Interrogatoire musclé

Gordan était menotté à une table dans une pièce sombre, sans fenêtre. Elle était seulement éclairée par deux torches. Les miliciens l’avaient tabassé pendant une bonne heure, histoire de « l’attendrir » comme ils n’avaient cessé de lui répéter pendant qu’ils le matraquaient avec leur gourdin. Puis, ils lui avaient jeté des seaux au visage pour le dégriser, faire disparaître les dernières vapeurs d’alcool qui embrumait son esprit. C’était certes efficace mais cela avait réveillé les douleurs dans tout son corps suite à son passage à tabac.
Les deux autres occupants de la pièce étaient un homme d’une quarantaine d’années, assis en face de lui, les coudes reposant sur le dossier de sa chaise. Il le regardait fixement avec son regard noir et intimidant. Derrière Gordan, se trouvait un colosse, un ogre, sergent dans la milice de Port-Brume. Il lui assenait régulièrement des baffes dès qu’il ne répondait pas correctement aux questions.
Pour l’instant, la situation se résumait à un duel de regard entre l’enquêteur et Gordan. C’était à celui qui baisserait les yeux en premier. Aucun des deux ne cédait de terrain. Mais au bout d’un moment, l’enquêteur céda.

« Bon reprenons depuis le début ! Tu crois sérieusement que tu peux te saouler la gueule puis massacrer tranquillement des gens, aux yeux et aux vues de tout le monde. Tu te crois tout permis, c’est ça ! »

« Et me dit pas que c’est pas toi ! Deux heures auparavant, tu t’es fait arrêter pour ivresse et coups et blessures sur une petite gonzesse de rien du tout. Et comme c’est l’aubergiste qui t’avait balancé à la milice, t’as décidé en sortant d’ici de retourner te venger et de le tuer. Puis au passage de tuer deux gnomes qui passait par là, de foutre le feu à l’auberge et de piller toute la réserve d’alcool. »

« En plus t’es tellement con que t’es resté sur place à cuver ton vin comme l’abruti d’ivrogne que tu es ! »

L’ogre lui saisit le crâne avec sa grosse main et lui tapa plusieurs fois la tête contre la table jusqu’à ce qu’on entende les os du nez craquer. L’enquêteur fit un geste de la main pour signifier que cela suffisait. L’ogre releva la tête de Gordan en le tirant par les cheveux. Ce dernier avait le visage en sang. Ses yeux pleuraient à cause de la douleur et l’aveuglait. Il avait du sang qui coulait depuis son nez dans sa bouche et l’empêchait de respirer correctement.

« Mon camarade, ici présent était un très bon ami de l’aubergiste. Tu vois. Et ça lui fait beaucoup de peine que tu l’ais tué. C’est un garçon très sensible. Et quand il souffre, il n’aime pas souffrir seul. Donc je te laisse le choix, soit tu coopères soit je te laisse entre les mains de notre ami. Je vais faire une petite pause pour te laisser le temps de réfléchir. Et j’espère que quand je reviendrai, tu seras dans de meilleures dispositions.»

L’homme se leva. L’ogre le suivit mais juste avant de quitter la pièce, il se pencha à l’oreille de Gordan.

« Je tiens juste à te préciser qu’avant qu’on te coupe la tête, je m’occuperais personnellement de ton cas. T’inquiète, je te laisserais juste assez de force pour pouvoir marcher tout seul vers l’échafaud. »

Puis, il sortit.

L’enquêteur n’était pas retourné voir son prisonnier. Une donnée nouvelle lui avait été rapportée par l’un de ses miliciens. Il devait rencontrer le fameux dragon noir « en mission » comme lui avait dit son gars. Il n’aimait pas les officiels du Royaume : dragons noirs, mages et compagnie. Ces types débarquaient à port-Brume, faisaient ce qu’ils voulaient, se croyaient au dessus des lois. Ils étaient arrogants et sans scrupules. Le Royaume s’était toujours mal comporté envers Port-Brume, ce n’était pas nouveau. Il n’hésitait pas à envoyer ses assassins, espions et autres hommes de main pour régler des problèmes qui avaient quitté leur juridiction. Sans jamais en référer aux autorités, ni leur demander la permission. C’est pas parce que Port-Brume était une toute petite ville par rapport au Royaume du Dragon que l’on pouvait tout s’y permettre quand on était un étranger.
Lorsqu’il irait interroger ce dragon noir, il resterait calme. Mais il lui ferait bien comprendre que la moindre des courtoisies aurait été d’aller le voir avant de déclencher les hostilités avec leur ennemi. Ne pas le faire montrait tout le mépris qu’il avait des autorités de Port-Brume donc de lui. Il lui dirait ce qu’il pense et si jamais il ne voulait pas entendre raison, il l’expulserait de la ville.
Il se tourna vers son sergent ogre.

