami, ton fumet est insupportable ! Depuis combien de temps ne t'es-tu lavé ? Vas-t'en donc vite au estuves avant que je ne trépasse ! ».
Comme il se rapprochaient Oscar, qui était très indiscret et très curieux, les apostropha :
«  Ola, qui êtes-vous pour déambuler ainsi ? Excuser ma témérité mais il me semble vous connaître . »
Celui qui avait parlé en dernier se détacha alors du groupe et dit :
«  je suis François et crois bien que cela me pèse . Je viens de Pontoise et te salut bien, le Gominé ! ». Bref en cinq minute les deux comparses se parlaient comme s'ils s'étaient effectivement toujours connu . Jérôme sentait ses paupières s'alourdir de plus en plus . Ainsi Oscar et François lui prirent chacun un bras et commencèrent à se diriger vers l'immeuble ou résidait le garçon. En faisant cela ils débattaient par dessus son épaule sur l'inutilité de la morale et la nécessité de la transgression .
Plus tard, en se couchant Jérôme se prit à se demander si Sartre avait trouver la réponse de son énigme : (lac-aux mes dix franc!- 13et3= 16) . Oui, certainement .Jérôme s'endormit . Au fond qu'avait été cette journée si ce n'est très banale ?














Une nouvelle de Kev Long Silver, second cercle des Gobliners, Grenoble





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Le mordant du problème …



Je m'appelle John. Plus précisément John Smith. Je suis l’heureux président-directeur- général du groupe Smith and co. Nous sommes cotés en bourse et détenteurs d’un capital de plus de 3 milliard de dollars. Nous employons plus de 50 000 personnes, toutes exclusivement sur le territoire américain, et notre siège social se trouve à Chicago, Etats-Unis. Mon second, le sous-président-directeur-général s'appelle Roger . Roger Parker .Un matin monsieur Parker a frappé a la porte de mon bureau puis il est entré et m’a dit :
« monsieur Smith , nous avons un problème » .
« quel problème ? » ai-je demandé .
« les tanzaniens orientaux » m’as-t’il répondu avec des trémolos tragiques et terrifiés dans la voix .
« arg! » me suis-je alors exclamé car il y avait de quoi .
Les tanzaniens orientaux sont nos pires et nos plus acharné concurrents dans la production du cure-dents en sapin massif, joyau de notre firme , fruit de plus d’un siècle de recherche et de labeur . Monsieur Parker m’expliqua alors dans la demi-heure qui suivie que les entreprises tanzaniennes venaient enfin de trouver un accord communs pour mettre sur le marché un nouveau modèle encore plus perfectionné et un cent fois moins cher que le notre actuel .C’était inadmissible . Cependant nous ne savions quoi faire . Nos labos de recherches étaient sur les dents ( des cobayes ) . Et , puis ,après tout , la Tanzanie était tout de même bien loin de nous et notre clientèle nous était fidèle depuis plusieurs générations .
Nous avons donc décidé d’un commun accord de suivre le célèbre dicton de nos ancêtres « wait and see » et de ne prendre aucune décision immédiate . La suite ? Comment vous dire , ce fut une catastrophe .En quelques semaines nos parts de marché s’écroulèrent . Le cure-dent made in US battait de l’aile . De tout le pays des courriers de nos revendeurs affluaient pour nous signifier la résiliation de leurs contrats .Smith and co était en chute libre à Wall Street . Le cure-dent tanzanien se taillait la part du lion . Notre comité de direction , aux abois ,organisa une réunion en toute urgence . Là , fut pris une décision très grave qui fit tomber la représentante du personnel en syncope : pour la première fois de notre histoire nous allions délocalisé . Délocaliser avec un grand ‘D’ car nous nous devions de frapper un grand coup : nous avons TOUT délocalisé . Au Rajasthan . En une semaine tout fut plié , emballé , envoyé . Excepté mon bureau et ma secrétaire .Ainsi les employés eurent le choix entre être licenciés immédiatement sans préavis ni indemnités ou partir avec les meubles et travailler dans les conditions locales, à mi-temps : 12h par jour . Je ne su jamais pourquoi mais toujours est-il qu’aucun ne vint jamais . De plus le nom de l'entreprise fut modifié : désormais je dirigeais le label montant asian-tiger .
L’effet fut formidable , notre côte remonta instantanément en flèche . Le coup se révéla de plus rude pour les tanzaniens qui se retrouvèrent complètement pris au dépourvu . Ils étaient d’un seul coup complètement dépassés par les événements .en effet non seulement nos nouveaux cure-dents étaient moins chères mais les économies sur les coûts nous permirent d’innover admirablement : une nouvelles gammes , inspiré de ce site dépaysant vit le jour . Les cure-dents parfumés entrèrent avec fracas sur le marché . Nous proposions quatre saveurs : curry , noix de coco , thé vert et papaye . Tout le gratin new-yorkais se les arrachait . C’était devenu du dernier chic dans les restaurants guindés de proposé en fin de repas nos produits : « et maintenant madame , monsieur permettez-moi de vous suggérer un digestif ou un cure-dent de chez asian-tiger» . Nos actionnaires reprirent vite le sourire . Quand a moi , demeuré à Chicago , je jubilait : fortune affichait mon portrait en couverture et tous les grands patrons américains et européens m’enviaient .