« Prends vingt gars avec toi, on va sortir rendre visite à quelqu’un ! »

Ils arrivèrent au port et l’enquêteur toqua à la porte du hangar qu’on lui avait désigné. Au bout d’instant, un gnome vint lui ouvrir.

« Je suis l’enquêteur Brigam. Je viens voir Syrio del Toro. On m’a dit que je pouvais le trouver ici. »

Le gnome le fit entrer et lui désigna un jeune homme, très bien habillé qui discutait avec deux autres hommes. L’enquêteur ainsi que ses hommes entrèrent dans le hangar et se dirigèrent vers les trois personnes.
Arrivés à leur hauteur, il se présenta.

« Je suis Brigam, chef enquêteur de Port-Brume. Je dois parler avec monsieur del Toro au sujet des événements qui se sont passés à l’auberge du Roc. Auriez-vous un endroit où nous pourrions discuter au calme ? »

Lorsqu’ils furent installés, l’enquêteur attaqua direct dans le vif.

« J’ai appris que vous étiez un dragon noir et que vous aviez poursuivi un dangereux criminel jusque dans l’auberge du roc. Et que vous étiez pour quelque chose dans les événements qui se sont déroulés dans cette auberge. Sachez que je n’apprécie pas du tout votre attitude. Vous n’êtes pas dans le Royaume ici. Vous n’avez aucun droit légal de poursuivre des gens, même si ce sont des criminels, ni de les tuer. Je pourrais très bien vous faire arrêter sur le champ. Si vous étiez venir me voir d’abord au lieu de vous faire justice vous-même, on aurait pu trouver une solution. Faire les choses plus en douceur.
Mais à priori, rien ne change. Vous autres du Royaume, vous vous croyez toujours tout permis. Mais je vais être bon prince et laisser ma rancœur de côté et essayer de démêler avec vous ce sac de nœuds qu’est cette affaire. »

« Je ne vous cache pas que cette affaire est sérieuse. Il y a eu trois morts et des dégâts importants. L’homme que nous avons arrêté est un récidiviste et un ivrogne. Il a été arrêté deux fois en moins de deux heures. La première fois pour avoir frapper une femme et ivresse, et la deuxième fois pour triple meurtres, incendie, vol et pillage, et de nouveau ivresse. De plus, il refuse parler, ce qui n’arrange pas son cas. Je le soupçonne d’avoir voulu se venger de l’aubergiste qu’il l’avait fait arrêté la première fois. »

« Donc si vous pouviez éclairer ma lanterne, cela m’aiderait beaucoup et peut-être que vous pourriez sauver la tête de cet imbécile. »

Syrio se tenait au centre du hangar avec Matino, Eryu et Sarah. Ils prenaient le petit-déjeuner avec les membres de l'équipage. Le jeune bretteur avait l'air d'être de très bonne humeur. Il n'hésitait pas à balancer quelques vannes comme au bon vieux temps. Il évitait quand même les blagues graveleuses puisque Sarah n'était pas loin.

Tout le monde se tourna vers les miliciens lorsqu'ils entrèrent en masse dans le hangar. La surprise laissa place à un silence de mort. Seul quelques murmures se faisaient entendre de-ci delà. Dans l'assemblée, quatre personnes n'avaient pas l'air surprises. Ils regardaient les miliciens approchés avec un regard sérieux.

Matino fixait les miliciens avec un regard glacial. Eryu de son côté semblait être totalement destressé. Il faut dire qu'il a une technique très artistique pour évacuer le stress qu'il nomme "Tai Chi". Sarah et Syrio étaient calmes et ils accueillirent les miliciens avec un air calme et courtois. Ils leur firent un salut de la tête et invitèrent Brigam à prendre place sur une caisse qui faisait office de chaise de fortune

Ils écoutèrent ce que Brigam avait à leur dire sans l'interrompre. Notre jeune bretteur remarqua vite que son interlocuteur avait l'air d'être un honnête homme qui cherchait simplement à bien faire son travail.

Matino garda son regard noir toute la conversation. Il avait l'air énervé d'avoir à s'expliquer pour l'évidence. Il se tait mais son regard dit : "si vous faisiez votre boulot correctement vous ne seriez pas là".

- Alors, en fait pour commencer j'aimerais vous présenter mes excuses pour notre comportement. Nous n'avions pas du tout l'intention de faire ça en douce et de repartir dans le Royaume comme si de rien était. Nous voulions simplement nous assurer que c'était notre homme avant de faire appel à vous. Ce criminel avec l'aide de ses pouvoirs magiques connaissait toujours nos faits et gestes. De ce fait, il avait toujours un temps d'avance sur nous.

Syrio regardait Brigam dans les yeux avec un air très sérieux. Il pesait ses mots pour essayer de faire comprendre au milicien qu'ils ont dû jouer serrer avec Arklan pour pouvoir le battre.

- Cet individu disposait de pouvoir magique hors normes et c'est surement ce qui nous a perdu. Dans cette affaire, nous avons d'ailleurs perdu plusieurs de nos hommes.

Brigam pouvait ressentir l'émotion dans la voix de Syrio lorsque celui-ci aborda la mort de ses hommes. Vous connaissez le caractère de Syrio et vous savez bien qu'il tient énormément à la vie de ceux qui combattent à ses côtés.

- Croyez-moi, j'aurais fait appel à vous, mais tout a été trop vite ... Sa magie était trop puissante, mes éclaireurs on du se faire repérer et en sont morts ...

Eryu prit la parole pour dire à Brigam que dans l'affaire nous avions perdu de vue deux de nos compagnons. Il donna au milicien la description très précise d'Absalom et de Gordan. Le regard de Brigam s'illuminait au fur et à mesure qu'Eryu donnait la description du guerrier. C'est donc comme ça que nous apprîmes que l'homme qui était accusé du meurtre de l'aubergiste était Gordan. Syrio ne pu cacher sa surprise. Du coup, il percuta pourquoi ils croisèrent Gordan dans la rue alors qu'ils se rendaient à l'auberge pour tuer le vampire et que ce dernier avait été très évasif lorsque le jeune homme lui demanda d'où il venait.

- Bien, je crois bien que cet homme n'a pas pu tuer l'aubergiste. Pour les autres accusations, je ne sais pas. S'il est coupable, il devra réparer ses tords.

- Pour en revenir au meurtre, nous avons croisé Gordan lorsqu'il sortait de prison et lorsque nous sommes arrivées à l'auberge nous avons assisté à une scène très étrange. Apparemment, vos miliciens avaient été alertés et lorsqu'ils arrivèrent à l'auberge, ils furent accueillit devant la porte par les serveurs. Ces derniers leur ont dit qu'il ne s'était rien passé.

- Par contre, nous sommes rentrées après le départ de vos hommes et l'auberge était vide. Pas de client, pas d'aubergiste ... Je veux bien qu'un ivrogne se venge, mais quand même. Il aurait tué l'aubergiste et aucun client n'aurait rien dit ? Aucun client pour témoigner de cette agression qui a été violente puisque trois hommes y ont laissé la vie ?

- Ensuite, les deux gnomes sont morts d'un seul carreau d'arbalète. Pourquoi n'a- t-il pas utiliser son épée ? Je sais comment Gordan combat et je peux vous dire que ce n'est pas son genre d'attaquer ses ennemis à distance.

- Ce maudit magicien pouvait contrôler l'esprit des gens et c'est l'astuce qui lui a permis de maquiller son crime. Le meurtre a eu lieu pendant que Gordan était chez vous pour répondre de son agression envers la jeune femme. La milice fut prévenue surement par l'un des serveurs ou un client. Le temps que la milice arrive, le magicien a dû se rendre compte qu'il risquait d'avoir des problèmes avec vous. Du coup, avec sa puissante magie, il a asservis les serveurs de l'auberge. Ces derniers ont reçu l'ordre de tout nettoyer à l'intérieur de l'auberge et d'attendre les miliciens dehors pour leur dire qu'il ne s'était rien passé. C'est pour ça, qu'ils attendaient patiemment la venu de vos hommes devant la porte de l'auberge. Ils ont tout fait pour les convaincre que c'était une fausse alerte et qu'il était inutile d'aller fouiner à l'intérieur du bâtiment.

Syrio marqua une très légère pause.

- Pour être plus précis, la décapitation de l'aubergiste a dû être faite par l'espèce de golem métallique qui l'accompagnait. Vous devez surement en avoir entendu parler. Il parait qu'il a fait sensation en ville. Cet engin du démon était un vrai mur de lame ambulant. Il pouvait décapiter n'importe quoi en un seul coup. Vous avez dû récupérer dans l'auberge une grande armure métallique ?

Eryu pris de nouveau la parole pour dire à Brigam qu'il pouvait interroger Lisa. C'était la jeune femme que Gordan avait frappé à l'auberge. De plus, il invita Brigam a demandé à l'équipage du "Fend la brume" des informations complémentaires sur Arklan. Il était sûr qu'ils pouvaient dire à Brigam à quel point ce démon était puissant. De plus, certains membres de l'équipage ont combattus à l'auberge, du coup, ils pourront confirmer les évènements. Il rajouta également :