Fort de ce succès je décidais alors de perfectionner encore le système et d’améliorer le recrutement de la main d’œuvre : pour optimiser le rendement il nous fallait des ouvriers d’une docilité total . Or tout Homme a enfui en lui un Spartacus qui sommeil et lorsque nous essayâmes d’augmenter les cadences ceux-ci se réveillèrent . Les chaînes de production faillirent s’arrêter .on parla même un moment donné de grève . Nous crûmes revivre nos anciens errements .
Heureusement je trouvais vite la parade . L'espoir réside dans la jeunesse . Les enfants étaient la solution . Nous nous dépêchâmes donc d'en employer dans toutes nos usines et de remplacer tout nos employés adultes . D'un seul coup nos soucis s'envolèrent . Âgés en moyenne de six ans et demi le personnel répondait a toute nos exigences . Nous pûmes encore augmenter le volume horaire jusqu'à 18h par jour car désormais tout le monde dormait à même le sol dans l'usine . Les salaires étaient commués en nourriture et plus personne n'avais besoin de sortir pour dépenser son argent . Enfin très peu savaient lire et aucun écrire ce qui était infiniment pratique en cas de nouvelle rébellion ( car comment construire une pancarte de revendication ou une pétition ? ) .
C'était réellement magnifique !
asian-tiger installa donc confortablement son quasi monopole et agrandit sa liste de clients . La France , l'Angleterre , l'Allemagne ...nous n'avions plus de limite . Le président des états-unis me fit même appeler et je reçu la décoration première classe du congrès avec mention spécial . J'étais devenu un homme très respecté et envié et il n'était pas rare qu'on se batte pour mériter ma présence à un gala de charité ou un cocktail mondain .
Bref tout allait de nouveau pour le mieux . Quelque mois se passèrent dans une quiétude parfaite . Et puis un jour je reçu un coup de téléphone du Rajasthan : c'était Roger :
« monsieur Smith , nous avons un problème » .
« quel problème ? » ai-je demandé .
« les tanzaniens orientaux ».
« encore ! » me suis-je étranglé .
«oui monsieur , ils ont résisté et ont trouvé la parade ».
Et en effet ils l'avaient trouvé , la parade : le cure-dent BIO !Anticipant la crise de conscience et les remords du consommateur face à la déforestation , les tanzaniens avaient sorti un nouveau modèle entièrement recyclable . Équitable le cure-dent était taillé à mains nues dans le tronc d'un cocotier spécialement planté pour l'occasion . Leurs équipes étaient composées de moines bouddhistes végétariens par ailleurs adhérents de green peace et 5% de leurs bénéfices étaient reversés à WWF . Tout du moins c'est ce qu'ils faisaient croire car bien sûr c'était bidon . Simplement ils avaient corrompu les fonctionnaires chargés des contrôles et s'étaient installés dans un état peu regardant .
C'était dure .
Il fallait vite réagir et rebondir . Je pris alors une grande décision lourde de conséquences : je devais de nouveau délocaliser . Cette fois-ci en Birmanie . Ainsi fut fait . Nous ordonnâmes à nos sous-traitants rasjastais de tout emballer et de tout envoyer. Les produits partaient donc désormais d'Asie du sud-est , passaient par l'Europe central , traversaient l'atlantique et arrivaient sur le nouveau continent .Voilà comment nous pûmes sortir peu de temps après notre propre label de cure-dents écologiques: asian-tiger devint bioteeth . Mais la guerre s'intensifiait avec nos concurrents qui ne se laissaient certes pas faire .l'espionnage industriel devint monnaie courante chacun tentant par tout les moyens de prendre l'avantage sur l'autre .De plus nos fournisseurs eux-mêmes avaient leurs propres ennemies et ce que j'appris beaucoup plus tard c'est qu'eux aussi s'étaient délocalisés .
Quand la crise survint ce fut donc la panique .
Tout le monde tenta de trouver le meilleur parti au moindre coût dans le plus court laps de temps . Aucune concertation n'était possible car le secret devint capital pour contrer les attaques des firmes adverses. la suspicion était omniprésente . Les directeurs de nos succursales prirent dans la précipitation des décisions inconsidérées et parfois mêmes contradictoires . Mais à cela rien d'étonnant puisque , les usines se situant dans des régions et des pays différents plus personnes ne parlait la même langue : nous nous retrouvions avec plus de 26 dialectes ! La situation devint terriblement complexe . Les traducteurs des notices s'arrachaient les cheveux et partaient en dépression...
La dernière fois que j'eus une vision d'ensemble je dirigeais une marque neo-zélandaise se nommant cure-super passant par la Sibérie , la Paraguay , le Danemark , l'Angola et le Québec !
Aujourd'hui j'ai un problème : je ne sais plus ni où ni comment s'appelle l'entreprise que je suis censé dirigé ni même ce qu'elle fabrique . Ainsi si vous avez des informations la concernant prière de me les communiquer a l'adresse ci-dessous . Forte récompense .

John Smith
13 bis, Kerviel Street
Chicago , USA . FIN.






Une nouvelle de Kev Long Silver, second cercle des Gobliners, Grenoble


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....... votre serviteur
....... John/Kev Long Silver
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John Long Silver
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